Chapitre 9

25 4 7
                                    

2 mois plus tard
~
11h30

La sable, constamment remué par les équins, flottait dans l'air, s'y mêlant et provoquant ouvertement les narines et les yeux des passants. La fraîcheur de la matinée sera bientôt complètement anéantie par le soleil qui atteindra son zénith. Des cris de marchands présentant leur piquet d'animaux montaient ici et là, perçant les commérages incessants des piétons. Des hennissements, des aboiements, des bêlements, des braillements, des roucoulements et caquètements s'ajoutaient à cette jolie mélodie citadine.

Une beret rapiécé accompagné d'une barbe de quelques jours dépassaient des étalages de bêtes. L'œil endurcît, il examinait les chevaux les plus robustes. Des chevaux capables de tirer de lourdes charges. Julien avait investi dans quelques champs pour regagner un peu d'argent. Malheureusement il n'en avait pas suffisamment pour acheter les machines modernes. Bienvenue à l'ancien temps.

Trop maigre, trop mollasson, trop petit, trop fou, mauvais aplombs, exécrable, pas beau, et ainsi de suite. Parmi l'avalanche de Percheron, Rouan, Comtois, Ardennais, Clydesdale, Gipsy Cob et ONC, aucun ne correspondait aux exigences du jeune homme. Son compagnon râlait en priant pour que ce petit manège se finisse au plus vite.
L'œil de Julien fut attiré par un cheval noir bien nourri qui se débattait des cordes. Personne ne voulait de lui. Cheval fou. Le noiraud était au bout de sa patience, il ruait, tapait, cabrait, les naseaux gonflés, faisant peur aux passants, détruisant ses chances de partir d'ici. Tous les jours c'était la même chose, le marché, l'énervement, la peur procurée puis son box de paille qui était le même depuis des mois.
Ce mâle rappelait au brun un vieil ami.

Cette violente lutte vint à bout des cordes qui cassèrent. L'étalon détraqué galopa, bousculant les passants et bêtes. Le tonnerre infernal de ses sabots terrifiait. Personne n'osait s'approcher, les hommes s'éloignaient sur son chemin. Toute la joie et la bienveillance s'était tu, remplacées par la peur et la haine. Les plus courageux se mettaient en travers de son chemin sans grand succès, ils finissaient piétinés, et pour les plus chanceux, avec quelques nouveaux cheveux blancs. Les expressions affolées des gens défilaient à l'œil de l'équidé, lui même affolé.
Ce cheval était fou. Ce cheval allait être abattu. On entendait déjà au loin les sirènes des hommes du feu.

Les secondes, les minutes passaient lentement et ce monstre était toujours en liberté. S'approchant dangereusement de notre ami. Ami qui était en pure extase devant ce cheval remarquablement splendide. Parfaitement équilibré, magnifiques aplombs, énergie infinie, une tête parfaitement dessinée, très sanguin avec une grâce de mouvement utopique. Pendant cette petite réflexion, l'étalon courait toujours d'une vitesse folle. L'étalon n'était plus qu'à quelques mètres de Julien. L'étalon allait le tuer comme les autres. L'étalon allait poursuivre sa course endiablée. Mais l'étalon dérapa violemment dans un nuage de sable avant de s'arrêter à quelques centimètres à peine du brun. Le temps s'arrêta,comme suspendu. Le public, choqué, observait cette scène totalement folle.
Julien et l'étalon se perdirent dans leurs regards profonds et incertains. Mais surtout dans leurs regards si familiers. Ces regards qu'ils ne pensaient jamais plus contempler après bientôt deux ans.
« -C'est lui.
-Comment ??
-Cet étalon. C'est lui. C'est Goldako. »

Voyageur de cœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant