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Puis tout repris son cours, ou presque. La Pièce ne pouvait plus ignorer l'humidité qui perlait sur les lettres des murs. Elle ne pouvait plus, au détour d'un angle, regarder de biais le jeune homme replié sur lui-même au centre de la pièce. Cela faisait longtemps que Loth Oscar Grimms séjournait dans les abysses de sa pensée sans parvenir à reprendre sa lettre. Il avait pensé, puis il avait perdu le fil. C'était comme si tout s'évaporait à l'instant oû il essayait d'atténuer la buée. Il avait ensuite essayé de laisser tomber, il s'était dit qu'a quoi bon penser quand dans tout les cas, le sens est vain. Il s'était remis à douter de tout. Et la vague s'abattît plus fort dans son dos. Ce n'était pas exactement comme un bruit, non plus comme un susurrement, ni même la sirène d'un phare. Quelque chose semblait crier. Quelque chose semblait crier à l'intérieur même de Loth Oscar Grimms. Quelque chose avait décidé de décaler les secondes, de les entre-choquer avant d'attaquer la mémoire. Cette chose avait d'abord clignoter, avant de se perdre et de se retrouver dans les méandres de l'arborescence.Quand enfin, le chemin fut clair, cette chose avait attaqué. Par à-coups, faible et fort, sans réelle distinction. Puis d'un coup le temps s'était mis à valser, il avait dansé avec la chose. Le Temps avait eu besoin de repos, et il avait pris le temps suffisant. Puis les deux ont continué leur course. Le temps contre lui-même et la chose envers Lottie. La chose n'était pas foncièrement son ennemi, et c'était ce qui boulversé le plus l'homme. Comment pouvait-il se battre contre quelque chose qu'il appréciait autant? Etait-ce réellement une guerre qui valait d'être menée? N'était-il pas finalement attaché à cet ami de l'invisible?

Il était vrai que la chose fût encombrante, Lottie le savais et s'en était parfois embarrassant. Il ne savait quand et comment elle prendrait son rôle mais il savait qu'importe sa volonté une fois implanté la chose jouait son rôle jusqu'au bout.

Cette fois, Loth Oscar Grimms sentait la chose imprégner les parois, se faufiler à travers les murs et plonger toujours un peu plus dans les mondes qu'il façonnait. La chose décidait finalement d'attaquer sans merci. A la lueur de sa détermination elle écrasait tout ce qu'elle trouvait. Elle pourfendait et abattait la mémoire et plongea l'hôte dans l'apathie la plus profonde. Ce fut une lutte acharner sans réelle autre rebondissement que les souvenirs.

Loth Oscar Grimms avait été témoin de l'atrocité d'une guerre à l'interieur même de son crâne.

Et depuis Loth Oscar Grimms courait après les secondes qu'il avait perdu.

Mais enfin, après ce qui se vivait comme une éternité, Loth respirait à nouveau à un rythme presque apaisé. Il avait à nouveau fait une crise, et dans la solitude de la pièce au mur gris il n'avait pas trouvé ses repères et ses armes. Il ne perdait jamais réellement ses combats, et très rarement il se refusait à la lutte. Mais cette fois, alors que son coeur avait faillie s'échapper, alors que ses poumons haletants n'avait pas su trouver l'air, il avait vu la chose gagner du terrain, mais surtout, il avait aperçu un bref instant tout ce qu'elle avait déjà conquis. Loth Oscar Grimms le savait, son temps et sa pensée étaient compté. Bientôt la chose gagnerai finalement, et bientôt son tour sera venu de quitter la Pièce.

Il ralentissait. Il réduisait chaque flux de pensée en fourmis et les regardait s'échapper. Il se contenta de les regarder sans les poursuivre, certain que peut-être il aurait le temps de les recouvrer, ou peut-être pas. Il se persuadait que sa vie n'était pas parcourir un maximum de ce qu'il sait déjà pour découvrir la suite, du moins plus dans la pièce. Dans la Pièce, il ne pouvait que déverser sa vérité, brutalement.

Loth Oscar Grimms reprit sa dictée mentale.

Moi aussi j'aurai voulu ne pas avoir à mourir.

Le Café-Librairie de Clarissa Dalloway et Sally Seton était un ensemble de pièce se pourchassant le long de grandes bibliothèques sans fond, ansi, il était impossible pour un voyageur des mots de ne pas visiter tout l'espace. Pourtant, de l'extérieur, une petite porte et de très larges vitres pour ce qui ressemblait à une simple librairie d'occasion de quartier, tout ça ne payait pas de mines. Clarissa Dalloway avait été enchantée de l'idée, personne tombant sur ce lieu par hasard ne pouvait être autre qu'observateur du monde. Bien trop commun, l'endroit se fondait dans le décors, il habillait l'immeuble dans lequel il était imprégné mais ne se démarquer pas, il ne faisait pas de vague. Il était là et cela suffisait. Sally Seton avait d'abord trouvé l'idée absurde que de transformer de simples murs et un vieux parqué en un Café-libraie, mais l'audace semblait tant plaire à Clarissa qu'elle accepta. Il leur avait fallu plusieurs mois pour finalement modeler le lieu à leur image. Le lieu se modifiait constamment et les deux propriétaires trouvaient insupportable les changements d'humeur que prenait le parquait au long des travaux. Néanmoins, tout tenait parfaitement droit, même la pile de livres coincée derrière le canapé étroit de la section Mythologie-Théâtre. Aucune des deux femmes n'avait su quand Ink avait investi les lieux, mais aucune ne s'était vraiment risqué à lui poser la question. Certains jours, alors que les lecteurs se faisaient discrets, les deux femmes s'amusaient à spéculer sur l'origine de ce vieux chat et sur son arrivé. Le vieux chat avait été théâtre des plus grandes histoires des deux femmes. Il avait également été parfois prétexte à la discussion. Car avant chaque tirade bouleversante le vieux chat se faisait acteur d'un nouveau rôle.

« Je crois qu'un jour, Ink vit un garçon marcher le long d'un couloir humide. Le long des murs de ce couloir il y avait des inscriptions faites de sang. Je pense que Ink a vu des professeurs de sorcelleries et de potions questionner un trio dont rien ne finissait le trouble. Je crois que Ink fut paralysé en voyant à travers l'eau du couloir, les yeux rouges d'un serpent. Je pense que c'est pourquoi il se vautre toujours en haut de la section fantaisie-adolescente quand nous sommes au mois de novembre. Je pense que là-bas, les mandragores attendent toujours. » avait dit Clarissa Dalloway un jour.

Elle n'avait pas vraiment réfléchit à ce qu'elle allait dire à Sally Selon. Elle s'était contenté de laisser les mots coulés, elle s'était senti reprendre des couleurs. Clarissa Dalloway annonça ensuite à son amante qu'elle avait acheté l'appartement au-dessus de leur paradis, et que plus jamais elles n'auraient besoin de vivre loin de l'odeur envoutante des livres du Café-libraire.

le léthéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant