Chapitre 1-1

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« Maisons en feu, animaux en fuite.

Que restait-il après leur passage ? Des monticules de terre recouvrant les corps, et personne pour les pleurer. Quand nous sommes enfin arrivés, il n'y avait rien que nous ne puissions sauver.

Comme une nuée de sauterelles, ils sont passés sur ces terres et en ont ôté toute vie.

Loch Marc'hant nous enseigne la résilience, mais que faire face à une telle horreur ? »

Carnet de guerre - Chambre des Sages

Chap.1

En une nuit, la neige avait tout recouvert. Quelques grands arbres s'étaient déchargés des particules blanches qui les avaient habillés des heures auparavant, laissant apparaître leurs branches noires, squelettiques. Pour le plus grand nombre, le vent froid s'était chargé de figer la neige sur leurs écorces. De part et d'autre de ce qui restait du sentier, les arbres formaient un écran sombre où la neige apportait juste assez de clarté pour rendre les lieux moins lugubres.

Chaque hiver, le froid rappelait à Elouan pourquoi on avait appelé cette partie de la Tobrea les Plaines Blanches. Et chaque fois qu'il quittait Illess pour vendre le fruit de son travail de tannage, il se réjouissait de descendre un peu dans le sud, laissant derrière lui le froid et la neige. Les rares fois où il était descendu à Ternoc ou même Tileda, il n'avait été que trop content de rencontrer une chaleur que certains auraient jugé d'insupportable. Mais, pour lui qui n'était pas natif d'Illess, ces voyages dans le sud étaient comme un retour aux sources.

La croûte supérieure de neige qui avait gelé pendant la nuit craqua sous ses bottes fourrées. Une chance qu'il connaisse bien le chemin, pour l'avoir pratiqué plusieurs fois dans l'année ! Car, à présent, le sentier n'était perceptible que par les yeux avertis de quiconque saurait reconnaître les signes d'un chemin créé par l'homme. Raison pour laquelle, en hiver, peu de personnes parcouraient ces sentiers. Même si la ligne rocheuse de la chaîne du Forgat était un bon point de repère, la forêt de grands arbres qui l'entourait pouvait devenir un piège pour ceux qui avaient le malheur de perdre le chemin des yeux.

En quittant son atelier, Elouan ne pensait pas rencontrer la neige sur sa route. Cette année, l'hiver s'était installé rapidement, surprenant tout le monde, Elouan le premier. Il avait quitté son atelier depuis six jours alors que les températures étaient encore douces, prenant avec lui une couverture, ses deux grandes besaces pleines à craquer de peaux, un sac pour sa nourriture et des toiles huilées pour protéger ses peaux de la pluie. Mais tout cela ne lui avait été d'aucun secours face au froid qui lui mordait constamment le visage et les mains depuis trois jours.

Elouan souffla sur ses mains pour les réchauffer et rabattit un peu plus le capuchon de sa cape sur sa tête. Il n'était pas mécontent d'avoir trouvé une chambre dans une auberge à son passage dans la dernière bourgade. Passer la nuit sous la neige n'était jamais une perspective très agréable. Les deux premières nuits avaient été supportables et la troisième, intenable, malgré le feu qu'il avait allumé. Il n'en avait pas fermé l'œil. A la quatrième, il s'était résolu à trouver un abri où dormir. L'étable d'une vieille ferme abandonnée avait très bien rempli son rôle. Le toit était encore en bon état et les boxes formaient des coupe-vent idéaux.

Quand, la veille, il avait enfin atteint Galdi, l'auberge Aux quatre chemins s'était révélée la bienvenue. Il avait été accueilli dans la salle commune par une femme. Une dizaine de personnes occupaient déjà les lieux. L'aubergiste ne dépassait pas le garçon. Elle avait plissé les yeux d'un air dédaigneux tout en scrutant le jeune tanneur et ses paquetages.

L'héritage de DoanacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant