Art dramatique

7 - Enchanté

Je ne sais pas quoi faire de moi-même. Je suis nerveux au possible. Mes mains, mes bras me semblent inutiles et trop encombrants. Lisa est belle, bien trop belle, je n'arrive pas à me concentrer. Pourtant, sa conversation est intéressante. Parce qu'en plus d'être sublime, elle est intelligente. Est-ce que Freydis a raison ? Pourquoi une fille comme elle s'intéresserait à moi ? Pourquoi est-elle célibataire ?

- J'aime beaucoup tes cheveux.

Je cligne des yeux, surpris, et me demande si j'ai bien entendu. M'a-t-elle complimenté sur mes cheveux ? On ne dirait pas le genre de femme qui complimente un prétendant. Et puis merde, pourquoi ai-je autant d'idées reçues sur elle ?

Je décide de taire la petite voix dans ma tête et de profiter de la soirée. Je ne la connais pas, je n'ai pas à supposer quoi que ce soit sur elle.

Face à moi, elle rougit et baisse les yeux. Elle semble regretter ce qu'elle vient de me dire. Pourquoi n'ai-je pas répondu ? Quel gros débile.

- Merci. J'hésite à les couper, en fait.

J'ai juste fait un man bun, mais j'ai effectivement une belle qualité de cheveux. Au moins ça.

- Pourquoi ? Parce que c'est embêtant à entretenir ou parce que tu as envie de changement ?

Bonne question. Moi-même je ne sais pas quoi répondre. J'en ai juste envie.

- Je pense que tu dois avoir plus de mal que moi, pour entretenir les tiens.

Merde ! Elle va croire que je trouve ses cheveux mal entretenus. Ce n'est pas le cas, ils sont très beaux. Je me mords les lèvres, nerveux, mais elle comprend bien mon message et me sourit gentiment:

- Oui, ça me prend du temps. Je les tresse avant d'aller coucher pour éviter les noeuds.

Et voilà qu'on parle de coiffure, maintenant. Je me souviens avoir passé une partie de mon adolescence à tresser mes cheveux. Ça m'allait plutôt bien mais ma mère trouve que ça ne fait pas prince de tresser ses cheveux.

Le serveur nous interrompt pour prendre nos commandes. Lorsqu'il nous quitte, un blanc gênant prend place. Nous ne savons pas de quoi parler, nous nous connaissons à peine. Un dîner était peut-être trop ambitieux pour une première rencontre. Elle semble le lire dans mes pensées et me confie:

- Le cadre de ce premier rendez-vous est peut-être un peu trop...

Elle cherche ses mots, ne semble pas trouver. Le norvégien n'est pas une langue facile. Je décide de l'aider.

- Non, c'est bien.

Je ne sais pas quoi ajouter d'autre et elle hausse les épaules.

- C'est que les journalistes m'embêtent beaucoup. Ici, je suis tranquille.

Moi, j'ai l'habitude. Mais elle a peut-être honte de fréquenter un handicapé. Ou peut-être qu'un homme l'attend en Belgique et qu'elle ne peut pas se permettre d'être vue avec un autre. Les possibilités sont multiples.

- Ivar ?

Je sors de mes pensées et repose les yeux sur son visage harmonieux. Elle pourrait être avec quelqu'un d'autre en ce moment. Un homme fort et capable de la soulever dans ses bras ou de la plaquer contre un mur. Peut-être même un de mes frères. Je sais que Ubbe aime la musique classique.

- Tu... tu ne passes pas un bon moment ?

Elle semble peu sûre d'elle.

- Pourquoi, Lisa, tu veux passer la soirée avec un infirme ?

Elle ouvre la bouche, saisie, et ne dit rien. Je sens la colère et la peur monter. Qu'est-ce qu'elle me veut, à la fin ?

- C'est... tu m'as invitée. Tu m'as donné ton numéro de téléphone. Je croyais que...