Danse (n. f.) : Suite de mouvements rythmés du corps, le plus souvent au son d'une musique ; art, technique qui règle ces mouvements.
— … Cinq, six, sept et huit…
Dans la salle de danse, les yeux fixés sur son reflet, Jimin se concentrait. La musique résonnait dans les enceintes, à un volume raisonnable mais tout de même assez fort pour qu'il puisse entendre tous les détails de l'instrumental sur lequel le chanteur posait sa voix. Son téléphone, posé plus loin, servait à le filmer.
Cette pièce-là n'avait pas toujours existé dans leur maison - enfin, elle n'avait pas toujours eu cette fonction-là. Avant, quand il était petit, c'était une espèce de débarras qui contenait des cartons, qui eux-mêmes renfermaient des vêtements usagés et abîmés que plus personne ne portait, des babioles qui n'avaient pas leur place sur les meubles et autres petites choses dont personne ne se servait.
Et puis un jour, il avait commencé les cours de danse. Le sol de toutes les pièces de la maison était fait de parquet, alors son père avait eu l'idée du siècle. Faire du vieux débarras une salle de danse en fixant des miroirs à l'un des murs. Il voulait que Jimin puisse s'entraîner chez eux si jamais il en avait besoin. Alors, remontant ses manches, et avec l'aide de sa femme, il avait vidé la grande pièce, transformé les habits inutilisés en chiffons, donné certains objets, vendu d’autres. Les cartons avaient fini leur course dans le garage, tous pliés de façon à ce qu'ils prennent le moins de place, mais toujours là, si jamais ils redevenaient nécessaires un jour. Et puis il avait acheté des miroirs très larges, sans cadres, et avait passé de nombreuses heures à tous les fixer au mur méticuleusement.
Les enceintes étaient venues plus tard, l'une après l'autre.
Et depuis, Jimin y avait passé beaucoup de temps. Parfois des après-midis entiers, parfois plusieurs heures, parfois à peine une demi-heure. Il avait besoin de danser pour fonctionner correctement, et plus les années passaient, plus sa passion devenait grande. Alors, à chaque fois qu’il passait la porte de la pièce, il remerciait mentalement son père d’y avoir investi son temps et son énergie et de l’avoir aménagée pour lui.
Jimin resta debout un instant, prit une grande inspiration, puis ferma les yeux. Il écouta les premières secondes de la chanson avec le plus de concentration possible, invoquant toutes les émotions qui se trouvaient dans son cœur. Il fallait qu’elles surgissent et prennent le dessus, qu’elles suivent la mélodie et fassent virevolter son corps sur le parquet, comme si c’étaient elles qui décidaient de ses mouvements.
Et puis alors que le chanteur prononçait sa première phrase, il s’élança. Son corps bougeait gracieusement, habitant l’espace. Il aperçut son reflet dans le miroir, et pendant un instant, il aima l’image qu’il vit. Un sourire se forma sur ses lèvres.
La chanson sur laquelle il dansait était douce, mais triste dans ses paroles. Ses émotions à lui contrastaient avec celles que le chanteur voulait transmettre. Jimin était heureux quand il dansait. C'était quelque chose qui ne changerait jamais, en dépit des compositions sur lesquelles il devait esquisser des chorégraphies, en dépit des émotions qu'il devait lui-même faire ressentir à ceux qui le regardaient. En son for intérieur, quand il dansait, il n'y avait que du bonheur.
Du bonheur et de la paix.
Il oubliait tout, se laissant porter par la mélodie avec laquelle il finissait par ne faire qu'un, son corps épousant le son des instruments alors que ses mouvements embrassaient les paroles.
Ce jour-là, précisément, il voulait danser pour se vider la tête, car pratiquer son art avait toujours été sa thérapie. Quand il se mettait à bouger au gré de la musique, la fatigue ne se faisait plus sentir, les tracas du quotidien disparaissaient, tout allait bien.
Il avait besoin de ça. La veille, il avait ressenti un trop-plein d'émotions en allant à la mer avec ses parents, et il avait besoin d'évacuer. Et puis il y avait eu cette voix…
Jimin en était encore confus. Il n'était pas sûr de ce qui s'était passé, mais il y cherchait une explication, en vain. Il n'en avait parlé à personne. Et tant qu'il ne savait pas pourquoi il avait été victime de ce phénomène étrange, il ne dirait rien. C'était désormais l'un des rares secrets qu'il gardait.
La musique s'arrêta, et Jimin se laissa tomber sur le sol, essoufflé. Il reprit peu à peu sa respiration, fixant le plafond blanc. Il se redressa pour saisir sa bouteille d'eau et étancher la soif qui brûlait sa gorge. Et enfin il se leva, prit son téléphone et coupa l'enregistrement vidéo. Il regarderait le résultat plus tard.
Il se rassit à même le sol. Il n'avait pas encore envie de quitter le havre de paix qu'était sa salle de danse. Puis il trouva que la pièce était trop silencieuse à son goût, alors il se mit à doucement chanter la chanson sur laquelle il dansait encore il y a quelques minutes.
On lui avait déjà dit qu'il chantait bien. C'était une autre petite passion qu'il avait, mais il ne la prenait pas au sérieux comme la danse. C'était juste un passe-temps ; il chantait le plus souvent quand il s'ennuyait, ou alors quand il faisait autre chose en même temps, comme ses devoirs. Ça lui était déjà arrivé de s'enregistrer avec son téléphone, mais sans plus.
Il eut un souvenir qui le fit sourire un peu. Quand il était au lycée, il avait un ami qui jouait du piano, et parfois, il chantait sur les mélodies qu'il jouait. Yoongi – tel était le prénom dudit ami – avait déménagé à Séoul pour ses études, alors Jimin ne le voyait plus. Il lui manquait terriblement, même s'il prenait toujours de ses nouvelles dès qu'il pouvait.
Il nota mentalement qu'il devrait organiser des retrouvailles avec lui dès qu'ils auraient du temps libre. Ils iraient faire le tour de Séoul ensemble.
Son esprit s’égara un peu, et revint malgré lui vers ce qu’il avait appelé “le phénomène de la voix”. Il y pensait plus qu’il ne le voulait. Jimin avait cette façon-là de réagir à quelque chose qui lui déplaisait ou qui le déboussolait : la fuite. Ce n’était pas toujours une bonne chose, mais il faisait comme si rien ne s’était produit, il essayait tant bien que mal de se convaincre que ce n’était pas grave, qu’il n’y avait pas de problème.
C’était ce qu’il avait fait quand il avait su que Yoongi devrait partir pour Séoul. Ce n’est pas grave, on est toujours dans le même pays, ça ira. Il l’avait aidé à préparer son voyage dans le plus grand des calmes, avait passé du temps avec lui avant son départ. À la gare, il lui avait dit au revoir avec un sourire tendre, et l’avait serré dans ses bras alors que le train arrivait. Ce n’était pas grave, il partait mais ce n’était pas une fin pour leur amitié. Et pourtant, en rentrant chez lui après son départ, il avait eu une crise de larmes incontrôlable.
Alors non, ce n’était pas la bonne façon de gérer les situations qu’il n’aimait pas, mais son mécanisme était ainsi. Par conséquent, il ne voulait pas penser au problème de la veille. Il avait fait une balade avec ses parents, il avait pris un milk-shake en regardant la mer, et puis il était rentré. C’est tout.
Il ne se posait pas de questions – quelques-unes, mais ce n’était qu’un détail –, il ne voulait pas savoir pourquoi il avait entendu une voix, il ne voulait pas non plus savoir comment il l’avait entendue, il ne voulait rien savoir. C’était trop perturbant, il ne voulait pas s’en occuper. Plus le phénomène de la voix serait loin de lui, mieux il se porterait.
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「La Légende du fil rouge」❈ ᴠᴍɪɴ
FanfictionTaehyung se sentait seul. Jimin, incomplet. Ces deux jeunes hommes, parfaits inconnus, souffraient de la routine dans laquelle ils étaient plongés. Tandis que l'un était assailli par de mauvais rêves, l'autre était hanté par un portrait qu'il ne pou...