Chapitre 5-2

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Au loin, elle entendit Canaille aboyer. Angoissée, elle le regarda brièvement. Il avait les oreilles couchées et la queue entre les pattes. Sa peur faisait écho aux craintes de la fillette.

- Elou, il faut partir... !

En hâte, elle le secoua et essaya de l'aider à se redresser. La voix de Theona était couverte par le bourdonnement assourdissant qui lui déchirait les tympans.

Au cœur de ce son, il discernait à peine de vagues notes émergeant de la des débuts. Comme un appel à l'aide, celle-ci tentait de se raccrocher à sa conscience, brisant ses pensées. Impossible de réfléchir correctement. Elouan se tordit de douleur. À demi conscient, il se remit à fredonner, maladroitement, d'une voix érayée.

Agrippant les branches basses d'un arbre, il tenta de se redresser. Il fallait que cette torture cesse. Il tourna la tête pour repérer l'ours et le couple de loups. Tant bien que mal, il se fit violence pour se placer entre eux et Theona. C'est alors qu'il remarqua l'étrange comportement des trois animaux. Tandis que la douleur lui volait peu à peu sa lucidité, les prédateurs se mirent à adopter des attitudes singulières.

L'ours, plus agressif, cherchait à les attaquer sa cousine et lui. Les loups l'empêchaient de passer et faisaient barrage. Non, ce n'était pas exact. Un des loups provoquait le plantigrade en lui mordant les pattes arrière afin de le détourner des jeunes. Le second loup, plus nerveux, claquait des dents et grondait, tantôt contre l'ours, tantôt contre Elouan, oscillant entre sa volonté de faire fuir le grand carnivore et l'envie d'attaquer le garçon.

Tous trois avaient une chose en commun : la peur et chacun réagissait à sa façon face à elle. L'ours cherchait à se débarrasser de sa source contrairement aux loups qui souhaitaient la protéger afin qu'elle diminue. Quant à Canaille, il avait fui, abandonnant les enfants.

Secouée par les émotions, Theona était à deux doigts de fondre en larmes, persuadée que leur dernière heure était arrivée. Les ultimes bribes de conscience d'Elouan s'évanouirent tandis qu'il se raccrochait à la complainte. Ses tourments devinrent insoutenables. A bout de souffle, il tomba à genoux. Inspirant à grand peine, il enfonça ses doigts dans la terre afin de garder un semblant d'équilibre.

- Dorvagh... Prononça-t-il dans un murmure étranglé.

Voyant là une opportunité, l'ours chargea le garçon. Epouvantée, Theona tomba à la renverse en poussant un cri déchirant et l'un des loups se rua sur l'animal qu'il saisit à la gorge tandis que son compagnon de meute s'en prenait à son échine.

Elouan... !

Une voix brisée, comme émergeant du lointain, parvint jusqu'aux lambeaux de sa conscience.

El... Elouan, arrête...

Désespéré, Elouan se raccrocha à nouveau à cette voix. Il rassembla péniblement ses pensées et produisit des sons inaudibles pour sa cousine.

Dorvagh ! ... que se passe-t-il ?

Romps le lien !

Non... ! Dis-moi où tu es. Je peux t'aider...

Il est trop tard pour moi. Romps le lien ou la résonnance te tuera...

Elouan sentit à nouveau ses pensées lui échapper. Il percevait à peine les rugissements et les grondements des animaux qui luttaient à quelques pas de lui.

Non... je... peux... encore le... supporter...

Romps le lien !

Je t'ai dit... non... !

L'héritage de DoanacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant