Fraternité

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Djolsulfur déteste la vieille Garunia.

Enfin, la « grande voyante Garunia » de son vrai titre. Elle était censée posséder le don de clairvoyance, grâce auquel elle pouvait « pressentir » le pouvoir de chacun.

Tous les membres du peuple, les Areens, ont un pouvoir. Tous, sauf Djolsulfur. La prophétesse avait déclaré le jour de ses dix ans : « je sens une puissance en toi, mais elle ne semble pas éveillée »

Le seul changement que Djolsulfur avait connu était la couleur de ses yeux, rouges vif à sa naissance, et il désespérait de connaître sa vraie force, de savoir s'il serait un grand guerrier, plus tard, un jour.

Et c'est en compagnie de la vieille Garunia et de son père que le garçon accueille les Zyrystys. Trois caravaniers se détachent de la file et viennent à leur encontre. Le plus grand, mesurant une tête de plus que Dartran, dégaine une petite dague finement gravée et ouvragée de main de maître, avec laquelle il commence à tracer des signes dans les airs.

Une voix grave et profonde se fait entendre au plus profond de l'esprit de Djolsulfur :

« Salutations, chers frères Areens. Nous venons pour la nouvelle saison du commerce, prêts à nous établir et à profiter du fruit de nos efforts ».

Dartran, d'une voix chaleureuse et imposante, répond :

« Nous vous saluons de même, chers frères Zyrystys. Nous espérons cette rencontre fructueuse, que notre amitié dure pour l'éternité ».

Les deux hommes se serrent la main et se donnent une amicale accolade. Les portes de la cité s'ouvrent, et la caravane y pénètre, sous les acclamations enthousiasmées du peuple areen.

Dartran Tiresias s'exprime avec bienveillance :

« Va t'amuser, mon fils, mais n'oublie pas la cérémonie de nomination du général Doronyan ».

Le marchandage va bon train, les étals sont nombreux et variés. Dans toute cette agitation exaltée, Djolsulfur aperçoit un jeune Zyryst qui paraît perdu, déboussolé par ce monde urbain, ces immenses bâtiments auxquels il n'est pas accoutumé.

Le jeune Areen le salue amicalement et, tout sourire, lui demande :

« Tu es perdu ? »

Le petit garçon opine, l'air contrarié.

« Viens, je vais te guider », ajoute-t-il

Il prend le Zyryst par la main et commence à parcourir les longues allées de la cité.

Cette dernière se compose de cinq cercles concentriques, appelés cordes, chacune regroupant une fonction : la plus grande est consacrée à la défense des Areens et de leur territoire ; la seconde contient les nombreux terrains d'entraînement et de formation des guerriers ; la suivante, contenant tous les marchés, commerces et autres hautes places de l'artisanat, est le centre des attentions de cette période d'échange fructueux avec les Zyrystys ; la quatrième corde est le repaire de sages, savants et oracles en tous genres ; enfin, au centre de la majestueuse ville se situe les quartiers des Areens les plus influents et, dominant les montagnes et subjuguant les regards, la tour du Conseil, d'or et d'argent, avec cette touche si subtile de cyrite, ce minerai végétal extrait des bois personnels du plus grand artiste de ce temps.

C'est devant cet imposant édifice que Djolsulfur Areendel et son jeune compagnon s'arrêtent, après une longue et détaillée visite des lieux.

« Notre cité te plait-elle ? »

Le Zyryst ne décroche toujours pas mot mais hoche la tête et sourit, ayant l'air d'apprécier ce qui l'entoure.

Soudain, une voix se fait entendre dans la tête du jeune Areen

« Djolsulfur Areendel, 'passion des âmes' et 'croisée des destins'. Tu sembles douter de tes capacités, mais ton père avait vu juste : tu seras le plus grand combattant que ce peuple ait enfanté, par le don de force évolutive. Tu ne sais encore quels pouvoirs tu renfermes, mais ceux-ci se dévoileront au fil des âges, et ne cesseront de croître, jusqu'à faire de toi l'homme le plus puissant de l'univers »

Djolsulfur, déconcerté par ce qu'il vient d'ouïr, se tourne vers le petit garçon, mais celui-ci n'est plus là, disparu, parti on sait où. Il ne sait plus à quel dieu se vouer, doit-il tenir compte de ces paroles ou ne sont-ce là que palabres créées par son esprit foisonnant ?

Sa réflexion est stoppée nette par une main gigantesque, se posant sur son épaule avec une telle force que le jeune homme manque de s'enfoncer dans la terre.

Djolsulfur se retourne et fait face à un homme immense, de plus de trois mètres de haut, arborant un sourire franc et jovial.

« Alors mon garçon, tu es perdu dans d'inextricables pensées ? », lui demande le colosse.

-Mes salutations, aspirant-général Doronyan...mon frère »

Les Chroniques de DjolsulfurWhere stories live. Discover now