Chapitre 4

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Quelle coïncidence !

Tomber sur lui une deuxième fois, dans une ville aussi grande…
Et dans la même semaine de surcroît !

« Bon sang, je n’en reviens pas… »

Elle le suivit de ses grands yeux ronds, encore sous le choc, totalement subjuguée par cette aura extraordinaire qu’il dégageait.
Il était aussi gigantesque et charismatique que dans ses souvenirs.
Le temps semblait se figer sur son passage.
Il marchait comme si le moindre brin d’herbe qu’il foulait lui appartenait.
Il dégageait quelque chose de puissant.
De presque royal…
Il était si captivant que même la nature se faisait silencieuse autour de lui. Elle n’entendait plus un seul oiseau chanter…
Ou peut-être était-ce elle qui ne parvenait plus à les entendre, tant tous ses sens s’étaient focalisés sur  cet homme…
Lorsqu’il remarqua sa présence, il lui jeta un bref coup d’œil au passage, de son regard sombre et inexpressif.
Tatiana eut à peine le temps de sursauter en croisant son regard qu’il avait déjà détourné le sien avec un désintérêt presque vexant.
Elle avait soudain l’impression de n’être qu’une petite fourmi face à son écrasante présence.
Elle en avait le souffle coupé.
Il s’arrêta à la limite de l’étang et sortit une boite de sa poche.
Il l’ouvrit avec son index, attrapa une cigarette entre ses lèvres et rangea la boîte dans sa poche, avant d’en sortir son briquet.
Ses mouvements étaient fluides et nonchalants à la fois. Elle n’avait jamais vu d’homme allumer une cigarette avec tant de classe…
Les yeux mi-clos, il l’alluma en tirant une bouffée, puis il rejeta la fumée en levant légèrement le visage, le regard fixant distraitement le mouvement des arbres.
Il avait l’air perdu dans ses pensées…
Il semblait même à des milliards d’années lumière…
Tatiana avala difficilement sa salive, la gorge nouée. Elle se sentait étrangement émue par le tableau qui se dessinait sous ses yeux…
C’était comme poser des couleurs sur une image en noir et blanc.
Tout devenait soudain plus beau. Plus saturé.
L’atmosphère était devenue irréelle.
Quasiment féerique…
Elle était tellement subjuguée qu’elle en oubliait tout le reste…
Elle attrapa son carnet de croquis à l’aveuglette, sans le lâcher des yeux, de peur de rompre la magie.
Elle saisit ensuite son crayon noir, coincé entre les spirales, et commença à dessiner le décor tout autour de lui.
Ce soleil qui courait sur la surface de l’étang.
Ces arbres qui se penchaient au dessus de l’eau, comme pour contempler leur propre reflet.
Ces oiseaux qui caressaient la surface de l’étang, de la pointe de leur plume.
Ces fleurs qui exposaient timidement leur beauté éphémère…
Son travail avait toujours été à la fois réaliste et féerique, mais depuis quelques mois, elle avait beaucoup de mal à ajouter cette atmosphère magique qui rendait ses œuvres plus lumineuses.
C’était la première fois qu’elle y parvenait depuis un bon moment…
Elle ajouta les derniers reflets sur l’eau, puis, elle se focalisa enfin sur son modèle humain…
Elle commença par dessiner la forme de sa silhouette, avec des traits légers, puis elle appuya un peu plus fort pour tracer la ligne nette de son profil.
Sa mâchoire carrée, le petit anneau accroché à son oreille, son nez bien droit, ce regard vide et perdu dans le vague.
Elle dessina ensuite ce chignon bas  qu’il avait dû attaché à la va vite avant de commencer à courir.
Elle ajouta quelques mèches folles, puis elle traça la ligne de sa pomme d’Adam, avant de s’attaquer au reste de son corps.
Ses muscles étaient moulés sous ses manches longues. Et malgré le t-shirt grande taille qu’il portait par-dessus,   elle pouvait apercevoir chacun de ses muscles…
Il ressemblait à une véritable statue grecque.
Il était même bien plus beau que tout ce qu’elle avait pu voir jusqu’à présent.
Et Dieu savait combien elle avait dû  étudier l’anatomie humaine. Elle avait passé sa vie à analyser les peintures et les sculptures.
Elle avait également une centaine d’heures d’ateliers de dessin anatomique à son actif.
Et jamais un modèle ne l’avait autant inspiré…
C’était comme s’il avait le pouvoir d’animer tout ce qui l’entourait.
Tout autour de lui devenait plus brillant, plus lumineux, plus coloré.
Pourtant, avec son visage fermé et taciturne, il ne dégageait pas la moindre joie de vivre.
Alors, d’où lui venait cette inspiration ?
Que se passait-il en elle ? Sa main s’animait toute seule.
Son cerveau partait dans tous les sens et fourmillait de nouvelles idées. Après avoir passé des mois dans le noir à perdre peu à peu l’envie de créer, elle était soudainement prise d’une étrange euphorie.
Elle éprouvait un attendrissement infini devant le miracle qui s’opérait sous ses yeux.
Une joie délirante lui montait au cœur et lui donnait envie de rire.
C’était incroyable. Elle n’avait pas ressenti cela depuis tellement longtemps. C’était comme voir le soleil se lever pour la première fois depuis une éternité…
Et lorsqu’elle ajouta la cigarette entre ses lèvres, elle leva le croquis à hauteur de ses yeux et un sourire incontrôlable étira ses lèvres.
C’était réussi. Très réussi.
Elle avait toujours beaucoup de mal à s’envoyer des fleurs, mais elle était parfaitement parvenue à coucher sur le papier, cette magie qu’elle avait ressentie.
Elle en avait les larmes aux yeux.
C’était comme se réconcilier avec son premier amour.
Comme un second souffle inespéré…
Certes, elle n’avait jamais cessé de dessiner, mais c’était la première fois depuis longtemps qu’elle parvenait à créer quelque chose de vraiment fort.
Elle brûlait d’envie d’en faire une peinture. Les couleurs étaient si nettes dans son esprit qu’elle avait même envie de se mettre au travail tout de suite.
Mais si elle se retrouvait exposée plus tard dans une galerie, ce n’était pas très correct de laisser le principal concerné dans l’ignorance…
Devait-elle lui demander l’autorisation ?

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