Rencontres

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Djolsulfur Areendel se souvient de sa visite à l'Aeran.

Il y était allé pour une simple mission de routine, un contrat alléchant sur la tête d'un énième aristocrate véreux. Mais à son arrivée sur la terre -volante- des e-Novas, il avait totalement oublié la raison de sa présence en ces lieux. Tout n'était qu'enchantement : les technologies révolutionnaires visibles nulle part ailleurs, les demeures et palais aux couleurs vives et à la grandiose opulence, les habitants aux visages parfaits et aux sourires chaleureux...

Mais Djolsulfur préférait la tranquillité de la nature, la communion avec ces grands arbres, majestueux et sans artifice, que nul ne saurait détériorer. Il y sentait une sorte de réconfort, cette certitude immuable que, quoi qu'il arrive, l'arbre résisterait aux ravages du temps et de la folie des hommes.

Et c'est sous un arbre qu'il rencontra Hammerfield Dawn.

Tout du moins Djolsulfur était sous l'arbre, car le Maard arrivait presque à sa cime. Pas le moins impressionné du monde, l'Areen dégaine sa rapière et l'aiguise en sifflotant. Baissant les yeux et le remarquant enfin, Hammerfield l'interpelle :

« Bien le bonjour, monsieur le bretteur. Je cherche un dénommé Djolsulfur Areendel, le fléau de Durxatrys, la rapière fatale, le fossoyeur de destins, et bien d'autres sobriquets sans doute mérités. En auriez-vous entendu parler ? »

Djolsulfur lève enfin la tête vers son interlocuteur et reste frappé de stupeur.

Hammerfield affiche une beauté surhumaine sur un corps titanesque et finement sculpté. Ses cheveux écarlates battant au vent soulignent la ferveur de son regard gris, et ses bras musculeux dégagent une aura de puissance phénoménale. Mais surtout, on voit en lui une gentillesse et une bonté spontanées, une impression de sérénité absolue qui inspire une confiance absolue.

« Je...oui, il se trouve que vous l'avez, à peu près, en face de vous »

Hammerfield rit, d'un rire franc et jovial, d'un rire qui ne laisse personne indifférent.

« Fort bien. Si vous le voulez bien, j'aimerais vous défier ».

Fracas d'armes et farandole martiale. Djolsulfur, montrant toute sa dextérité et son habileté, esquive toute offensive et trouve les failles dans la garde de son adversaire. Hammerfield, armé de son fidèle Fairbringer, attaque avec une précision inattendue et une force colossale. Les combattants finissent au sol, épuisés mais heureux de ce duel d'anthologie.

Dans une auberge esseulée à la périphérie de l'Aeran, les deux hommes, nus, sont allongés sur leur couchette. Ils s'embrassent langoureusement, leurs corps cette fois mêlés en une étreinte amoureuse.

« Je t'aime, Djolsulfur.

-Moi aussi, Hammerfield. »

Leurs caresses deviennent plus sensuelles, leurs contacts plus chaleureux. Djolsulfur est au bord de l'extase, il a trouvé le premier amour de sa vie. Au moment de reposer dans les bras de son compagnon, celui-ci se tourne vers l'Areen :

« Je ne souhaite qu'une chose.

-Quoi donc ? »

Le visage angélique d'Hammerfield se déforme, tout comme l'auberge : elle a disparu au profit d'une ville en ruines, d'un décor de carnage et de désolation. Djolsulfur découvre avec horreur que le Maard a pris l'apparence démoniaque de son frère Doronyan.

« Que tu subisses mille souffrances et endures mille tourments, misérable vermine ! ».

Djolsulfur se réveille en sursaut, le corps ruisselant de sueur. Haletant, il est désorienté, peine à reprendre ses repères : il est toujours en Durxatrys. La nuit est à son paroxysme, et le vent souffle d'une force inouïe, comme s'il exprimait la rage encore intacte du pire cauchemar de l'Areen.

N'y tenant plus, il quitte sa couche et, armé de sa rapière, s'entraîne sur un petit mannequin façonné à la hâte. Il déchaîne sa rage et sa frustration, ne comprenant pas le sens de ces songes. Il aime Hammerfield comme ce dernier l'aime, depuis le premier jour, et ne veut pas qu'il lui arrive malheur.

Que faire...que faire...

« Vous semblez bien pensif, mon général ».

Raiza, adossée à un rocher, l'observe en silence. Étonnamment pour une Défériante, elle faisait preuve d'une parfaite discrétion, si bien que Djolsulfur ne l'avait pas entendue approcher.

« Oh, Raiza...tu peines également à t'endormir ?

-Je ne dors que très peu...suffisamment peu pour en savoir plus sur vous que la plupart de vos soldats...excepté Hammerfield bien sûr.

-Écoute, ce n'est pas ce que...

-Inutile de le nier. De toute manière, je ne suis pas là pour juger vos sentiments personnels et je n'ai rien contre cela

-Eh bien merci...

-...à condition que cela n'influe en rien sur vos décisions, suis-je bien claire ? ».

Djolsulfur admirait la force de déduction et le caractère de Raiza. Elle était une alliée inestimable, d'autant qu'elle ne donnait aucune envie à son général de l'avoir pour ennemie...

« Fort bien, je te prierais simplement de ne pas en toucher m... ».

Un cri strident interrompt l'Areen. Un cri effroyable, à en glacer le sang, reconnaissable entre tous.

La troupe entière se réveille, ahurie, alertée.

« Il est de retour, déclare Djolsulfur d'un ton d'horreur froide. Le Krakuryan. »

Les Chroniques de DjolsulfurWhere stories live. Discover now