Trahison

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Djolsulfur reprend lentement connaissance. Il est déboussolé, et sent une terrible douleur à la tête, comme si elle tanguait furieusement. Ce qui est, en fait, le cas. Il a l'impression d'être balancé, de ne pas être libre de ses mouvements. Il comprend qu'on le porte sur une épaule, par un terrain de crevasses et dénivelés, ce qui n'est de toute évidence pas agréable.

Rassemblant ses maigres et tremblantes forces, l'Areen tente de se débattre, mais son ravisseur ne réagit point, si ce n'est en tonnant d'une voix bourrue :

« Cessez de vous agiter, mon général. Il faut bien que je vous porte après ce que vous avez fait pour moi. Et puis nous sommes presque arrivés.

-Pose-moi immédiatement, Jormund »

Dans un dernier soubresaut, Djolsulfur se jette au sol et se rétablit hasardeusement.

« Où est-il passé ? Que m'a-t-il fait ? Je vais le...

-Djolsulfur, que dis-tu là ?, demande Hammerfield d'un ton qui se veut rassurant, la main sur son épaule. Tu n'as rien à craindre voyons ! Nous sommes en route pour Arden, dont Ossamwal nous a assuré...

-Ossamwal, maudit soit-il, ainsi que tout son peuple ! Il m'a engourdi l'esprit et brûlé le corps. Quant à toi...grogne-t-il, se tournant vers Miliana, l'air menaçant. Félonne traîtresse ! Tu nous a menés droit dans ce piège, tu le savais, tu... »

Il s'écroule, à bout de force, comme entraîné par le poids de ses bras. Hagard, déboussolé, il les examine, et remarque avec horreur la proportion qu'ont prises les marques noirâtres. Les mêmes qu'arboraient le corps de Doronyan.

« La douleur te fait perdre tes esprits, Djolsulfur. Le seigneur des Tritorians nous a prodigués de précieux conseils, alors mettons-nous en route sans plus attendre, déclare fermement Miliana.

-Mais puisque je vous dis que... »

Djolsulfur porte une main à son front, incapable d'en dire plus. Il sent une chaleur infernale et, épouvanté, voit une sorte de pus noir et visqueux recouvrir ses doigts. Il entend comme un grondement sourd, qui se fait croissant, jusqu'à emplir sa tête, l'emplir d'un unique nom : XALIBUR.

Puis rien...

Le lendemain

Djolsulfur, boitant, se tient au bras de Hammerfield pour ne pas chuter. Le vent hurlant et la neige mordante de Permorène laissent peu à peu place aux terres hostiles de Fangefaux. Le sol se fait traître, l'air toxique. Cela semble s'accorder à l'état même de l'Areen, qui se détériore de jour en jour. Il ne comprend pas. Ses blessures guérissent vite en temps normal, lui qui est si résistant. Aujourd'hui, il sent son esprit sapé, sa volonté réduite, sa douleur s'intensifier...

« Djolsulfur, dit Hammerfield avec tendresse, veux-tu que je te porte ? Tu devrais te...

-Non ! Laisse-moi, vermine ! »

La troupe est sous le choc. Miliana, Jormund, Amarya, Raiza. Tous connaissent Djolsulfur, et savent qu'il ne jure jamais. Surtout pas envers Hammerfield.

« Laisse-moi, te dis-je ! Je n'ai besoin de personne ! »

Un accent dément transparaît dans sa voix, venant du fond de son âme. Il écarte violemment Hammerfield, puis se tient le bras, comme s'il n'était pas maître de ses mouvements. Sa main semble palpiter, ses veines luisant d'une forte couleur écarlate.

Il tombe à genoux, vidé de ses forces.

Miliana s'approche et l'assomme d'un grand coup de son bâton.

« Il faut faire vite », déclame-t-elle, déterminée.

Les Chroniques de DjolsulfurWhere stories live. Discover now