Amour et Regrets

À distance

À 23h30, Jane poussait la porte en bois de son appartement qui était calme et plongé dans la pénombre.

Elle enleva ses talons aiguilles avec une lenteur exagérée , puis les posa sur l'étagère et avançait sur la pointe des pieds veillant à ne pas faire de bruit, son manteau belge assortit à son tailleur à la main.

Elle dépassa le salon où, bizarrement la télévision était allumée .

Quand elle voulut saisir la poignée de la porte du couloir qui mène aux autres pièces de la maison, les ampoules s'allumèrent tout d'un coup , surprenant Jane et la faisant sursauter.

-C'est à cette heure ci que tu rentres mademoiselle?

Elle tourna lentement la tête du côté de la télévision et vit sa mère assise de façon élégante dans le canapé, vêtue de sa longue robe de chambre rouge bordeaux. Ses cheveux pareils aux siens , retombaient en cascade sur son  dos.

Sa mère inspirait tout simplement la finèsse ainsi que la délicatesse. Son dos toujours  droit et ses longs doigts fins toujours bien reposés sur ses genoux , lui donnait une allure de grande dame.

Jane ne pouvait comparer sa propre beauté à celle de sa mère étant donné qu'elle ne possédait aucune délicatesse à cause de son tempérament de garçon manqué qui ne cessait de l'accompagner la distinguant tout le temps des femmes normales qui se doivent d'être douces et tendres . Sa mère  semblait visiblement irritée.

- Ouf!  Maman c'est toi!  Tu m'as fait une de ces  peurs , dit elle en respirant fortement et en tenant sa poitrine d'une main alors qu'elle semblait à bout de souffle,ne me refais plus jamais ça je t'en prie!  Tu  ... tu ne dors pas encore?

-Réponds d'abord à ma question, exigea sa mère tout gardant ses bras croisés sur son buste droit.

-J'étais au... en fait je...

-Encore un dinner fatiguant avec une cliente de la haute société?

Jane baissa la tête, soupira puis vint se blotir dans les bras de sa mère.

-Tout ça , ça me fatigue tu sais?

-Oui ma puce , je le sais.  Voilà pourquoi tu devrais accepter moins de commandes à l'avenir.

-Hum, oui!  Tu as parfaitement raison mamounette! Tu avais parfaitement raison depuis tout le début ! Je pensais pouvoir tout gérer toute seule à la perfection! Mais je me rends compte que je suis limitée , je ne peux pas  faire plusieurs choses à la fois. Demain je repartirais les tâches à mes employés. Ça me permettra de souffler un peu.

-Bonne décision ma chérie! Tu verras,  tu te sentira beaucoup mieux après !

-Hmm, je l'espère! Mais je dois m'occuper personnellement de cette commande.

-Ah bon? Pourquoi? Au fait comment c'est passé ce rendez vous? Elle n'était pas trop exigente la dame?

Jane se figea à l'entente de cette question si redoutée. Sa respiration se bloqua.

Sa gorge se noua puis de chaudes larmes d'amertumes vinrent ruisseler sur ses joues. Son corps fut bientôt secoué par des spasmes. Sa mère se retira d'elle et lui fit face.

-Jane? Qu'est ce qu'il y'a ma chérie?

Elle restait la tête baissée et mordillait sa lèvre inferieure.

Sa vue se brouillait petit à petit. Ses larmes coulèrent et libérèrent  sa vue trouble.

Elle leva la tête vers sa mère.
Les yeux de celle ci étaient compatissants.

Le regard qu'une mère porte à son enfant chagriné. Ce regard qui s'inquiète , qui imagine tous les scénarios possibles. Intérrogateur. Non! Elle ne pouvait pas le lui dire! Aurait ce un sens?

C'est elle qui l'a pour ainsi dire abondonné alors pourquoi se lamenter comme si s'était elle la victime? Elle avait fauté! Elle méritait ce qui lui arrivait!

Elle n'aurait pas dûe s'en aller sans explications,  sans penser à ce qu'il pourrait bien ressentir , lui, après son départ! Elle s'était montrée égoïste. Ce départ n'avait aucun sens! Et ses pleurs aussi!

Soudain, elle se leva , embrassa sa mère confuse au front , ramassa ses affaires et partit en direction de sa chambre, alors que sa mère tentait d'obtenir des éclairsissements en l'appelant.

Elle fit la sourde oreille et referma la porte en concentrant ses efforts sur la poignée de porte qu'elle tenait fermement . Elle ne lâchait plus celle ci.

Elle la tenait fortement tout en grignant de douleur comme si elle allait étouffer. Sa respiration devenait agitée. Elle tenait sa poitrine qui se contractait .

Elle se mit dos à la porte, et s'effondra lentement jusqu'a ce que tout son corps se dépose telle une grande masse sur le parquet de sa chambre plongée dans les ténèbres.

Ne pouvant plus  retenir son envie de crier plus longtemps , elle se leva précipitement , se dirigea vers son lit et s'y étala brusquement en saisissant un gros coussin qu'elle porta à son visage.

Elle se servit alors de celui ci pour éttouffer ses cris. Il fallait que ça sorte . Sa colère envers elle même et envers Waldo ne demandait qu'a être évacuée.  Pourquoi s'était il marié? Pourquoi? Ses propos d'il y a dix ans n'avaient donc aucune crédibilité? Ou bien avait il simplement tourné la page? Dans ce cas,  pourquoi?  Il a même une fille bon sang! Une fille! L'avait il vraiment rayé de sa vie?  À cette pensée , ses pleurs redoublèrent . Ses poings s'enfoncaient dans le lit molleux .Il n'a pas le droit de la faire souffrir ainsi.

Le seul fait de l'imaginer enlaçant amoureusement sa femme dans leur chambre ne fit qu'accentuer sa tristèsse et sa colère.

  Elle se calma peu à peu puis se retourna sur le dos. Elle se tourna vers la fenêtre qui offrait un spectacle meirveilleux: la nuit noire colorée d'etoiles qui scintillaient de milles feux tels de miniscules diamants dans un tissu bleu de nuit .

La nuit était belle. Waldo, le Waldo dont elle venait de faire connaissance apparut dans le tableau noir qui brillait. 

Il était devenu plus ravissant qu'il ne l'etait déjà. Mais tout comme le ciel est inaccéssible aux humains , il l'était devenu inatteignable .

Elle ne pouvait que le désirer de loin puisqu'il appartenait désormais à une autre. Elle ne pouvait que l'aimer à distance.