– Le voilà, votre Spartacus, se renfrogne un homme aux cheveux rasés, de petite taille et trappu.
Les bras difformes de l'homme se balancent lorsqu'il marche, on dirait un gorille qui a fait de la musculation. Ses vêtements sentent une vieille odeur de moisi. Tout à coup, Axel a une absence. Merde, pas maintenant, se dit-il. Impossible de se souvenir du prénom de l'officier de police à l'allure simiesque. Au bout de quelques secondes, il ne se rappelle même plus pourquoi il est là.
– Je ... Qui êtes-vous ? demande Axel.
– Tu te fous de ma gueule ou quoi ? Je suis le Lieutenant Zemmou.
– On est où ?
– Eh ! Tes implants se mettent à jour ?
L'homme se met à rire bruyamment. Axel est pris d'une violente migraine. Il a l'impression de s'extirper d'un état de torpeur. Il se sent cotonneux, la tête dans le brouillard. Heureusement, quelques secondes plus tard, tout lui revient. Il est là pour interroger Spartacus. Le Grand soir, l'attaque planifiée, De Gaulle. Tout lui revient par bribes. L'homme qui lui fait face est secoué par un rire gras. Il s'agit de Louis Zemmou, le chef de la cellule du service de renseignements. Axel pense qu'il doit vraiment avoir l'air bête.
– T'aurais un thé ? Un thé noir s'il-te-plaît, demande Axel.
Il aurait donné n'importe quoi pour un bon café. Toutefois, ce produit est devenu très rare avec le temps. Comme tout le monde, il carbure au Gunpowder bon marché. Louis fait signe à l'un de ses hommes, lequel sort de la pièce. Un autre arrive. Il agrippe fermement un jeune homme au teint pâle et au regard livide. C'est Spartacus. On dirait un fantôme. Il a le teint pâle, son visage est horriblement have. Il ne doit pas manger à sa faim. Ses yeux sont cernés, ses vêtements sont froissés. Il a une sorte d'implant fixé au sommet de son crâne rasé.
– Assieds-toi là le sauvage ! grogne Louis, ordonnant au pauvre homme de prendre place. Il est à vous, se réjouit l'officier.
Louis se saisit d'une Smartab. Il s'agit d'un petit objet au design noir et or, portant le logo d'Amazon. L'appareil est doté d'un écran extensible et d'un projecteur holographique. D'un geste de la main, Louis agrandit l'objet et tapote sur un hologramme en trois dimensions. L'image est projetée au dessus de l'appareil. Des courbes statistiques et des onglets apparaissent dans le vide. Il décoche une case dans l'interface qui vient d'apparaître. Instantanément, les yeux de Spartacus se révuslent, sa tête part en arrière.
– Il est optimisé pour l'interrogatoire, se félicite Zemmou.
Axel trouve ce procédé inhumain. Le prisonnier est connecté à un réseau hybride, mi neuronal, mi digital. Toutefois, contrairement aux applications vidéo-ludiques ou liées au travail, ce procédé prend entièrement possession de l'esprit de la personne. Il viole l'intimité de la pensée et diffuse sous forme de sons et d'images toutes les pensées du prisonnier. Louis pose sa Smartab sur une petite table. Cette dernière est située juste à côté de la chaise sur laquelle est assis Spartacus. Une image aux proportions gigantesques apparaît instantanément, tel un mirage. Il s'agit d'une projection en réalité augmentée. Une voix étouffée grésille dans les hauts parleurs installés dans le murs de la pièce.
Je t'aime, susurre une voix féminine. L'image d'une belle femme métisse apparaît. Elle a des cheveux noirs longs et bouclés. L'image est d'abord floue puis devient de plus en plus nette. On croirait que la jeune femme est présente dans la pièce.
– Il a des bons goûts ce cochon, plaisante Zemmou.
Axel lui lance un regard réprobateur. La jeune femme sourit, elle a de belles dents blanches. Elle recule. La vision en contre plongée permet d'apprécier la perfection des courbes du corps légèrement bronzé. Elle porte une petite chemise rose. Lentement, elle la déboutonne en ondulant du corps. Axel se sent mal à l'aise. Il inspire et s'apprête à débuter l'interrogatoire. Louis pose sa main sur son épaule et un doigt sur sa bouche.
– Chut, laisse le encore quelques minutes dans sa réminiscence, ça devient intéressant.
La chemise de la jeune femme est à présent entièrement deboutonnée. Elle porte un joli soutien gorge noir. Le bonnet est translucide et laisse apparaître des tétons fermes. Les bretelles sont faites de dentelle.
