Chapitre 10

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De retour au lycée, Suli n'avait qu'une chose en tête : trouver Finn, lui parler sérieusement et comprendre ce qui lui arrive. Il y avait les cours aussi, évidemment, mais Miss Grace ne lui donnait pas franchement l'envi de venir à ses cours de bonnes manières extravagants.
Toute sa classe la regardait avec questionnement. Il est vrai que revenir en cours quelques heures après un malaise n'est pas très courant chez les adolescents mais, Suli n'était pas une adolescente comme les autres.

Alors elle fit plusieurs fois le tour du lycée, allant des casiers à la cantine, de la cantine à dehors dans la cour. Elle finit par le trouver au cdi, « la salle aux milles bouquins » aimait la surnommer Madame Volancia, la maîtresse de cette salle. Finn était assis sur une chaise, un livre en main mais il n'avait pas l'air complètement absorbé par son livre. Suli ne savait pas qu'il aimait lire. Elle prit trois grandes respirations et s'élança vers lui.

S'il fût étonné de la voir ici, il ne le montra pas. Il ne dit rien non plus, aussi Suli prit la parole :
- J'aimerais qu'on parle tous les deux, là maintenant.
Il ne dit rien. Il la scruta de ses yeux bleu océan, mais ne dit rien.
- Sauf si bien sûr ton livre a une histoire plus intéressante à raconter. C'est quoi d'ailleurs ce que tu lis ?
Toujours rien. Décidemment. Sauf qu'il leva son livre afin de permettre à Suli de lire la première page de couverture.
- Antigone, lit-elle. Pas très joyeux comme livre. Elle vient de là ta mine désespérée ?
Sa tentative d'humour ne marcha pas très bien. Elle soupira, s'assit à côté de lui et lui prit le livre des mains pour le poser sur la table en face d'eux.
- Bon, commença-t-elle, je n'ai pas l'intention de partir ni d'aller en cours tant que tu ne m'auras pas expliqué ce que tu me fais depuis ce matin.

Silence. Secondes qui se transformèrent en minutes. Puis, enfin, des mots.
- Ce que je te fais ? demanda Finn avec étonnement. Non mais tu te fiches de moi ! Je devrais te retourner la question tient, avec tes sauts d'humeur, tes mensonges, tes airs de fille solitaire et distante dès que je te pose des questions, ou encore ta mine de désolée alors qu'au fond t'en n'as rien à faire de me mentir et de me laisser comme un imbécile dans le flou. Alors je vais te le dire puisque tu veux que je te parle : j'en ai marre de ton hypocrisie, marre que tu me mentes alors si tu ne veux pas rester avec moi ou si tu ne veux pas me parler tu n'as qu'à me le dire très clairement !
Il se tut. Pour Suli, elle ne savait pas comment prendre ces paroles : au moins il avait parlé, mais ce n'était pas vraiment ce qu'elle imaginait. Qu'est-ce qu'elle imaginait en fait ? Elle réfléchit à ce qu'elle allait lui répondre mais Mme Volancia s'exclama :
- Dites ! Faîtes plus de bruit encore ! Nom d'un poème Baudelairien, allez régler vos querelles hors de ma salle aux milles bouquins.
Finn se leva et Suli l'imita. Ils se dirigèrent dehors mais Finn sembla partir. Suli le retint par la main et lui fit face.
- Je n'ai pas fini, dit-elle.
Elle continua sans prêter attention à son expression.
- Oui je t'ai menti à plusieurs reprises, mais c'est le seul point pour lequel tu as le droit de m'accuser parce que j'ai envie de rester avec toi et de te parler et jamais, jamais je n'ai été hypocrite avec toi. Mais, jamais je ne me suis ouverte à quelqu'un, jamais je n'ai fait confiance à quelqu'un et personne ne me connaît vraiment, personne ne sait qui je suis et ce que je fais ici, pas même moi. Tu peux me croire sur ce point. Ecoute, je sais que je ne suis pas facile et que je peux changer d'humeur rapidement mais, depuis que tu es venu me parler ce premier jour, tu ne m'as pas lâché. Alors je vais faire de même et je ne vais pas te lâcher, parce que ce n'est pas que je n'ai pas envie de te dire tous mes secrets, mais tu comprendras qu'avec moi tout est compliqué et que si je fais ça c'est pour me protéger moi, d'accord, mais également toi.

Finn la dévisagea un long moment. Que pensait-il ? Qu'allait-il lui répondre ? Suli le sut lorsqu'il dit :
- Je ne veux pas te forcer à me confier tes secrets, Turner, je ne veux te forcer à rien mais, je suis digne de ta confiance et je pense que je mérite un peu plus d'attention ou de, tu vois... enfin mince à la fin ! C'est dur de savoir que tu caches pleins de trucs qui te font du mal et que je ne peux rien faire parce que tu ne m'en laisses pas l'occasion.
- Je sais, répondit Suli, et je vais essayer de travailler là-dessus, mais en attendant tu crois que tu pourras supporter l'idée que je ne peux rien te dire ? Promis je m'intéresserai davantage à toi et je ferai plus d'efforts dans notre amitié.
Suli tendit le petit doigt vers lui. Finn fronça les sourcils et lança :
- Et ça c'est quoi ?
- Notre accord sur ce qu'on vient de dire : tu es d'accord sur le fait que je ne peux pas te révéler mes secrets pour le moment et moi, je fais plus d'efforts pour toi. Alors ?
Finn fit mine d'hésiter puis sortit son plus beau sourire et attrapa le petit doigt de son amie avec le sien en s'écriant :
- Alors je marche ! Turner je suis de retour, prépare-toi pour une noyade d'humour et de blagues !
- Voilà quelque chose qui m'avait manqué, dit-elle.
Tous les deux rirent de plus belle.

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