Odieuse petite...

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J'avais vu son doigt signaler notre présence à Torrey et la pousser, de manière indirecte, à se joindre à notre table. C'était épouvantable ! Felicity ne savait rien de la déception qu'elle avait suscitée en moi, patientant au comptoir et saluant des garçons de l'école derrière elle. Mais il fallait bien s'y préparer, et chercher un bouc émissaire ne m'apportait aucun bénéfice qui plus est. Torrey marchait donc jusqu'à nous, n'étant déstabilisée qu'une seconde par des murmures hostiles, qu'elle décida immédiatement d'envoyer au diable. Puis, souriant comme la plus heureuse des fillettes dans une boutique de cadeaux, elle se rua sur le dos de Jude en le prenant par surprise :

- Ça va Judy ?

- Torrey ! s'écria-t-il en se retournant.

- Comme tu m'as manqué depuis ce samedi !

Elle déposa un baiser sur sa joue et c'était la première fois qu'il la laissa faire sans broncher. Il n'en revenait toujours pas de la revoir. Elle s'assit à ses côtés, ce qui voulait dire plus particulièrement juste en face de moi. Quelle aubaine !

- Torrey, on est contents de te revoir.

- Mais c'est réciproque Dan, et surtout pour toi mon chéri ; spécifia-t-elle en bousculant l'épaule de celui qui était entre Dan et elle.

- Sinon ça va mieux aujourd'hui ?

- Oui Bobbie nous a raconté pour hier, compléta Jude.

- J'imagine, dit-elle en fuyant mon regard.

- Il ne faut pas lui en vouloir Torrey, elle...

- Non Dan, je ne lui en veux pas du tout. En fait ça m'arrange qu'elle vous l'ait raconté, ça m'évite d'expliquer les raisons de mon lapin d'hier après-midi.

Hier après-midi, comment ne pas s'en souvenir ?

- Pas de serre-tête aujourd'hui ? sondai-je, puisque je venais de noter ce détail.

- J'ai dû oublier d'en porter un en sortant, s'étonna-t-elle immédiatement. Ça ne m'arrive jamais, sauf à la maison si vous avez pu le voir.

Elle avait sûrement la tête ailleurs ; mais je ne voulais pas la plaindre.

- Ça tombe bien que tu parles d'hier Torrey parce que devine ce que Jude a découvert à l'infirmerie, dans son cahier de Math ? l'informait Dan.

- Dis-moi, quoi ?

- Ton devoir !

- Ah ! fit-elle, moins emballée que nous l'avions envisagé.

- Tu peux aller le présenter au prof pour lui prouver que tu l'avais vraiment fait ?

- Oui, s'exclamait Jude, et tu pourrais t'en servir aussi auprès de mademoiselle Straffi, pour lui montrer que celui qu'elle considère comme son bras droit n'est qu'un idiot de première. Elle pourrait finalement le virer et tu nous sauverais tous la vie, qu'en dis-tu ?

- Je connais des gens qui seraient heureux si ça arrivait !

Fixant la table qui les séparait de moi, elle les écoutait calmement. Elle nous mettait tous les trois dans une incompréhension quasi-totale. Ses tympans ne marchaient plus ? Avait-elle délibérément choisi de les ignorer ? Je me le demandais.

- Eh oh Torrey, insista Jude qui avait eu peut-être un raisonnement similaire au mien, tu nous entends toujours j'espère ?

- Hm oui je vous entends, réagit-elle alors. Je suis d'accord en ce qui concerne monsieur Stoud, mais je pense que ça ne me rapporterait rien d'aller me plaindre chez la directrice. Ça ne ramènera pas mon cahier, et de toute façon, je pourrais encore récrire ces textes dès que j'en aurai l'occasion !

Une fille au cœur tendre [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant