Chapitre XX

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Quelques jours avaient passés depuis la prise d'otage de Bucky. Le retour à la maison s'était fait dans une ambiance étrange: mélange de gêne, d'inquiétude et de non-dits traduits par un silence pesant. Mi avait conduit le camion, ses loups à nouveau à l'arrière et Bucky à ses côtés ; ce qui avait forcé Frère Gris à courir derrière le véhicule puisqu'il avait déjà eu du mal à rentré seul à l'aller. Sam quant à lui était resté sur les lieux, s'occupant de Dingleton et des preuves contre lui en attendant les renforts qu'il avait demandé.

- Rentrez à la maison. Prenez un bon bain et reposez vous, je m'occupe de vous couvrir. Mais ça ne veut pas dire que vous n'aurez pas à répondre à mes questions je vous préviens ! S'était-il énervé.

Depuis, ils n'avaient pas encore trouvé le temps de discuter réellement des faits avec lui, chacun reprenant son travail le lendemain.
A vrai dire, le couple lui-même n'avait pas vraiment reparlé de cette histoire, encore trop sensible dans leurs souvenirs. Mi sentait encore la peur et l'inquiétude lui tordre le ventre et des cauchemars s'invitaient régulièrement dans son sommeil, la réveillant en nage. Parfois c'était des mercenaires qui réussissaient à affaiblir Bucky pour finalement le tuer sous ses yeux, arrivant trop tard; d'autres fois Bucky l'attaquait lorsqu'elle débarquait pour le sauver, déjà reprogrammé en tant que soldat de l'hiver et elle ne pouvait se résoudre à le tuer alors elle se laissait mourir sous ses coups.
Bucky lui voyait bien que Mi n'était pas bien, mais en plus de cela il ne pouvait s'empêcher à la fois de culpabiliser de s'être fait avoir comme un bleu mais aussi d'avoir pris peur en découvrant ce côté sombre de sa colocataire. Les images de Mi défigurant et déformant le corps de Dingleton qui ne pouvait se défendre le hantait: ses cheveux en bataille, son expression déformée par la rage, le sang sur son corps et son visage et surtout ses paroles démentes. Jamais il n'aurait ne serait-ce que soupçonné une part aussi bestiale au fond de la si gentille et si douce professeure ! C'était tout bonnement impensable. Et le fait qu'il en ait peur et qu'il ne puisse s'empêcher de la rejeter, cette part animal, le faisait se détester car Mi avait sut l'accepter dans son entièreté; c'est à dire avec ses côtés sombres et son passé douloureux et torturé. Pourquoi ne pouvait-il pas juste l'accepter et passer à autre chose ?! D'autant plus que c'était pour le protéger qu'elle s'était mise dans cet état, mais se souvenir de ce sourire sadique lui faisait craindre le pire, comme si elle avait pris plaisir à faire du mal à cet homme.

- Tu m'as l'air bien à l'ouest ! Fit Albert pour sortir son acolyte de ses pensées. Tout va bien Bucky ? s'inquiéta le vieil homme.

Le brun releva les yeux vers lui, hagard.

- Je... Oui, tout va bien. Répondit-il sans conviction.

- Je vois bien que ce n'est pas le cas. Je ne suis pas bête tu sais ? Mais si tu ne veux pas en parler c'est comme tu veux, essaie juste de faire en sorte que ce qui te mine ne te pourrisses pas la vie.

Un silence passa dans l'habitacle, les deux hommes dans leurs pensées. Bucky prit tout à coup la parole:

- Tu es marié depuis combien de temps avec ta femme ?

Surprit par la question, l'employé municipal n'en laissa rien paraître:

- 24 ans de mariage cette année ! Pourquoi cette question ?

- Tu n'as jamais douté ? Tu n'as jamais pensé que tu ne connaissais peut-être pas si bien ta femme ? Ca ne t'a jamais fait... peur ? Demanda le vétéran sans prêter attention à la question de son mentor.

Albert laissa un temps passer, réfléchissant sérieusement à la question, avant de déclarer:

- Je pense que je ne connais pas encore totalement ma femme sur le bout des doigts malgré tout ce temps de vie commune. Mais je ne pense pas que ce soit grave ou effrayant. Tu sais, je pense que ne connais jamais complètement qui que ce soit, pas même nos enfants, nos meilleurs amis ou nos parents; parce qu'on cache tous des choses que l'on pense inavouables et qu'on a peur de montrer même à nos proches ! Mais aussi parce qu'on continue d'évoluer toute notre vie, à chaque nouvelle épreuve et à chaque obstacle on réagit différemment et on apprend de nouvelles manières de faire.

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