– Putain, tu fais quoi de l'éthique ? s'insurge Axel.
– L'ethique on la nique ! Ce bâtard de chien mort a dézingué cinq des nôtres. L'un d'entre eux était mon pote ! Tu comprends ça ! Cette merde n'a plus aucun droit. Ça ne tiendrait qu'à moi, cette saloperie irait au data mining à perpétuité. Non, en fait je le buterais tout simplement.
– Je comprends, réplique Axel, mais j'ai une mission, si t'as envie de te faire du bien, va sur Youporn.
– Mouais, bah vas-y, perds ton temps si tu veux, l'augmenté. On a tiré de son esprit tout ce qu'il y avait à savoir, tu perds ton temps.
– Laisse-moi essayer, je suis venu pour ça.
– Ok, tu verras que j'ai raison, j'ai toujours raison.
L'agent qui était parti préparer un thé revient avec une tasse brûlante à la main. Les deux hommes laissent ensuite Axel seul avec le prisonnier.
Axel approche sa main de l'hologramme de l'interface de contrôle, désactive l'image dans un geste de pudeur. La brune venait de retirer son soutien gorge. Il ne ressent aucune excitation à la vue du splendide corps féminin, qui disparaît progressivement de la pièce, comme un fantôme. L'agent de police sélectionne une molette de gradation au-dessus de laquelle figure le mot inbound. Il sélectionne ensuite une fenêtres portant le nom de stratum 2 parmi plusieurs onglets . Il effectue ces gestes avec aisance et fluidité et pour cause. Durant sa formation, il a appris à utiliser le dispositif communément appelé Aletheia. Il s'agit d'une interface permettant d'accéder aux différents niveaux de conscience de l'être vivant qui y est connecté. Axel sollicite l'aide de l'assistant vocal. Un visage apparaît. C'est celui d'Alexa. Il se retourne et vérifie qu'il est bien seul.
– Bonjour Matricule 10246345321, salue l'hologramme, lequel est doté d'une voix aiguë et pleine de contrastes. On dirait presque une voix humaine.
– Bonjour Alexa.
– Que puis-je pour vous ?
L'apparence du visage de l'IA a été grandement modifiée depuis le déploiement de GPT-13. Ses yeux bleus azur paraissent renvoyer des émotions. C'est bluffant !
– J'explore la strate 2 du niveau de conscience du sujet. Je veux une extrapolation électrophysiologique.
Joignant le geste à la parole, Axel trace l'espace qu'il souhaite voir occupé par la projection. L'hologramme reprend la parole.
– Isolation des données du cortex V2 en fréquence stratum 2. Isolation des informations des données de l'aire auditive du lobe temporal en fréquence stratum 2. Désactivation de ...
– Mode silence, souffle l'homme agacé
L'interface affiche les autres opérations qui sont effectuées. Spartacus semble endormi. Il n'a toutefois pas sombré dans un état de sommeil. Il est placé en état de semi-conscience, un état que l'on appelait hypnose lorsque les neurosciences en étaient encore à leurs balbutiements.
L'IA permet d'accéder à cet état de conscience en se focalisant sur ce qui est communément appelé la stratum 2, un niveau d'analyse focalisé sur l'activité cérébrale en état modifié. Plus simplement dit, Spartacus n'est ni dans un rêve, ni dans le monde réel. Axel souhaite savoir qui est De Gaulle, le terroriste avec qui l'homme est en contact. Pour ce faire, il va rentrer dans la tête du prisonnier, pénétrer dans son esprit via l'interface informatique.
-Alexa, cible l'aire de Wernicke .
Une représentation d'un cerveau apparaît, effectuant une rotation à 360 degrés. Une petite zone est colorée en rouge. Il s'agit de la zone du cerveau qui associe les sons au langage. En ciblant cette zone, Alex a toute l'attention du sujet.
– Ecoute-moi, Spartacus, tu vas penser à la Resistance et à tous les évènements liés à De Gaulle.
Une icône complexe apparaît à proximité de l'interface de contrôle. Le message est transmis.Axel place une sorte de petite couronne sur sa tête. Elle est constituée de plusieurs petits filaments métalliques qui s'entrecroisent.
– Alexa, connecte-moi.
Axel est prolongé dans le noir et l'obscurité. Progressivement, un point de lumière se forme, ensuite une image, puis des sons. Il est dans l'esprit de Spartacus...
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Après la fin
Aléatoire2029, la société s'est effondrée. Dans une petite maison en périphérie de la ville, Anna 25 ans prend soin de sa mère malade. Recluses, les deux femmes survivent tant bien que mal grâce aux réserves de nourriture constituées avant le grand boulever...