Marchandage

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« Je vous demande pardon ?, s'offusque Hammerfield.

-Vous avez bien entendu, haut juge Hammerfield, réplique Miliana. Vous me devez une vie en échange de celle que je vais sauver.

-Mais je ne vous... ».

Djolsulfur arrête son amant d'un geste.

« Fort bien, dame Miliana. Guérissez notre ami, et je me ferai vôtre.

-Voilà qui est sage, amenez-moi le Tourstralancien, je le guérirai en moins d'une heure. »

Zondoria porte son compatriote jusqu'à la luxueuse tente de la grande prêtresse, tandis qu'Hammerfield prend Djolsulfur à part.

« Quelle est donc cette folie, mon amour ? Cette femme te manipule...qui est-elle au juste ?

-Moi et Jormund connaissons Miliana depuis des années, et savons qu'elle œuvre pour le bien. Seulement, elle tient à l'équilibre de la nature, et n'offre jamais rien gratuitement.

-Cela ne me plaît guère, Djolsulfur. Qu'entendais-tu par « je me ferai vôtre » ? ».

L'Areen ne répond pas. Perdu dans ses souvenirs, il se remémore sa rencontre avec Miliana. Il était alors seul avec Jormund, et les deux guerriers sillonnaient les environs de Tourstralance afin de repousser les Ovisars, éternels assaillants du hameau. Après une énième victoire contre les troupes d'Yrs, ils prenaient un repos bien mérité au Fier Liorderas. Fidèle à sa réputation de buveur aguerri et de charmeur émérite, Jormund tenta de séduire la dame assise au comptoir. Celle-ci dégaina aussitôt une immense lance et en menaça la gorge de son agresseur.

« Me toucher serait la dernière absurdité de votre misérable vie. »

Le Tourstralancien, d'abord effrayé, éclata d'un rire joyeux. C'est ainsi que ceux qui allaient se faire appeler les Trois Terribles firent connaissance. Ensemble, ils résolurent maints conflits et exécutèrent de nombreuses missions, tout en tissant d'étroits liens d'amitié. Cependant, après cinq ans de vagabondage, Miliana dut rentrer en sa forêt de Hyunon pour exercer sa nouvelle fonction de grande prêtresse, après le trépas de sa grand-mère Erysia.

Djolsulfur revient à l'instant présent, et se frotte le bras droit, étonnamment douloureux. Il relève son habit et dévoile une marque noirâtre qui, au fil des jours, a pris de l'ampleur. Hammerfield le voit et prend son compagnon dans ses bras.

« Djolsulfur...je te vois...je vois que cela va de pire en pire. Ton corps est marqué à l'égal de ton esprit, et un mal insidieux s'empare de tes bras comme de tes rêves. Que t'arrive-t-il ?

-Ce n'est rien. D'anciens démons de mon passé ».

Ce mot a une connotation toute particulière dans son esprit. Il ne cesse de se rappeler les scènes de ses cauchemars, le rictus diabolique de son frère, la ruine de son peuple...

« Jormund est sauf, mon ami ».

Miliana s'approche d'eux, l'air satisfait. Ses dons de soigneuse semble une fois de plus avoir porté ses fruits. La grande prêtresse, plus resplendissante que jamais, semble changée depuis les temps révolus où Djolsulfur la côtoyait jour et nuit. Il ne l'en admire que plus, sentant en elle un charisme et une détermination ravivés, comme si elle s'apprêtait à mener une croisade contre le mal.

Elle se tourne vers elle, affichant un sourire aguicheur mais aussi lourd de sens, comme si elle suivait le cours de ses pensées.

« Une croisade contre le mal ? Viens, Djolsulfur, viens respecter ta part du marché, car c'est justement ce que nous allons faire. »

Les Chroniques de DjolsulfurWhere stories live. Discover now