Une histoire parmi tant d'autres

Chapitre 8

- Aller on continue ! C'est quoi ces déplacements grand-mère ! Accélère-moi ça un peu !
Le professeur de sport. Monsieur Delavigne, qui prenait un malin plaisir à mettre ses élèves à l'épreuve afin qu'ils se donnent à fond. Suli était bien évidemment sa cible, la plus incompétente du groupe. 
Et voilà le sport ! Je n'aime pas ça, les dessins sont beaucoup plus amusants.
Elle n'était logiquement pas en surpoids, par son manque de repas, de plus, elle n'était pas très musclée et plutôt maigrichonne. N'ayant jamais pratiqué de sport, Suli ne savait pas comment s'y prendre. En plus de cela, le programme de sport du lycée exigeait l'apprentissage du volley-ball.
Alors Suli subissait, de bon matin, les remarques et cris de son professeur, les lancés de ballons visés et les chuchotements du trio infernal de Jessica. Elle en avait plus qu'assez d'autant plus que Finn ne lui avait pas parlé depuis leur discussion aux casiers. Elle essaya de le chercher du regard mais il évitait constamment de la regarder.
La jeune fille avait du mal à comprendre ce comportement et était en train de décider si elle devait aller lui parler ou le laisser tranquille quand l'entraînement s'arrêta.
M. Delavigne s'avança et s'écria : 
- Bon les enfants, ou grand-mères pour certaines, je vais vous séparer en quatre groupes afin de créer quatre équipes. Elles seront constituées en fonction de ce que j'ai vu et observer de vous, afin qu'elles soient équitables. Aucuns changements possibles alors je ne veux rien entendre concernant les affinités entre vous compris ?
Il attendit que tout le monde acquiesce puis reprit d'une voix grave :
- Bien, le groupe grand-mères puisque vous êtes quatre, vous allez vous répartir dans chaque équipe : Chloé l'équipe rouge, Brielle l'équipe verte, Suli l'équipe bleue et Benoit l'équipe jaune.
Suli fût étonnée qu'un garçon fasse parti du groupe des grand-mères mais elle comprit lorsqu'elle le vit. Le pauvre garçon n'avait que la peau sur les os, blond aux yeux clairs, il ne faisait pas plus d'un mètre soixante au moins. Suli l'avait entraperçu une ou deux fois dans le fond de la classe.  Elle ne lui avait jamais adressé la parole ni ne s'était intéressée à lui et décida de changer cela après le cours.
Elle se surprit à avoir cette pensée qui, au début d'année, n'aurait jamais eu sa place dans sa tête. Mais Suli avait bien changé depuis, mettant de côté la Suli du collège.
Le professeur de sport finit ses équipes et Suli se retrouva avec trois élèves qu'elle ne connaissait pas plus que ça mais également avec Finn, qui prit la peine de se mettre à l'opposé d'elle et Sophie, l'acolyte de Jessica.
L'équipe bleue commença donc à jouer en premier contre l'équipe verte. Ce ne fût pas gagner pour Suli qui se retrouva à l'arrière en plus d'encaisser les remarques de M. Delavigne : « avance toi ! », « mais impose toi enfin ! », « aller un peu de jugeotte ». Elle commença à être essouffler et eut la tête qui tourna, fort. Heureusement le match s'arrêta là, une défaite sûrement à en croire la tête de ses équipiers, mais Suli ne put lever la tête pour regarder le score, trop pressée de s'assoir pour faire passer le mal de tête.
Les cours de sports avaient débuté un peu après les autres à cause de la mauvaise organisation des emplois du temps des élèves. Une autre classe avaient cours en même temps qu'eux et le gymnase ne comportait qu'un terrain de volley-ball. De ce fait, c'était le premier cours de sport de l'année, mais également la première fois que Suli refaisait du sport depuis le collège. Avec son manque de minéraux à cause d'une alimentation non équilibrée, il était normal que Suli ait ce genre de réaction.
- Eh tout va bien ? s'enquit une voix familière au-dessus d'elle.
C'était Finn. Suli eut un peu de mal à relever sa tête pour le regarder et hocha timidement la tête. Finn soupira, d'un soupir d'agacement.
- Non ça ne va pas et je le vois, Turner. Arrête de me mentir bon sang !
Il avait élevé la voix sur ces derniers mots. Suli baissa la tête et il s'assit à côté d'elle.
- J'ai mal à la tête, lui avoua-t-elle, mais rien de grave ne t'inquiète pas.
Il l'inspecta, amena sa main sur son front comme pour prendre sa température puis la retira.
- Tu es chaude, dit-il.
- Evidemment, je viens de courir et taper dans un ballon avec mes mains et je suis essoufflée et...
Elle enfouit sa tête dans ses mains et inspira un bon coup.
- Le temps que les autres fassent leur match ça sera passé, finit-elle.
Finn ne répondit pas et fit mine de se lever mais elle le retint. Il la questionna du regard puis elle déclara :
- Tu me fuis et ne m'accorde aucun regard depuis le début du cours. Je ne comprends pas vraiment pourquoi d'ailleurs mais...
Elle inspira trois fois et finit :
- Mais je n'aime pas quand tu m'ignores.
Un minuscule début de sourire apparu sur le visage de Finn avant de disparaître. Ses yeux bleus se firent tristes. Plusieurs secondes s'écoulèrent avant qu'il ne réponde :
- J'en ai juste marre.
Une phrase, de quelques mots seulement et une multitude de sens. Suli ne comprit pas aussitôt d'autant plus que M. Delavigne ne lui laissa pas plus de temps pour lister les possibilités car il ordonna à l'équipe bleue d'affronter l'équipe rouge.
Elle se leva, son mal de tête avait disparu mais elle se sentait lourde. Elle alla se placer dans son camp. L'équipe rouge comportait évidemment Jessica, elle voulut alors la gagner coûte que coûte.
M. Delavigne siffla le début du match. Suli se mettait déjà plus en avant que le match précédent, mais à peine avait-elle fait quelques déplacements que son mal de tête revint. Elle secoua la tête violemment. Elle continua le match malgré tout, elle courrait, sautait, revenait, frappait, se penchait jusqu'à ce que sa vue se brouille.
Elle vit de plus en plus trouble puis ne vit plus que le noir. Elle sentit ses jambes se dérober, sa cervelle sortir de son crâne et sa tête heurter quelque chose de solide. Le calme se fit.

Un monde doré apparut. De grands bâtiments brillaient devant Suli. La lumière se faisait plus qu'aveuglante. Où se trouvait-elle ? Se pourrait-il qu'elle soit morte ? Non, impossible, et pourtant... Quelque chose n'allait pas elle le sentait. Les gens, les gens se faisaient droits, ils marchaient, non, ils ne touchaient pas le sol, mais alors comment se faisait-il que ? Suli ne se sentait pas elle-même, elle se regarda alors dans le reflet d'un bâtiment mi bleu mi doré et... Non, ce n'était pas elle. Ce qu'elle avait devant elle était une jeune femme belle, coiffée et maquillée, ornée de bijoux et sa tenue était trop sophistiquée pour que Suli la porte. Un visage apparut à sa droite. Il remuait les lèvres sans pour autant émettre le moindre son. Il avait l'air de lui crier quelque chose mais Suli ne pouvait l'entendre. Ce visage, c'était celui de Finn. Il la fit se retourner et le monde doré disparut.