Chapitre 7

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-         Eh, surprise !!
Tatiana, qui arrangeait le coin « robe de soirée » de la boutique, après le passage de ses dernières clientes, se tourna vivement vers la porte en écarquillant les yeux.
Elle reconnut aussitôt cette chevelure blonde et brillante, ce teint de porcelaine, ces yeux aussi bleus que l’océan, et ce sourire, bien plus blanc que sur un filtre Astagram.
-         Kathleen !? S’exclama t-elle, ahurie, Mais qu’est-ce que tu… ?!
Les deux amies éclatèrent de rire en se prenant joyeusement dans les bras l’une de l’autre.
Tatiana se retint de toutes ses forces de gémir de douleur, lorsque son amie appuya sans le savoir sur l’hématome au niveau de son omoplate.
Deux jours s’étaient écoulés depuis la dernière crise de Joshua.
Pas mal de ses coups étaient donc encore visibles et la faisait souffrir, mais ce n’était rien.
Ce qui s’était passé était, certes, grave, mais c’était un mal pour un bien.
Depuis cette fameuse soirée, Tatiana avait l’impression que leur relation s’était considérablement amélioré.
En effet, après lui avoir présenté ses excuses, ils avaient beaucoup discuté. Il lui avait parlé avec son cœur, s’était confié sur ses peurs les plus profondes, et pour la première fois depuis longtemps, il avait même abordé le sujet de sa mère.
Le grand traumatisme de sa vie.
Il lui avait révélé qu’en vérité, elle était revenue uniquement parce que son amant l’avait quitté quelques jours plus tard…
Elle avait donc sincèrement projeté de tous les abandonner.
C’était précisément ce détail qui l’avait brisé.
« Ma plus grande peur…C’est que tu m’abandonnes, toi aussi » Lui avait-il murmuré d’une voix tremblante de terreur.
Joshua avait fondu en larmes, elle avait pleuré avec lui en le prenant dans ses bras, et il lui avait ensuite répété qu’il n’était rien sans elle et qu’il l’aimait de toute son âme…
Cette grosse discussion avait posé un baume réparateur sur son cœur blessé, et elle lui avait murmuré en l’embrassant qu’elle lui pardonnait tout.
Depuis, il était adorable avec elle.
Il lui avait préparé un bain moussant, lundi soir, après son travail.
Il avait commandé du poulet frit, et de la crème glacé. Il n’avait pas une seule fois abordé le sujet de son régime, même en la voyant se resservir dans le poulet.
Il avait appliqué lui-même une crème apaisante sur ses hématomes, matin et soir, en la regardant comme si elle était le plus précieux des diamants.
Elle avait l’impression d’être dans un rêve.
Joshua n’avait jamais été aussi gentil avec elle.
-         Bon sang, qu’est-ce que je suis heureuse de te voir ! S’exclama Kathleen en l’attrapant par les épaules pour la regarder. Comment tu vas ? Tu as l’air en forme !
-         Ha ha, tu as l’air bien plus en forme que moi ! Mon Dieu, je n’en reviens pas, qu’est-ce que tu fais ici ?
-         J’avais à faire dans les parages alors j’en ai profité pour passer te voir ! Ah, je vais saluer Sally !
-         Elle n’est pas dans l’arrière-boutique, fit Tatiana, elle est en rendez-vous, on a un souci avec notre fournisseur.
-         Ah bon ? Rien de grave au moins ?
-         Non, non, je n’ai pas bien compris ce qu’elle m’a raconté, mais à priori, ce serait un problème de tissu.
-         Ha ha, je vois, tu es toute seule alors, Comprit-elle, en attrapant un tabouret pour s’asseoir, Tant mieux parce qu’il faut vraiment que je te raconte un truc.
Kathleen haussa les sourcils d’un air blasé et contrarié à la fois.
-         Qu’est-ce qui se passe ? S’inquiéta  Tatiana.
-         Meuf, tu n’es pas prête, Marmonna t-elle en posant son sac à main à ses pieds, Figure-toi que j’ai grillé Jack. J’ai fouillé dans son téléphone et tu n’imagines même pas tout ce que j’ai découvert !
-         Arrête, ce n’est pas vrai ! S’exclama Tatiana en appuyant sa main contre son cœur.
Kathleen et Jack étaient en couple depuis seulement deux mois, mais ils se complétaient tellement, que même pour Tatiana, leur histoire était devenue comme une évidence.
Elle tomba alors complètement des nues  en apprenant  tout ce que son amie avait découvert.
-         Il avait deux copines en même temps que toi ?!! Oh mon Dieu, je n’y crois pas ! S’exclama Tatiana. Il avait l’air si sérieux et sincère…
-         Comme quoi, il ne faut jamais se fier aux apparences… Il faut se méfier de tous les hommes sans exception ! Enfin, sauf de ton Joshua, lui, il est parfait !
Tatiana lui fit un sourire hésitant en posant une main réconfortante sur son épaule.
-         Et comment tu te sens du coup ? Demanda t-elle d’une voix douce.
-         Bah j’ai les nerfs, c’est sûr, mais bon… Ce n’est pas grave, je vais m’en remettre. Ce n’est pas comme si c’était ma première déception amoureuse…
Elle faisait mine d’être solide comme un roc, mais Tatiana voyait bien qu’elle était affecté.
Elle préféra cependant faire mine de rien.
-         Tu veux un café ? Proposa t-elle 
-         Avec plaisir, oui…
Tatiana se dirigea vers le fond de la boutique et versa le contenu de la cafetière dans une tasse, avant de revenir vers son amie.
-         Merci.
-         Comment ça s’est passé, du coup ?  Tu lui as parlé ?
Elle lâcha un rire dépité.
-         Je lui ai fais bouffer son téléphone et je l’ai mis dehors ! Râla-t-elle, Il est resté au moins deux heures à frapper à la porte et à me supplier de lui ouvrir. Il m’a sorti les violons ! Il m’a juré qu’avec elles, c’était que pour le cul, mais qu’avec moi, c’était différent ! Bla bla bla, allez, va jouer ailleurs, va !
Tatiana pouffa de rire en s’installant à côté d’elle, sur le tabouret voisin.
-         Je suis fière de toi, Kathleen. Tu es restée forte…
-         Il le faut bien. Si je ne me bats pas pour mon honneur et ma fierté, qui donc va le faire pour moi ?
Tatiana sentit son cœur se serrer, mais elle fit mine de rien et hocha la tête avec un petit sourire.
-         Tu as raison…
-         Enfin bref, c’était juste pour que tu sois au courant, mais je n’ai vraiment pas envie de gâcher davantage de salive pour lui !  Changeons de sujet ! Tu es allée peindre au parc finalement ?
L’image du « Monsieur à la cigarette » lui revint brutalement à l’esprit et elle devint soudain aussi rouge qu’une tomate.
Kathleen la dévisagea en levant les sourcils.
-         Qu’est ce que c’est que cette réaction ?  S’étonna la jeune femme avant de se mettre à rire. On dirait que je t’ai posé une question cochonne !
-         Ah euh… Non non, désolée, je ne sais même pas pourquoi je rougis comme ça ! Rit-elle en appuyant ses mains contre ses joues
Mais elle les retira rapidement en se souvenant qu’elle avait mis du fond de teint pour cacher les traces de doigts.
-          En fait, après notre coup de fil, je suis effectivement allé au parc…
-         Ah, bien bien bien, et ensuite ? Tu as trouvé l’inspiration ?
Et pour une raison obscure, la jeune femme se mit à rougir de nouveau…
-         Bordel, mais tu as rencontré un mec ou quoi ?! Lâcha son amie dans un éclat de rire.
Tatiana se cacha derrière ses mains, en riant nerveusement.
-         En fait… Oui, grimaça t-elle avant de s’empresser d’ajouter en la voyant prendre un air outré :  Mais ce n’est pas du tout ce que tu crois ! En fait, disons plutôt que j’ai rencontré… « Ma muse ».
-         « Ta muse » ? Répéta t-elle, intriguée, avant de se mettre à rire. Ce n’est pas une légende, ça ?
-         Bien sûr que non, beaucoup d’artistes ont une muse ! Voir plusieurs ! Tiens, le peintre Amedeo Modigliani par exemple ! Jeanne Hébuterne était sa muse. Picasso aussi a eu une muse ! Plusieurs, même !
Kathleen arqua ses sourcils d’un air comique, en battant des paupières.
-         Ok.. Donc en gros, si j’ai bien compris, tu as rencontré un mec, et ça t’a inspiré… s’amusa-t-elle.
-         Exactement. J’étais posée près de l’étang, j’essayai de me laisser imprégner par l’atmosphère. J’attendais désespérément qu’une image me vienne… Comme tu le sais, ça faisait des mois que c’était le vide total… et d’un coup, cet homme est arrivé et tout s’est débloqué !  C’était comme si on m’avait soudain débandé les yeux,  après avoir passé plusieurs mois sans avoir vu la lumière du jour ! Lui expliqua t-elle à toute allure. Ça m’a frappé de plein fouet, c’était à la fois beau et violent.  J’ai eu soudain tellement d’idées que je n’ai pas pu toutes les noter…
En réalité, il ne s’agissait pas là de leur première rencontre, mais elle n’avait pas envie d’entrer dans les détails.
-         Eh bien, eh bien… s’étonna-t-elle, On dirait que tu me décris un coup de foudre…
Tatiana haussa les sourcils, étonnée avant de secouer la tête en riant.
-         Mais non, voyons, ça n’a rien à voir. C’était une émotion artistique. Ça n’a rien de romantique.
-         Mmh, ouais… Mais à ta place, je garderai ça pour moi, quand même. Je n’irais pas raconter ça à Joshua.
-         Il n’est pas au courant, dit-elle à voix basse comme de peur d’être entendu, Ne lui dis rien, d’accord ? Ce sera notre secret…
-         Comme si j’allais lui raconter ça, s’amusa-t-elle, Il est mignon comme tout Joshua, mais… à la fac, j’ai bien compris que c’était un nerveux. Il ne vaut mieux pas qu’il le sache.
Elle hocha la tête avec un petit sourire soulagé.
Kathleen faisait allusion à ce garçon qui l’avait dragué pendant cette fameuse soirée étudiante. Joshua était entré dans une telle colère que tout le monde avait eu peur de lui cette fois là.
-         Enfin bref, donc comment ça va se passer ?  Tu vas revoir ta « muse » ? Vous allez revisiter l’instant Titanic ? S’enquit Kathleen.
-         Ha ha, bien sûr que non ! S’amusa-t-elle, Non, j’ai simplement fait un croquis sur le moment pour coucher mon idée sur le papier et je vais partir là-dessus ! Si je la réussis, ce sera peut-être même l’élément central de ma future galerie !
-         Ah, tu as déjà fait un croquis ? Tu l’as sur toi ?
-         Non, je ne l’ai pas, mais j’ai une photo… Dit-elle en sortant son téléphone de sa poche.
Elle n’avait pas spécialement envie de lui raconter la discussion qui avait suivi.
À cet instant-là, il s’était passé quelque chose de tellement intense et de magique, qu'elle préférait garder cela pour elle.
« De toute façon, je n’arriverai pas à mettre des mots dessus… »
Vu de l’extérieur, ce n’était qu’une brève discussion entre deux inconnus, mais pour elle, c’était très spécial…
C’était un peu comme une sorte de renaissance.
Artistiquement, elle se sentait beaucoup mieux depuis cette rencontre.
-         Eh bah dis donc, soupira Kathleen, en zoomant la photo du croquis, Il a l’air super canon ta muse… Il a vraiment un fessier aussi bombé ?
Tatiana se mit à rire en tripotant nerveusement ses cheveux, les joues roses.
-         Oui, et encore, il est bien plus beau en vrai… Il ressemblait à une sculpture grecque. Je n’avais jamais vu de muscles aussi bien dessinés. Et il dégageait une aura si intense qu’il prenait toute la place.
Kathleen se mordilla la lèvre en riant, toute émoustillée, comme si des images pas très catholique, lui venaient à l’esprit.
-         Si jamais tu recroises ta muse, file lui mon numéro, s’amusa-t-elle avec un clin d’œil en lui rendant son téléphone.
-         Ha ha, il y a très peu de chances que je le revois, rit Tatiana.
-         Me revoilà ! Fit soudain la voix joyeuse de Sally, Tiens, mais c’est Kathleen !
La patronne de la boutique revenait avec les bras chargés de paquets, alors, les deux femmes s’empressèrent de se lever pour lui venir en aide.
-         Ha ha, ca me fait plaisir de te revoir, ma grande ! S’enthousiasma Sally en enlaçant Kathleen.
-         Et moi donc, Sally ! Vous avez une super mine !
-         Ha ha, c’est mon nouveau sérum, ça ! S’amusa t-elle en battant des cils, C’est vraiment chouette d’être passé ! Nous allons bientôt fermer la boutique ! Tu veux rester pour boire un verre avec nous ?
Tatiana se raidit intérieurement.
Si elle ne rentrait pas à l’heure, Joshua, allait encore se faire des films…
Et il était si gentil dernièrement qu’elle n’avait vraiment pas envie de provoquer de nouveaux problèmes…
-          Je ne peux pas, j’ai rendez-vous avec mon éditeur, Refusa-t-elle à contrecœur.
Tatiana fit mine d’être déçue tandis que son cœur s’apaisait discrètement. Elle était rassurée…
-         Je vais devoir vous quitter d’ailleurs.… Je suis désolée, en ce moment, j’ai très peu de temps pour moi à cause de ma BD, mais dès qu’elle sera sortie, je vous inviterai toutes les deux à dîner. Ça vous dit ?
-         Oh, avec plaisir ! S’enthousiasma Sally. Bon courage pour ta BD, alors ! Tiens-nous au courant !
-         Je n’y manquerais pas, répondit elle en lui faisant une dernière accolade.
Elle se tourna ensuite vers Tatiana et la prit de nouveau dans ses bras.
-         Appelle-moi si ça ne va pas, d’accord ? Fit discrètement Tatiana.
-         Ne t’inquiète pas, sourit-elle en échangeant un regard complice avec son amie.
Et après quelques dernières salutations, Sally et Tatiana firent un dernier signe de la main à Kathleen tandis qu’elle quittait la boutique, en direction de son rendez-vous.
-         Elle avait une petite mine aujourd’hui, tout va bien ? Demanda soudain Sally.
-         Hein ? Ah euh, oui, hésita-t-elle, je suppose qu’elle est juste fatiguée…
-         Mmh. C’est vrai qu’elle bosse dur, mais elle avait l’air un peu triste tout de même… Enfin bon, ça ne me regarde pas, soupira-t-elle en jetant un œil à son téléphone portable. Bon , c’est déjà l’heure, Je te libère, Tatiana, tu peux rentrer.
-         Ah bon ? On a du boulot d’inventaire derrière..
-         Je t’ai laissé gérer la boutique toute seule pendant quasiment toute l’après-midi, sourit-elle, Alors je vais m’en occuper. Vas-y, file !
-         Bon, fit Tatiana en répondant à son sourire. Très bien, j’y vais alors. À  demain, Sally !
-         Repose-toi bien !
Tatiana attrapa son sac, le plaça en bandoulière sur son épaule et salua sa patronne une dernière fois avant de quitter la boutique.
Elle était soulagée d’avoir été libéré un peu plus tôt.
Avant l’arrivée de Kathleen, beaucoup de clientes étaient arrivées en masse, comme si elles s’étaient toutes données le mot.
« C’était un peu sportif, mais j’ai géré » Se dit-elle, fièrement.
Lorsqu’elle arriva à l’arrêt de bus, elle  vérifia les horaires et décida de s’installer sur le petit banc. Elle avait quatre minutes à tuer.
Elle s’apprêtait à sortir son petit carnet de poche pour dessiner un peu, lorsque son téléphone portable se mit soudain à vibrer.
C’était Joshua. Elle rangea son carnet et sortit son téléphone.
-         Allo ?
-         Salut, mon amour. Tu vas bien ?
Sa voix était si douce qu’elle lui mit du baume au cœur.
-         Ça va et toi ? Sally vient de me libérer. Je suis en train de rentrer.
-         Ah, tu es déjà en chemin ? Tu attends ton bus ?
-         Oui, il va bientôt arriver.
-         Bien. Moi, je devrais être rentré d’ici deux petites heures. Tu veux que je nous ramène quelque chose  pour le dîner ? Des sushi ? Des tacos ?
« Mon Dieu, qu’est-ce que j’aime quand il est comme ça ? »
« Pourvu que ça continue… »
-         Ne t’inquiète pas, je vais préparer le dîner, ce soir. Je m’apprêtais à faire une quiche aux légumes, si ça te dit.
-         Ah, tu vas nous faire un plat diététique ? S’enthousiasme t-il. C’est bien, tu es tellement raisonnable, ma chérie !
Elle pouffa de rire et se leva soudain de son banc en voyant arriver le bus au loin.
-         Ah, mon bus est là.
-         OK, je te laisse alors. Préviens-moi quand tu sera rentré. Fais bien attention à toi et ne parle pas aux inconnus.
-         Comme toujours, ne t’inquiète pas. À tout à l’heure. Je t’aime.
-         Je t'aime mille fois plus…
Tatiana raccrocha en souriant amoureusement, et releva la tête en rangeant son portable dans sa poche, tandis que le bus passait enfin devant elle pour s’arrêter au niveau du panneau.
Elle marqua soudain un temps d’arrêt et fixa un point devant elle tandis que les passagers commençaient déjà à grimper dans le bus.
Pendant un quart de seconde, juste avant que le bus ne passe devant elle, elle avait crut apercevoir la silhouette d’un géant de l’autre côté de la rue…
« Hein ? » bugua-elle en sortant de sa torpeur.
Elle se hissa sur la pointe des pieds afin de fouiller la foule des yeux à travers les fenêtres.
Mais les gens qui avançaient à l’intérieur du véhicule l’empêchaient de voir, alors le cœur soudain fébrile, elle s’empressa de contourner le bus en retenant son souffle…
 
 



À suivre…
 

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