𝓉𝓌𝑒𝓃𝓉𝓎 𝒻𝑜𝓊𝓇.

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Owen

12 avril 2025, à l'hôpital.

Je reste interloqué par le départ de Charlie. Ne devrait-il pas sauter de joie qu'elle se soit enfin réveillée ? C'est à n'y rien comprendre. Je reste quelques secondes perdu dans mes pensées avant que l'une d'entre elle me percute de plein fouet. S'il a réagi comme ça c'est qu'il y a un problème, quelque chose ne tourne pas rond et de ne pas savoir ce que c'est me tord le bide. Je jette un regard inquiet vers le visage qui me souriait il y a à peine quelques minutes. Qu'est-ce qui cloche ? Je caresse sa joue une dernière fois avant de partir à la recherche de son médecin. C'est le seul qui pourra me donner une réponse honnête sur l'état de Margaux.

Je pousse les roues de mon fauteuil si vite que le frottement me brule les mains mais je m'en fiche, il faut que je sache si je peux me réjouir qu'elle soit à nouveau parmi nous. Je passe dans le hall comme une furie et il me semble entendre l'horrible voix de la réceptionniste me crier après mais je suis trop pressé pour lui prêter attention.

J'ai parcouru tous les étages de ce fichu hôpital et pas moyen de mettre la main sur un seul docteur capable de me donner une explication, où est ce foutu médecin quand on a besoin de lui ? Dépité, je m'apprête à retourner dans sa chambre pour la surveiller quand j'aperçois Joy, ma kiné, en train de discuter avec une infirmière.

- Je suis vraiment désolé de vous interrompre, je dis, mais je dois absolument parler à Joy.
- Pas de soucis, on avait fini de toute façon, me répond l'infirmière avant de s'en aller en me lançant un sourire.
- Bon sang Owen qu'est-ce que tu as foutu, tu as l'air épuisé et tout transpirant ! Je t'avais pourtant dit de te ménager, gonde ma kiné.
- Je veux savoir ce qui arrive à Margaux.

Elle me lance un regard interrogateur, signe qu'elle n'est au courant de rien.

- Je n'ai pas eu de nouvelles, pourquoi, qu'est-ce qu'il se passe ? me questionne-t-elle.
- Elle s'est réveillée, je lâche.
- Mais c'est génial ! Owen, pourquoi tu ne sautes pas de joie ?
- J'aimerais bien que tu me le dises, tu n'as pas moyen d'avoir accès à son dossier quelque part ? Son foutu médecin est introuvable.
- Tu sais très bien que je n'ai pas accès aux dossiers des patients que je ne suis pas, ça serait contre toutes les règles de cet hôpital.
- Je ne te le demanderais pas si ce n'était pas important.

Elle pousse un long soupir et passe les doigts dans ses cheveux emmêlés, elle a dû avoir une rude journée et je m'en veux tout à coup d'exiger de telles choses mais j'ai besoin de savoir, cela fait trop longtemps que j'attends ce moment, elle ne peut pas aller mal, elle n'a pas le droit. Je me mords la lèvre de frustration tandis que Joy passe derrière le comptoir pour fouiller dans les dossiers quand j'entends la voix de Charlie me héler.

- Owen Patrick Joyner, il faut qu'on parle.

Ses yeux sont rouges et il n'en mène pas plus large que moi niveau transpiration et fatigue. J'adresse un signe de tête entendu à ma kiné et roule dans sa direction.

- C'est pas trop tôt, ça fait des heures que j'attendes qu'on me dise ce qu'il se passe putain.
- Allons dans un coin plus tranquille, me répond Charlie avant de tourner les talons.

La cafétéria de l'hôpital n'est pas l'endroit le plus tranquille auquel j'aurais songé mais c'était le plus facilement accessible en fauteuil. Le brun pose devant moi un café brulant auquel je n'accorde aucune attention et plante ses yeux verts dans les miens.

- Accouche, je lance, sur la défensive.
- Du calme, soupire-t-il en se passant une main sur le visage. Ce n'est pas facile à expliquer.
- On a vécu assez de choses difficiles ces derniers mois, dis-moi ce qu'il y a avant que je pète un câble.
- J'ai discuté avec son médecin après son premier réveil.
- Son premier réveil ? Pourquoi, il y en a eu combien ? je gronde.
- Si tu n'arrêtes pas de m'interrompre tu n'auras jamais le fin mot de l'histoire.

Je crois les bras en silence, attendant qu'il poursuive.

- Elle ne sera pas totalement réveillée avant quelques jours, poursuis-t-il, et lorsqu'elle le sera ça ne sera pas facile.

J'attends patiemment qu'il poursuive, puisque je dois cesser de l'interrompre.

- Les évènements qu'elle a vécus, que nous avons tous vécus, ont été tellement traumatisants pour elle que son cerveau a fait une sorte de blocage.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? je le questionne, voyant qu'il ne continue pas.
- Elle ne se rappelle pas l'accident, ni de ça ni des trois dernières années qui viennent de s'écouler, lâche-t-il enfin, les yeux humides de larmes.

Merde, ça craint.

- Est-ce qu'elle va récupérer ses souvenirs ? je demande alors, ne comprenant pas bien pourquoi c'est si grave qu'elle ait oublié ces traumatismes.

D'un côté je trouve que c'est une bonne chose, elle découvrira tôt ou tard les évènements qui se sont déroulés mais ça ne peut pas lui faire de mal tant qu'elle l'ignore.

- C'est trop tôt pour le dire, mais notre devoir est de lui raconter, on doit tout lui raconter.
- Pourquoi tu veux lui infliger ça ? je l'interroge. Je veux dire, on peut attendre quelques mois, le temps qu'elle aille mieux physiquement, et ensuite on lui dira.
- Et quand elle demandera à voir Sav ou Jer, qu'est-ce que tu lui diras Owen ? me répond-il d'un ton amer.

Bordel, il a raison... je baisse les yeux sur mes genoux.

Bordel, bordel, bordel. Si son état physique n'avait pas été la chose la plus alarmantes ces dernières semaines nous ne nous étions jamais préoccupés de son état mental... Trois ans, c'est long, très long.

Je me décide enfin à avaler une gorgée de mon café avant de reprendre mais finis par m'étrangler en l'avalant quand Charlie me balance en se levant.

- Félicitations, c'est toi la première personne qu'elle voudra voir dès son réveil, puisque c'est avec toi qu'elle était il y a trois ans. J'espère que tu ne resteras pas planté devant elle comme tu viens de le faire devant moi quand elle réclamera à voir ses meilleurs amis.

Et il me laisse là, comme un con. Mon café à la main qu'il m'est impossible de boire tant ma gorge est serrée et mon profond sentiment d'être la personne la plus nulle sur cette terre. Pourtant une chose m'interpelle. Il a raison, c'est de moi qu'était amoureuse Margaux il y a trois ans. Une lueur d'espoir rejailli en moi, vite balayée par ma conscience. Elle n'a beau pas se rappeler les trois années qui viennent de s'écouler, il est de mon devoir en tant qu'ami de lui dire la vérité. Ça ne serait pas fair-play de ma part d'en profiter pour doubler Charlie. Si je dois regagner son amour, ça sera à la loyale.

𝐄𝐃𝐆𝐄 𝐎𝐅 𝐆𝐑𝐄𝐀𝐓.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant