Jugement

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Les plaines arides de Durxatrys s'étendent, immenses et vides, à perte de vue, noires en cette nuit sans surbrillance. La Troupe d'Emeraude est exténuée, la soif et la faim se font ressentir, s'entendent même. Djolsulfur, habitué à ce paysage, avance promptement et aperçoit une pale lueur à l'horizon.

« Ce sont eux », affirme-t-il.

En effet, depuis ses vingt ans, l'Areen a connu un développement particulier de tous ses sens, le rendant plus vif, augmentant ses réflexes déjà tout à fait respectables. Il est désormais un véritable duelliste de talent, tel que l'avait prédit feu son père Dartran Tiresias. On entend un clair et distinct bruit de pompe et de cartouche.

« On va se les faire ! », s'écrie Raiza, l'air confiant.

« Non, je m'en charge, établissez plutôt un campement le temps que je revienne ».

Djolsulfur progresse rapidement, seul, rapière dégainée. Le sol craque sous ses pas, des fissures se créent dans cette terre granuleuse et terne. La lumière se rapproche, on entend le crépitement caractéristique d'un feu de bois, et une trentaine de Thanarcyens discuter avec animation dans une sombre et vieille langue. Djolsulfur peut les distinguer bien avant qu'ils ne l'aperçoivent, et les détaille longuement : leurs visages émaciés trahit une longue diète due aux conditions hostiles des lieux ; leurs bras blancs et maigres mais, le sent-il, puissants, contrastent avec leur longue cape noire qui les recouvre entièrement. Il remarque également que, si certains, ayant l'air plus menaçants que leurs congénères, sont lourdement armés, de faux et faucilles gristariennes ou autres instruments de bataille, la plupart des Thanarcyens sont sans défense. Sans doute des mages ou des prêtres de quelque culte obscur, se dit Djolsulfur, qui approche.

La rapière reflétant la lueur des flammes dans la nuit, les Thanarcyens perçoivent enfin sa présence, et le plus grand d'entre eux se lève, imposant

« Halte là voyageur, ce camp est actuel territoire de nous, Thanarcyens, et nous te sommons de... »

Il est difficile d'achever une phrase avec la tête tranchée. Celle du Thanarcyen roule au sol, son sang tâchant la lame de Djolsulfur, qui portait un regard empli de détermination haineuse sur les autres morts en sursis.

« Qu'est-ce que...Cormac...il a tué Cormac...

-Sus à l'ennemi ! »

Les guerriers survivants se ruèrent sur Djolsulfur, l'arme à la main. Le premier, brandissant un darkitras, long coutelas de guerre, se baisse pour tenter un coup bas sur l'Areen, mais celui-ci pare l'attaque, assène un puissant coup de pied à son adversaire, le mettant à terre, et l'achève en plantant sa rapière sanguinolente dans son abdomen. Il charge un second Thanarcyen qui, n'ayant pas le temps de dégainer sa faux, voit sa gorge s'ouvrir en deux, dans un flot de sang écarlate, fontaine morbide dans la nuit profonde. Les combattants tombent ainsi un à un, éventrés, éviscérés, étranglés. Les xarths, armes appréciées des fins stratèges et adeptes de Xartoz notamment, sont tranchés nets, Djolsulfur faisant preuve d'une rage froide, d'une fureur calculatrice, de réflexes surhumains. Il se jette corps et âme dans la mêlée, affichant une sinistre détermination, exterminant tous les Thanarcyens, les uns après les autres. Ces derniers, à défaut de résister, montrent un honneur sans faille, se battant jusqu'au bout. Honorable, pense Djolsulfur, dont les légères blessures se referment néanmoins presque instantanément. Faisant face à un énième assassin, il le désarme d'un revers d'épée, attrape sa faucille au vol et la lui fait avaler, plus ou moins brutalement. Il fonce sur un tireur de Bifurst, javelot de Brume, et lui coupe les jambes, puis les bras, puis la tête, en trois coups, très proprement.

Le carnage est terminé. En spectateur, ne pouvant que soutenir du regard la vision horrifique des cadavres de leurs frères, il ne subsiste que les cinq mages et prêtres, à la merci de Djolsulfur.

« Révélez-moi les desseins que vous fomentiez en venant par ces terres, et votre trépas sera sans douleur.

-Ce...ce...ce...ce sont les ordres du Haut Patriarche, monseigneur.

-Il...il voulait réveiller les anciennes puissances terrées en ces lieux...nous lui avons signalé que c'était dangereux, aux limites de l'impossible... »

Djolsulfur lui fait signe de se taire et, tendant la paume de sa main vers le ciel, attire sur son bras un rayon d'une intense lumière, surnaturelle, quasi-divine.

« Il y a bien plus dangereux que votre Haut Patriarche ou même les démons ancestraux en ce monde. »

Il ouvre le poing et le tourne vers les Thanarcyens.

« Moi. »

Explosion lumineuse...

Les Chroniques de DjolsulfurWhere stories live. Discover now