Chapitre 13

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18 DÉCEMBRE 1974

- « NON ! LAISSEZ MOI ! »

Je me réveille en hurlant, comme à peu près toutes les nuits depuis quelques temps maintenant. Je suis en sueur et des larmes coulent silencieusement. Toujours le même rêve. Et ça ne changera pas. Je ne mange plus. Je n'y arrive pas. Je ne dors plus. Ou très peu.  Contrainte de changer ma garde robe car mes habits sont aujourd'hui trop grands. Je pèse à ce jour 50 kilos, soit 6 kilos de moins qu'à mon arrivée. Ce n'est peut être pas grand chose, mais de la taille 36 à la taille 34, on y perd beaucoup d'énergie. Mes cheveux sont ternes, et le contour de mes yeux est bleu. Il faut dire que j'aime beaucoup mon nouveau travail, mais ce rythme de dingue et la charge mentale imposée ne fait pas bon ménage depuis mon départ de Londres. La solitude m'a rongé peu à peu et quand je m'en suis rendue compte c'était trop tard.

Aujourd'hui je rentre deux semaines à Londres pour passer les fêtes. Revoir mes amis me fera le plus grand bien. Me voilà à Paris Charles-de-Gaulle. J'embarque pour mon vol direction ma ville. Mon chez moi. 

Je suis assise dans l'avion. Je regarde par le hublot au décollage et voit Paris disparaître au fur et à mesure. Je sens mon coeur s'alourdir mais avec un sentiment de soulagement. J'ai peur de revoir mes amis finalement... Cela fait des mois que je leur assure que tout va bien alors qu'en fait j'ai besoin d'eux pour vivre. Sans eux je ne m'en sors pas. À peine 1H de vol me sépare de chez moi, et pourtant ce trajet me semble être une éternité. Je pense ma vie londonienne. Ma vie parisienne. Mon métier qui finalement me plaît énormément. Mais qui me vole jusqu'à ma dernière goutte d'énergie et qui m'angoisse à m'en arracher les cheveux. Je ne veux pas retourner à mon ancien travail. Et je ne peux pas revenir à Londres. J'ai investi trop d'argent pour tout abandonner. 

Enfin... avoir abandonné quoi ? Investi trop d'argent pour avoir abandonné mes amis ? Ou investi trop d'argent pour tout abandonner à Paris ? Je ne sais plus.. je n'arrive plus à réfléchir. Je suis coincée entre deux mondes, deux passerelles, deux vies...

Mon avion fini par atterrir. Je sors de l'avion et m'arrête un instant. Je ferme les yeux et respire l'air londonien à plein poumons. "Bienvenue à la maison" chuchotais-je sur le tarmac. Cela me fait déjà aller de l'avant je le sens. 

Mes amis ne savent pas que je suis rentrée. La dernière fois que je les ai eu au téléphone c'était il y'a presque un mois. Quand on parlait de Noël je leur ai dis que je ne pourrais pas être présente car on croulait sous le boulot à la boîte. Ce qui n'est pas entièrement faux. Mais j'ai bien évidemment pu me libérer et rentrer, à mon plus grand bonheur. Ce soir Queen se produit dans une grande salle londonienne. Un public de plus de 2500 personnes est attendu. Le groupe a prit beaucoup d'ampleur depuis mon départ et j'en suis ravie. Malgré tout je m'en veux un peu, il est vrai que j'aurais souhaité être avec eux à ce moment là, être avec eux pour les voir grandir. En tout cas, je serai là ce soir. Je vais leur faire la surprise d'aller à leur concert en me faisant passer pour une fan. 

Après avoir récupéré mes bagages et fait un saut dans le taxi, je me trouve devant l'immeuble de Mary. Elle non plus ne sait pas que je suis là. Je sors la clé de ma poche et entre dans son immeuble. J'ai toujours eu une clé de chez elle. Tout le groupe a les clés de chez elle pour être honnête. Et vu que je n'ai plus d'appartement, je vais poser mes valises ici. 

