Taehyung
Encore les mains recouvertes de sang, je reste assis là, cerné par les flammes. J'analyse chaque pierre abîmée qui est encore debout. La lune me surveille mais je l'ignore, comme à chaque fois. La chaleur du feu réchauffe mon torse nu. Délicatement, mes doigts caressent le tissu noir de mon bandeau et c'est dans ce silence que ma haine se réveille. Ce calme si paisible à l'endroit même où l'humanité a pris fin.
Ma tête repose contre le dossier du siège le plus craint de notre clan et ceci ne me fait rien. Si ce n'est l'envie de bâtir un nouveau monde. Cette envie de vengeance, tout comme cette envie de rédemption.
Toutes ces âmes perdues, prises, volées et disparues, je pense à elles et les remercie de m'avoir fait ouvrir les yeux.
« Il est la voix que les morts n'ont plus. » je répète dans un soupir.
Il y a des jours qu'on ne peut pas oublier. Parfois c'est une personne ou un sourire, une parole. Pour moi, le jour le plus mémorable de ma vie est celui qui a embarqué plus de la moitié de ma famille dans un incendie. Il faisait nuit et si la météo était douce, elle ne laissait pas présager le pire. Le pire a été le fait que je n'étais pas totalement innocent dans toutes les morts qu'il y a eues cette nuit-là. Ma souffrance a tué ceux que j'aimais.
Il y a des larmes dont on se souvient et qui nous font étrangement avancer dans la vie. Je me construis sur mes erreurs.
On ne sait jamais de quoi demain est fait mais quand la tragédie nous touche, nous ne savons pas gérer. Moi, j'avais été formaté pour être le second. Ni important, ni invisible. Je devais vivre dignement mais pas au-dessus de mon rang. J'étais un juste milieu qui n'avait pas vraiment d'importance. J'étais là pour assurer un titre en cas de drame que personne ne souhaitait.
« Bon anniversaire, toi, grand frère que je déteste ! »
Je me lève du siège du punisseur puis m'avance devant la ruine de l'escalier qui menait à l'étage où reposaient nos chambres. Je fixe le ciel dans lequel les âmes durent éternellement dans le clan des Gandharva et je crache à même le sol.
« J'espère que tu pourris lentement là où tu es. »
Ne devrais-je pas me réjouir ? Je suis un héritier. Tout le monde aimerait être à ma place. Mais que devrais-je apprécier dans ce clan misérable ? La moisissure a poussé sur les Gandharva et personne n'a su se rendre compte de la pourriture qui grandissait entre les uns et les autres. Si la haine avait un visage, elle porterait le mien. Et si la vie est une revanche, j'espère bien la vivre.
De colère, je serre mon poing qui broie le bandeau noir que j'aimerais jeter dans les flammes qui font encore vivre ce lieu maudit par la honte et la calomnie.
« Et ne me remercie pas de ta mort. Tout le plaisir était pour moi. »
Mon sang bous dans mes veines.
Comment pourrais-je aimer ce clan pourri jusqu'à la moelle ? Si je méprise une chose, c'est bien la vie humaine.
Je pose mon regard sur le liquide rouge qui recouvre mes mains puis j'essuie le sang sur mon pantalon. Sur le noir, ça ne devrait pas se voir. Lentement, je reviens m'asseoir sur le siège du punisseur. Une fois de nouveau installé, je ferme les yeux et me rappelle cette triste nuit.
Je peux parfaitement entendre les hurlements, les pleurs, le bruit de la panique. Malgré tout ce raffut, la corne dans laquelle l'un des Gandharva avait soufflé pour alerter le clan d'une attaque surpassait toute once de bruit. Les flammes jaillissaient des fenêtres. Un épais voile sombre recouvrait nos têtes de cendres et ceux qui ne pouvaient plus fuir l'incroyable demeure des Kim ont eu recours au pire acte sous la peur. Je revois encore tous ces gens, ma famille, qui sortaient des fenêtres en sachant parfaitement que l'atterrissage ne leur donnerait aucune chance de survie. J'étais l'une des dernières personnes ayant pu sortir de cette bâtisse et la seule chose que je regardais, c'était cette pièce... Celle dans laquelle j'avais enfermé mon frère pour le mettre devant ses erreurs. J'attendais cruellement de le voir se jeter de la fenêtre mais il ne l'a jamais fait. Il n'a même pas tenté de le faire. Il est mort.
Tout le monde regrette l'incroyable hériter qu'il aurait dû faire. Tous les Gandharva donneraient tout pour ramener mon frère à la vie si cela les empêchaient de m'avoir comme l'un des deux chefs. Et si je suis honnête, je donnerais tout pour broyer le traître qu'était mon frère ! Jusqu'à la dernière cendre qu'il restera de mon frère, je n'aurais de repos.
La vie prend goût lorsque vous perdez l'essentiel. Moi, je n'avais rien perdu mais il m'avait tout pris. Ce qui était à moi était à lui et moi, j'avais oublié que je n'étais que le second. Ni amour, ni haine ne devait voir le jour dans ma vie car tout devait être à lui. Ni gentillesse, ni rejet. Ni ami, ni ennemi. Ni loyal, ni traître... Juste une ombre.
« J'espère que tu apprécieras de voir ce que je ferai de ton titre, grand frère. »
Je fais craquer mes doigts et une silhouette se dessine à l'entrée des ruines. Lorsque Jungkook se rend dans l'éclairage de la lune, je remarque qu'il porte lui aussi l'uniforme des Gandharva. Pieds nus, torse nu, son bandeau et les fidèles lignes rouges de son mariage.
« Taehyung, tout le monde t'attend. » il dit.
Je dévisage le punisseur depuis son siège et je ne devrais pas être à sa place mais lui, n'est-il pas installé à ma place, justement ? Les ruines devraient m'appartenir.
« Si tout le monde m'attend déjà, ils peuvent continuer de le faire. » je réponds.
Mon visage n'arrive pas à trahir mes sentiments. Cette noirceur qui vit en moi consume mon âme.
« Ne commence pas. Nous en avons déjà discuté. »
En prenant un lourde respiration, je me lève et me dresse devant le punisseur et nouveau chef des Gandharva.
« Je dirais plutôt que tu en as discuté. »
Nos regards se confrontent pendant de longues secondes suspendues dans un temps agréable pour une nuit si regrettable.
« Ne déçois pas ton père. »
Malgré mon envie de me retenir, je ris.
« Mon père ? »
Ce goût amer que j'ai dans la bouche à chaque fois qu'on me parle de lui est insoutenable ! Il m'en ferait vomir.
Les enfants ne doivent-ils pas aimer leur géniteur ? Moi, j'en viens à regretter qu'il ne soit pas mort dans l'incendie. Pour lui, ce sera sa seule rédemption. Mais j'ai le plaisir de me dire que Jungkook sera de corvée pour punir mon propre géniteur... Enfin, seulement s'il l'ose.
« N'as-tu pas des gens à punir ? Toi qui aimes donner des leçons de morale à tout le monde, tu n'as pas de travail ? Vas-tu me faire croire que les Gandharva sont sages ? » je me moque.
Est-ce que j'aime mon clan ? Un clan qui n'a fait que mentir et trahir. Les Gandharva ne sont pas l'image qu'ils donnent et je donnerai presque raison aux Phoenix d'en vouloir autant à ce clan maudit. Certains devraient mourir étouffer par la honte.
« Es-tu ivre ? Je te signale que pour le moment, je suis chef et que toi, tu n'es qu'encore qu'en bas de cette échelle. il me rappelle. J'essaie simplement de t'aider.
— Un peu plus et je te croyais. »
Je lui donne une tape sur l'épaule. Je commence à quitter les ruines mais il me retient par le poignet et fronce les sourcils en regardant mon cou.
« Attends. Est-ce que c'est un suçon ? Taehyung, tu sais ce que dit le règlement pour cette cérémonie ?
— Oui. Elle dit : pas de baise avant l'ouverture de cet enfer. Et mon règlement dit : baise autant de fois qu'il faudra pour emmerder tes ancêtres et tous les Gandharva qui vont avec ! »
Je retire mon poignet de son emprise puis lui accorde un dernier sourire avant de quitter mon ancienne maison.
« Si tu ne te dépêches pas, c'est toi qui te feras attendre, Jeon Jungkook, chef des Gandharva. » je lui balance.
Pas une seule fois, je ne me retourne pour regarder le reste de la maison dans laquelle j'ai grandi. Non, je sais déjà qu'elle est partie en fumée et qu'elle a emporté avec elle la dignité des Kim.
« Il est la voix que les morts n'ont plus. » je me répète de nouveau.
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DIRTY HEART II - spare me -
Fanfiction- Il est la voix que les morts n'ont plus. - Moi, je suis libre mais pas ma vie. Je devais être honoré et digne de ce que j'allais hériter. Je devais changer pour être une autre version de moi-même. Je ne voulais pas changer. Elle, elle n'ét...
