Chapitre 7

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1 an plus tard
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20h00

La tête aux traits durs marqués par la fatigue ballotait sur les planches de bois, les sabots usés dépassaient de l'engin, tapant sans cesse sur la barre de fer soutenant les roues. Lourdes, les paupières tombaient sur les yeux vides ayant abandonné tout espoir de se raccrocher à la vie. L'étalon respirait lentement, ses naseaux sifflaient. Son poil gorgé de transpiration luisait dans la pénombre.
Un antérieur recouvert d'un liquide rouge prenait une position différente de l'autre, le sabot était collé au torse, tordant ainsi le membre dans une position anormale.
Une voix enrouée rompu le brouhaha silencieux de la nuit :
« -J'ai un autre canasson à l'arrière, un étalon.
-Merde j'espère qu'il vas pas poser de problèmes.
-T'inquiète pas pour ça, à première vu on le croirait mort le pauvre. Son antérieur est complètement fracturé. Une grosse chute au milieu d'un parcours, il était poussé à bout. Il aura pas eu une vie merveilleuse... fichus bourgeois »
Seuls des hennissements fous et des ronflements désespérés comblaient la taciturne soirée.
La camionnette transportant l'animal s'engagea dans un sombre hangar aux pierres décolorées depuis des décennies, elle suivit l'allée qui séparait le bâtiment en son milieu avant de s'arrêter devant des rangées de centaines d'étroites stabulations démontables. Goldako fut déchargé dans l'un deux, allongé sur une fine litière de paille usée. Un des officiers s'occupa de l'abreuver avant de le laisser à son sort pour la nuit, gisant ainsi entre les autres chevaux qui savaient. Une ambiance terrorisée et désolée planait dans l'air pollué par les relents métalliques du sang et de la mort. Les pensées du noiraud furent occupées par des bribes de souvenirs dont il peinait à se remémorer... cette jolie pouliche avec qui il avait passé ses premiers jours, cet homme qui l'avait aimé et qu'il avait aimé, cette jument et un poulain portant son odeur, la vente, la fuite et les grandes pistes, les podiums, la gloire, la chute, l'odeur de mort, la fracture, l'évacuation d'urgence et pour finir ce lieu qu'aucun cheval ne souhaite fréquenter. Goldako n'avait même pas encore sa taille adulte et le voilà à l'échéance de sa vie.

Le champion ne reverra plus jamais le soleil. Et il le savait.

Voyageur de cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant