10. Mariam

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Je n'ai pas pour habitude de réfléchir pendant dix plombes avant de décider de faire quelque chose. Agir sur un coup de tête, c'est ce que je fais de mieux. Ainsi, j'ai à peine fini d'échanger avec Antonin que je suis déjà en train d'attraper mon pull et mon sac. Direction chez Leo. En espérant très fortement y trouver mon amie.

Je fais un crochet par la chambre de mes sœurs, je glisse la tête par l'entrebâillement. Il n'y a personne. Je tends l'oreille, j'entends des éclats de voix dehors. Je vais jeter un œil par la fenêtre et j'aperçois mes sœurs qui s'éclatent dans le jardin. Elles se balancent des boules de neige. On dirait deux gamines. Faut dire qu'elles le sont d'une certaine manière. À peine sorties de l'enfance. Et pourtant tellement ado aussi. Je repense à leurs questions de ce matin dans la cuisine. Pas des questions d'enfants.

Je gagne le rez de chaussée et finis de me préparer en enfilant mes bottes et mon manteau. Je claque la porte d'entrée et me mets en route.

Je refais le chemin d'hier soir, mais seule, cette fois-ci. Juliette, la pipelette, n'est pas à mes côtés, excitée comme une puce à l'idée d'arriver chez Leo et de participer à la soirée. Et aujourd'hui, la neige est encore plus abondante qu'hier. Elle tombe légèrement mais sans discontinuer depuis que je suis réveillée.

J'avance avec prudence pour ne pas glisser jusqu'à atteindre la maison de Leo. Que dis-je, la villa de Leo. Je pense que cette bâtisse fait partie des plus imposantes d'Antis. Elle fait plus austère sans la musique, les rires et les éclats de voix joyeux.

Une fois sur le perron, j'ai une seconde d'hésitation. Débarquer comme ça, c'est tout moi, mais ce n'est pas toujours apprécié. J'aurais peut-être dû appeler Leo au lieu de me pointer chez lui sans prévenir. Je n'ai pas son numéro, mais rien de plus simple que de le contacter sur les réseaux sociaux.

Je vais pour faire demi-tour quand la grande porte d'entrée s'ouvre d'un coup. Leo me fait face, en tenue de sport, un gros sac sur l'épaule. Il m'adresse un grand sourire.

— Oh salut !

— Salut Leo, je réponds. C'est Mariam, lampe torche et boucle d'oreille.

Il éclate de rire.

— Je vois très bien qui tu es. Je n'ai pas perdu la mémoire depuis hier soir, et il me semble bien t'avoir invitée chez moi.

Son visage se fronce légèrement.

— Tu vas bien ?

Ma présence sur son perron l'interroge. Elle m'interrogerait aussi, à sa place.

— Oui, ça va. Désolée de débarquer comme ça, mais je préférais venir que de t'appeler. Je crois que je suis un peu à l'ancienne, je préfère parler en face à face quand c'est possible.

— Pas de souci. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

— Je me demandais si tout le monde est parti ou s'il reste des personnes.

Il a l'air surpris.

— Ici ?

Je hoche la tête. Lui secoue la sienne.

— Non, ça fait un bail que le dernier est parti. Il devait être six heures du mat, un truc comme ça. Pourquoi ?

— Je cherche Juliette. Est-ce que tu sais quand elle est partie de chez toi ?

— Pas du tout. Tu as essayé de l'appeler ?

— Oui, sans succès.

Leo jette un œil à la montre à son poignet.

— Je dois partir à mon entraînement.

J'ai l'impression de me faire gentiment éconduire. Le plus important, c'est que j'ai eu la réponse à la question qui m'amenait ici. Donc pas besoin de s'éterniser.

— Je te laisse tranquille. Merci de ton aide.

Je pivote sur moi-même,

— Attends !

J'entends la grosse porte d'entrée claquer. Leo se met à ma hauteur et marche avec moi. Il rabat la capuche sur sa tête pour se protéger des flocons.

— Elle a dû aller chez quelqu'un, lance-t-il. Peut-être qu'elle décuve chez une amie ?

— Je ne vois pas chez qui, honnêtement. En terme d'amis, notre cercle est assez limité. Pour tout dire, dans le cas d'ami avec un « e », eh bien, il n'y a que moi.

Leo m'adresse un petit regard. Je secoue l'index comme une maîtresse d'école.

— Serait-ce un peu de pitié que je vois, là ? Non merci. Notre devise avec Juliette : mieux vaut être peu que mal accompagnée.

Leo se marre.

— J'aime bien. C'est tout à fait entendable.

Mon cerveau tilte alors sur une des phrases de Leo.

— Quand tu dis qu'elle décuve peut-être, c'est parce que tu l'as vue bourrée ?

Il hausse banalement les épaules.

— Quand je l'ai croisée pendant la soirée, elle avait bu, c'est clair. Mais elle n'était pas plus atteinte que d'autres. Bien moins que certains d'ailleurs ! Après, va savoir si elle a continué à boire ensuite ou pas. Je peux pas te dire. Je ne l'ai pas revue jusqu'à ce qu'elle s'en aille.

— OK.

Leo désigne la rue qui part vers la droite. Puis le sac sur son épaule.

— Je vais par là. Le tennis m'attend. En tout cas, n'hésite pas à me dire si tu as besoin d'aide en quoi que ce soit. À mon tour d'activer la lampe torche si besoin.

Il accompagne ses mots d'un clin d'œil. Je lui réponds par un sourire.

— C'est sympa, merci.

— Tu peux repasser ici, sans souci, si tu veux. Mais sache que je suis joignable sur mon téléphone.

— Je ne vais pas débarquer systématiquement à l'improviste, rassure-toi.

Leo secoue la tête avec un sourire.

— Tu peux continuer à la faire à l'ancienne, ça ne me dérange pas. C'est vraiment toi qui vois !

— Ça marche.

— J'espère que tu trouveras rapidement Juliette. Tiens moi au courant quand ce sera le cas !

— Je n'y manquerai pas.

Sur ces mots, on se sépare. Je le regarde s'éloigner. Un coup de vent soudain me fait frissonner. J'ai l'impression qu'il fait plus froid que quand je suis partie de chez moi. Je resserre les pans de mon manteau autour de moi.

Lorsque la silhouette de Leo disparaît à l'angle de la rue, je me remets à marcher. J'avance lentement, le regard perdu dans le vague. Les rafales de vent font voleter les flocons autour de moi. Après quelques minutes, mon téléphone vibre dans ma poche. C'est Antonin.

— Alors, elle est là ? me demande-t-il sans détour quand je décroche. Elle est chez Leo ?

— Non. Y a plus personne chez lui et il ne sait pas quand Ju est partie.

Un petit silence suit.

— Putain.

Antonin pousse un long soupir.

— Putain ! répète-t-il plus fort. Où est-ce qu'elle est ?

— Je n'en ai aucune idée.


Keep It QuietOù les histoires vivent. Découvrez maintenant