Chapitre 7

861 77 74
                                    

Lorsque la vieille femme se présenta à l'entrée du palais, celle ci en fut au début chassé. Elle ne portait que guenilles et ses frocs sales rebutaient d'office les gardiens du château du Royaume de la Clef. Pourtant, un des soldats fut choqué en entendant la vieille femme lui répéter son histoire familiale, l'histoire de ses parents, de ses grands parents. Les mots lui manquèrent lorsqu'elle lui raconta aussi sa propre vie, celle de ses enfants, petits enfants, arrières petits enfants et de tous ses descendants.

L'homme avait vingt ans.

A force de compromis et de rumeur, la nouvelle finit par arriver dans les oreilles du Roi. Depuis des années las de son règne et déçu de son épouse infertile, il fit venir la vieille femme au sein de sa cour pour écouter ses divagations. C'était une véritable attraction ambulante, avec ses yeux à moitié aveugles, sa peau craquelée par le manque d'eau et la bosse de son épaule. Difforme, immonde, la femme boitait au milieu de la salle de réception, cernée par des nobles à la mine répugnée. Le Roi avait un air amusé sur le visage, peut être cette distraction allait pouvoir le faire penser à autre chose l'espace de quelques jours.

Il n'en fut rien.

Les terribles vers de la Prophétie résonnèrent alors entre les murs de la salle de bal du château. Les visages des nobles étaient terrifiés, les murmures d'incompréhension fendirent la foule comme une traînée de poussière un jour de vent. Pendant que le Roi écoutait les paroles de la vieille femme, soudain plus grande, plus droite, plus puissante, un Copiste notait assidûment les paroles de la prophétesse. Quelques membres de tribus de Peuples Magiques se trouvaient là et contemplaient la scène d'un œil horrifié.

Ce furent les premières victimes du bain de sang que le Roi se destinait à remplir.

Après avoir pourfendu la vieille femme de son épée, le suzerain ordonna à ses soldats de faire vider le château du moindre membre d'un peuple Magique. Les sujets du Roi s'enfuirent en courant, paniqués à l'idée d'être confondus avec ces Barbares. Le chaos s'en suivit pendant plusieurs jours, plusieurs semaines, les soldats du Roi arpentant les rues de la ville du Royaume de la Clef pour en nettoyer la moindre trace des Peuples Magiques s'y trouvant.

Puis la Reine annonça qu'elle attendait un enfant.

Toute l'attention du Roi fut alors concentrée sur cette promesse. Il redoubla d'effort à massacrer les Peuples Magiques pour préparer l'avenir à son enfant, son précieux enfant et la certitude de lui accorder un monde vague et sans danger pour leur Dynastie.

Pourtant les médecins n'étaient pas optimistes. Sa femme était plutôt fragile de constitution, substituant la moindre force physique par une douceur et un amour infini envers sa famille. Elle n'était pas au courant des manœuvres de son époux pour éradiquer les Peuples Magiques. Le Roi était persuadé que sa Reine n'approuverait pas l'idée.

La naissance de l'enfant se passa dans l'incompréhension. Les médecins avaient des souvenirs vagues de cette journée, incapables de dire si l'enfant était bien portant à la naissance ou s'il avait crié lorsqu'il était sorti du ventre de sa mère. Sa couronne de cheveux blonds et sa peau parfaitement blanche lui donnait des allures de chérubin angélique. Depuis ce jour, l'humeur de la Reine oscillait régulièrement entre la joie euphorique d'avoir un jeune enfant et des passages d'une tristesse infinie lorsqu'elle observait son garçon. Celui ci portait depuis sa naissance un médaillon d'or autour du cou, dont même le Roi ignorait l'origine.

L'enfant grandissait bien. Les mois puis les années passaient les unes après les autres. Il était doux, aimant comme sa mère, la cour adorait ce garçon enjoué et rieur, avec des tâches de rousseurs qui bardaient ses joues. Parfois, la Reine l'accompagnait lors de quelques promenades dans les jardins du château.

La Prophétie de la Lune d'Or et de la Lune d'Argent (𝑪𝒉𝒂𝒏𝑳𝒊𝒙)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant