Une fille au cœur tendre [En pause]

Kay

« Je t'en prie Dan, me réentendais-je dire dans ma tête, tu n'es tout de même pas naïf au point d'imaginer que l'opinion qu'on a d'une personne puisse changer en un claquement de doigt ? Et puis ce n'est qu'une supposition, Torrey est beaucoup trop égocentrique et chaque bonne action qu'elle réalise n'est qu'un moyen d'attirer encore plus l'attention des autres sur elle... » Je revoyais encore cet instant où j'avais su qu'il était trop tard. Torrey se trouvait juste en face de nous, muette, et j'étais tellement dans l'embarras que le seul mouvement que mon corps effectuait était celui de ma respiration, bien qu'elle n'avait rien de normal elle non plus. Je ne pensais même pas à Dan, à côté de moi et également déstabilisé. Tout ce qui m'importait, c'était l'état dans lequel j'avais mis Torrey sans l'avoir prémédité. Pourtant nous la vîmes avancer, essayant tant bien que mal d'avoir l'air totalement naturelle, et se stopper à une des distances assez raisonnables qui nous séparaient. « Je me suis rendue compte après que vous soyez partis que Rod devait sûrement avoir soif lui aussi, déglutina-t-elle avec une once de maladresse dans la voix, alors j'ai décidé de vous rejoindre en espérant qu'on reviendrait ensemble auprès de Felicity. Mais tout compte fait, je crois que vous pouvez continuer sans moi. Je peux avoir mon Sprite, Dan ? » Perturbé, celui-ci mit environ trois secondes avant de lui donner sa boisson. Elle le remercia, timidement, et passa entre nous deux afin d'aller jusqu'à ce distributeur esseulé. Par conséquent, je me remis en marche la première, n'osant jeter aucun coup d'œil aux alentours et examinant intentionnellement le carrelage de l'hôpital.

C'était la dernière image qui me revint en mémoire de ce qui s'était passé quelques heures plus tôt. Ce soir-là, les visiteurs que nous avions été rebroussaient chemin dans l'une des voitures assez discrètes que possédait la famille Sonnray. Il n'y avait donc pas que des limousines dans leur garage ! Dan était le voisin direct de notre chauffeur, Rod, tandis que Jude avait pris place entre Torrey et moi, à l'arrière. Heureusement qu'il m'évitait sans le savoir d'être moins à mon aise que je ne l'étais, si on avait noté en plus la conversation dans laquelle ils étaient plongés tous les deux. Notre retour était animé, c'était déjà ça, même si tout ce que je voulais c'était me reposer enfin après une journée aussi épuisante que celle-là. Mais ça, ce n'était pas près d'arriver...

Nous étions à une légère distance de la maison, Torrey et Jude riant avec Dan, lorsque je crus voir un véhicule qui m'était inconnu garé devant elle. « Mademoiselle Sonnray ? », avertit celui qui conduisait en ralentissant par la même occasion. Torrey détourna le regard de son premier interlocuteur. D'un seul coup, son sourire disparut. « Qu'est-ce qu'elle vient faire ici celle-là ? » fit-elle en ouvrant la portière. Rod l'imita et ils marchèrent, elle plus vite que lui, jusqu'à cette voiture.

- Qu'est-ce qui se passe ? nous questionna Dan.

- Je ne sais pas, mais ça n'a pas l'air d'être quelqu'un de très apprécié ; répondit Jude en sortant également.

Ayant jugé qu'il fallait faire comme tout le monde, Dan et moi détalions ainsi hors de cet espace clos. Une fois à l'extérieur, nous nous rapprochâmes de notre ami afin d'avoir, comme lui, une meilleure vision sur ce qui était sur le point de se dérouler. « Comment osez-vous m'interdire d'entrer dans cette maison ? Vous semblez ne pas savoir à qui vous avez affaire ? » s'écriait une femme qu'on ne percevait que de dos.

- Laissez-moi passer ! ordonna-t-elle à ceux qui lui bloquaient le passage.

- Mais madame, bafouillait l'une des deux employés, je...

- Vous n'êtes qu'une simple domestique mademoiselle et vous n'avez rien à me dire...

- Bonsoir Kay, fut-elle coupée et surprise par l'arrivée de Torrey derrière elle.

- Torrey, s'étonna-t-elle, tu es revenue du pensionnat ?

- Depuis hier, oui. Il faut croire qu'ils nous accordent bien plus de liberté que tu ne le croyais quand t'as convaincu papa de m'y envoyer. En fait, félicitations pour vos fiançailles !