Chroniques du royaume d'Asténia

Chapitre 5 : La fin d'une vie paisible

Le soleil était déjà levé depuis quelques heures dans le petit village de Vallonna et il s'animait lentement. Les quelques échoppes présentes frétillaient d'activités. Le boulanger commençait déjà sa deuxième fournée de pain de la journée dans l'arrière boutique pendant que sa femme et sa fille vendaient ceux cuits à l'aurore. Les pécheurs étaient déjà partis en mer et pendant ce temps là, leurs femmes vendaient ce qui avait déjà été péché et les autres nettoyaient les poissons fraîchement rapportés. La mer était calme. Le vent du large s'engouffrait entre les maisons, apportant cette douce odeur d'iode et d'algues que l'on sent lorsque l'on se rapproche des côtes.

Le port était la principale activité de ce petit village sans histoires, composé pour sa majorité de familles de pécheurs qui de générations en générations, transmettaient leur savoir à leurs enfants. Dans un autre coin du village résonnait les coups du marteau du forgeron battant le fer sur l'enclume. L'homme plongea la lame encore brûlante de l'épée qu'il était en train de forger dans l'eau froide. De la vapeur d'eau s'en dégagea, puis forma une sorte de brouillard dans la pièce durant quelques instants. Il appela ensuite son fils qui se trouvait à l'étage.

- Matt, tu peux descendre s'te plait ? J'ai du travail pour toi.

- Oui p'pa j'arrive !

Le garçon descendit les marches irrégulières quatre à quatre dans un affreux mélange de bois qui craque et grince. Le forgeron serra les dents et marmonna qu'il en avait marre de répéter à son fils d'aller plus doucement.

- Matt, tu veux bien aller me chercher ma commande auprès de ce brigand de marchand ?

- Oui bien sûr p'pa, je file.

Deux semaines étaient passées depuis que Matt avait rendu visite à Ewiliam dans le vieux temple. Il n'y était retourné que deux fois depuis pour tenir compagnie au vieil homme. En échange il avait pu approfondir ses connaissances notamment en lecture.

Le garçon avait enfilé en vitesse sa tunique et ses bottes, avait pris l'argent nécessaire pour acheter ce dont son père avait besoin et parti vers la place du village. Il parcourut les rues d'un pas léger, sifflotant. Il arriva vite à cette place car le hameau ne devait compter qu'une trentaine de maisons. Les odeurs familières du marché l'assaillirent. C'était le cœur vivant du village, tous les jours les étales des commerçants y prenaient place. Tout le village s'y retrouvait, on y discutait des dernières nouvelles du royaume, les commerçants étant le plus au courant grâce à leurs nombreux voyages.

Matt chercha du regard l'homme qu'il connaissait bien. Il le repéra parmi la foule en train de discuter avec un client devant son étale. Il se dirigea vers lui et attendit que le client soit parti pour prendre la parole.

- Salut vieille crapule, toujours vivant ? Je viens chercher la commande de p'pa. Tu l'as ?

- Bien sur p'tit gars, tu me prends pour qui ? Et toi t'as l'argent ?

- Oui ça fera combien ?

- 1000 drakes, avança-t-il.

- Quoi ? (Matt prend un air faussement outré). 750, p'pa m'ai dit que ça ne valait pas plus...

- Je reconnais bien là ton père, vous voulez me ruiner ou quoi ?! 950 pas moins.

- 800 car tu sais tout comme moi que tu gonfles les prix.

- 900, j'ai une femme et des gosses à nourrir moi.

- 850, arrête ton baratin, tu n'as jamais eu de femme pendant plus d'une semaine, va savoir pourquoi, dit Matt en le regardant avec un grand sourire.

- Sale garnement ! Va pour 850 et que le démon t'emporte ! Lança-t-il en mimant la colère.

Le garçon repartit chez lui le sourire aux lèvres.

Le soleil venait de se coucher depuis environ une heure. Un calme serein régnait dans les campagnes. Seul la lumière, des voix et des rires provenant de la maison du forgeron venaient perturber ce calme. Une quinzaine de personnes étaient rassemblées dans la grande pièce spécialement aménagée pour l'occasion. Gisela, la mère de Matt, finissait de cuisiner avec son mari qui l'aidait comme il le pouvait pendant que les invités prenaient place autour de la grande table.

Matt venait alors de fêter son dix-septième anniversaire et ses parents avaient invité les amis de la famille pour venir festoyer. Les conversations allaient bon train, les odeurs venant des fourneaux avaient vite envahi la pièce et les invités réclamaient la maîtresse de maison. Les mets tant attendus furent alors servit, ses parent tenaient toujours à faire les choses en grand lors de ce genre d'occasion. Il y avait assez de nourriture pour nourrir Matt et ses parents pendant plus d'une semaine. Saumons, cabillauds et thons fraîchement péchés côtoyaient de la viande et des légumes variés. Une petite fortune avait due être mise de côté pour pouvoir payer ce repas.

Un ami prononçât un petit discours puis Matt ouvrit les quelques cadeaux qu'il avait reçu. Une petite dague, la lame à peine courbée, possédait une magnifique garde gravée. Elle ressemblait pourtant à une dague banale au premier coup d'œil mais il y avait un véritable travail derrière. Mais le plus beau cadeau fut une épée, la première que reçu Matt, parfaitement équilibrée et forgées dans la plus solides alliance de métaux. Elle s'adaptait à la main de Matt comme si elle faisait alors partit de son propre corps. Après l'avoir examinée avec précision, Matt monta sur la table et pris la parole :

- J'aimerai remercier chaque personne se tenant autour de cette table et je lève mon verre à votre santé. Que la fête continue !

Et elle continua jusqu'à tard dans la nuit. Le lendemain matin, après que les invités furent reparti et que la maison retrouva son calme habituel, le père de Matt pris son fils à part.

- J'ai quelque chose d'important à te révéler, je m'excuse sincèrement auprès de toi, Matt pour ce que je dois te dire, mais je te dois la vérité... Matt je...

Des coups frappés à la porte interrompirent son discours, la mère de Matt se leva et allât ouvrir. Un homme du village entra alors avec précipitation dans la pièce, il respirait comme une personne ayant courut pour venir jusqu'ici, le souffle rapide.

- Matt, un homme du nom d'Ewiliam te cherche, il vient d'arriver au village, il est blessé. Il m'a dit de venir te chercher avant qu'il soit trop tard. Viens suis moi, il ne lui reste pas longtemps à vivre...

Matt dit à ses parents qu'il leur expliquerait après en détails. Il suivit l'homme à travers le village jusqu'à une des dernières maisons à la limite du village. Il rentra dans la pièce où se trouvait Ewiliam. Le vieil homme était allongé sur la table de la cuisine, il avait l'air très fatigué, une compresse sur l'abdomen et le "médecin" du village se tenait déjà à ses cotés. On pouvait lire dans le regard du guérisseur que son patient ne passerait pas la nuit... Le garçon se rapprocha de lui et quand Ewiliam le vit, il lui prit et le bras fébrilement et prononça d'une voix horrifié :

- Ils arrivent,... Ils arrivent ! Tu dois fuir Matt, la mort est en marche !