Lorsque j'entre dans l'appartement la blonde n'est pas là. Je m'en doutais. Elle doit être avec les garçons sur le lieu du concert de ce soir, elle assiste aux répétitions générales. J'en profite pour aller à la douche et me préparer pour ce soir. Comme à la maison. Tous mes automatismes reviennent, j'ai l'impression de ne jamais être partie et ça me fait du bien. Mon vol a eu du retard donc je n'ai pas autant de temps que prévu pour me rendre sur les lieux du concert. Je me prépare en quatrième vitesse puis m'observe dans le miroir de la salle de bain. La Diana parisienne avait bien prit possession de la Diana Londonienne malgré tout. Sur mes yeux sont dessinés deux grands traits noirs, mes joues sont rougies à l'aide d'un fard et mes lèvres sont rouges. Mes cheveux eux, sont plus foncés qu'avant et coupés au carré avec une fine frange qui tombe sur mon front. Je n'avais plus l'air d'une ado, avec ses longs cheveux toujours dans le visage. Je suis vêtue d'une chemise blanche au grand col pelle à tarte, d'un pantalon noir évasé et de bottes à talons noires aussi. 

Il est 18h30 quand j'arrive au concert, une foule de fans attendait déjà. Ma plus grosse peur était de voir le concert afficher complet et ne pas avoir de place. Par chance, il n'en reste plus beaucoup mais j'arrive à en avoir une. Le concert débute dans une heure et les portes de la salle ouvrent dans 15 minutes. J'ai une boule à l'estomac, de me dire que ma famille est de l'autre côté et que je ne peux pas la voir pour l'instant me ronge.

En entrant dans la salle, je joue le jeu de la fan girl jusqu'au bout. J'achète les articles à l'effigie du groupe. La casquette, la banderole, le petit drapeau... C'est avec les mains bien remplies que je m'engouffre au milieu de la foule, vers le fond de la salle. Il est important pour moi d'être loin car je sais que le leader à les yeux partout et je pourrais vite être démasquée. 

Les lumières s'éteignent et les hurlements de la foule se font entendre, puis c'est autour d'une guitare que je ne connais que trop bien de faire son entrée en scène. Les lumières se rallument et Queen est devant nos yeux. Mon enthousiasme face à la situation me fait hurler comme le reste du public. Ils sont là, plus beaux et talentueux que jamais, je n'arrive pas à réaliser. 

Keep yourself alive, Doing all right, Seven seas of Rhye et bien d'autres, les morceaux s'enchainent jusqu'à "I'm In Love With My Car". Je n'arrive pas à croire que Roger ait réussi sont coup, Freddie et le reste du groupe le laissent jouer cette chanson. Alors qu'il chante, je ne peux m'empêcher de repenser à cette soirée, à ce concert, ou il l'a joué pour la première fois. Une vague d'émotion me submerge et comme le reste de la foule, je chante avec lui. 

Une fois le concert terminé, je me dirige vers les loges ou je me fais arrêter par la sécurité. Je ne peux pas leur dire qui je suis, car sinon ils vont demander au groupe si ils peuvent me laisser passer. Après 5 longues minutes de bataille, je joue ma dernière carte. Celle qui me dégoûte au plus au point mais qui normalement devrait fonctionner. 

-" Mais monsieur l'agent laissez moi passer je... Je suis là pour monsieur Taylor..." Dis-je avec un sourire coquin. 

-" Dans ce cas là allez y, je vous accompagne."

Beurk. Ça a marché et ça m'écoeure. Mais le principal c'est que je vais revoir mes amis. Nous avançons jusqu'à la loge du groupe ou le nom de "Queen" est écrit en gros dessus. L'homme en charge de la sécurité toque et entrouvre la porte.

-" Excusez moi, j'ai une jeune femme qui dit être là pour vous..."


SAVE MEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant