Résilience, partie 5

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Après avoir marché plusieurs heures, Jack et Adèle se reposaient derrière les premiers arbres d'un bosquet. L'équipement militaire était particulièrement lourd.

Elle frotta sa nuque et ses muscles trapèzes complètement contractés avant d'inspecter sa veste trouée et tachée de sang au niveau de la poitrine. Le caporal avait récupéré ce qu'il pouvait.

— Je ne sais pas comment il va expliquer qu'une femme en uniforme nous accompagne sur les lignes de front, se soucia-t-il. Si nous intégrons une unité pour quelques heures, nous participerons au combat.

Walker était parti en éclaireur pour s'assurer des positions des troupes alliées et peut-être continuer le voyage avec elles. Bayeux était normalement à un peu plus de quatre heures à pied de Vierville-sur-Mer.

Cependant les bocages normands rendaient leur avancée périlleuse et les ralentissaient. Les haies d'arbres et d'arbustes constituaient des cachettes parfaites pour l'ennemi.

Jack avait eu raison de s'inquiéter de leur départ. Ils en étaient encore loin.

Beaucoup des parachutistes envoyés derrière les lignes de défenses nazis avaient manqué leurs points d'atterrissage. S'ils ne s'étaient pas noyés dans les champs inondés par les allemands, ils s'étaient éparpillés un peu partout.

Jack, Adèle et James se retrouvaient complètement isolés en zone hostile.

— Et alors ? s'étonna-t-elle en haussant les épaules. Il n'y a vraiment aucune combattante dans votre réalité ?

Adèle avait dû apprendre à tirer durant l'après-midi. Elle savait qu'elle serait plus efficace en utilisant ses pouvoirs. Elle aurait tout donné pour une formule allégeant le poids de son barda et pour abandonner le pistolet, un colt M1911, qu'on lui avait confié. Malheureusement James le lui avait interdit.

— C'est vraiment exceptionnel. Ce n'est pas une place pour une femme.

Adèle grimaça. Décidément elle ne comprenait pas comment les sorcierères se contentaient de ce monde.

Vierville-sur-Mer avait été bombardée plusieurs fois dans l'après-midi et encore deux heures avant qu'ils ne partent. Beaucoup de villes et de villages alentour subissaient le même sort.

Le ciel s'embrasait dans plusieurs directions. Les détonations retentissaient de toute part. Aucun passage ne semblait sûr.

— D'ailleurs tu m'as dit que tu n'as jamais connu de conflit, reprit-il.

— Mon monde oui, depuis un demi-millénaire. Mais les guerres temporales ne sont pas rares. Certaines maîtresses du temps sont des mercenaires et mettent régulièrement le bazar. Mais jamais à si grande échelle. Avant de m'occuper de ma fille, j'ai participé à plusieurs conflits.

Il sortit sa gourde de son sac et avala plusieurs gorgées d'eau.

— Tu fais confiance au lieutenant ? lui demanda Jack abruptement.

— À vrai dire, je ne le connais pas. Je pense que génétiquement c'est bien mon frère. Mais il n'a pas eu la même vie que l'homme que j'ai connu.

— Ton frère était quelqu'un de bien ?

— Non, pas vraiment. Enfin ses idées et son ambition étaient mauvaises.

— Toute cette guerre a commencé par des idées et de l'ambition, déclara-t-il sombrement.

Une légère brise se souleva. Les feuilles des arbres crépitèrent. Il coupa en deux une barre chocolatée et lui tendit un morceau avant de continuer :

— Tu m'as dit qu'il y avait combien de chance pour qu'une des personnes que tu aimes existes encore ?

Le cœur d'Adèle se déchira. Bouche bée, elle garda le silence.

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