Retrouvailles

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« Vois-tu, mon bon Djolsulfur, il nous a bien servis...mais il commence à...pourrir, si je puis me permettre. Il va falloir trouver une solution définitive, tu ne penses pas ? »

Ossamwal lâche ses mots avec une indifférence résolument provocatrice, traînant son prisonnier au sol et le forçant à lever les yeux vers ce spectacle navrant qui semble tant réjouir le souverain Tritorian.

Au centre d'une immense salle, froide et austère, est suspendu le corps décharné et sanguinolent de Doronyan. Ses bras enfermés par de longues chaînes pendant du haut plafond, ses jambes emprisonnées dans une glace pure et incassable, ses innombrables plaies suintant abondamment d'un sang noir et poisseux qui semble intarissable ; tout cela le fait paraître plus démoniaque que jamais.

Enfin Djolsulfur voit son visage, inexpressif, ses yeux cachés par sa chevelure éparse.

Mais, à cet instant même, il esquisse, lentement, un sourire. Comme s'il avait perçu la présence de son frère, et nourrissait toujours le même sombre dessein après tant d'années.

« Que...que fait-il ici ?

-Je suis ravi que tu poses la question, mon cher ! Tu dois le penser mort depuis votre dernier affrontement, n'est-ce pas ? Laisse-moi te montrer ce qui s'est réellement passé... »

Le petit humanoïde d'Ossamwal touche le front de Djolsulfur de sa béquille, le plongeant une fois de plus dans l'inconscience...

Il revoit la mort de son père, éventré par la hache de Doronyan. Il ressent l'incompréhension, le chagrin, la fureur. Il revit son combat contre son frère, qu'il a jusqu'alors enfoui dans sa mémoire.

Ce jour où, au plus profond de son désespoir, il a découvert ses pouvoirs naissants.

La lumière.

Ce rayon aveuglant, asséné par inadvertance, dû à une émotion pure, menant à la purification, la destruction. Son frère s'était simplement affaissé, comme subitement inanimé. Le jeune Areen, pleurant de tout son être, ne se rendait pas compte de ce qu'il avait fait.

Il avait arraché du corps de Doronyan le démon qui l'avait tué, possédé, retourné contre les siens...il l'avait libéré, semblait-il...

« Le Roi sans Nom », entend-il d'une voix lointaine...

« Le Roi sans Nom, répète Ossamwal, sortant Djolsulfur de sa transe. C'est le souverain incontesté des démons de Langmar, descendants des Feederis, les progénitures de Morphem en personne...Et c'est ce peuple que ton père, l'illustre Dartran Tiresias, a voulu exterminer jusqu'au dernier, dans sa soif de conquête. Car oui, il n'était finalement qu'un despote dans l'âme, un ambitieux de plus qui n'avait que faire du sang qui tâchait le fil de sa rapière ! »

-De quel droit... »

Le dragon d'Ossamwal le saisit à la gorge, et le soulève du sol, grognant et bavant.

« J'ai tous les droits en ces lieux ! Et surtout celui de te faire souffrir, car tel est mon plaisir »

De quelques battements d'aile, il amène son captif à hauteur du torse de Doronyan.

« Vois ces marques...ne te rappellent-elles pas quelque chose ? »

Sous les traces noirâtres laissées par les multiples blessures recouvrant le corps, des formes s'allongent de part et d'autre sur la peau autrement aussi pâle que celle de son frère. Des formes semblables à celles que voit Djolsulfur s'agrandir chaque jour un peu plus sur ses bras.

« Que cela signifie-t-il ?

-Ce que cela veut dire ? Haha, ricane Ossamwal, cela veut dire qu'il faudra que je remercie ta bonne amie la grande prêtresse de t'avoir amené jusqu'ici »

Les trois voix du Tritorian s'harmonisent en un murmure dément.

« Cela signifie que tu es l'hôte parfait pour la réincarnation du Roi sans Nom »

Les Chroniques de DjolsulfurWhere stories live. Discover now