Chapitre 5-1

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« Ils se sont dévorés entre eux.

Ils ne sont pas immortels, malgré l'impression d'invincibilité qu'ils dégagent. Quand nous parvenons enfin à en mettre un à terre, les autres emportent son corps ou le dévorent.

Je ne comprends pas... Pourquoi cette barbarie ? »

Carnet de guerre – Chambre des Sages

Chap. 5

Dans les bois, Canaille avait rattrapé le garçon. Sa présence n'étonna pas Elouan qui connaissait bien les tactiques de Dellwina pour le contraindre à céder. Si Elouan tardait à revenir, elle enverrait Fripouille à sa poursuite et elle n'hésiterait pas à le trainer de force à la maison, si besoin. En quelque sorte, Canaille constituait un avertissement et s'il ne voulait pas d'ennuis, il devait rentrer maintenant. Le chien connaissait d'ailleurs parfaitement bien sa tâche. Parvenu à sa hauteur, il dépassa le garçon et se posta devant lui pour l'inviter à changer de direction. Et il agirait ainsi jusqu'à ce qu'Elouan opère un demi-tour. Il n'était, pourtant, pas question pour lui d'obéir ! Il ignora les manœuvres de Canaille mais celui-ci ne se découragea pas. Il procéderait ainsi autant de fois que nécessaire. Elouan le savait mais il poursuivit néanmoins sa route en le contournant à chacun de ses agissements.

Les paroles de sa tante et les mots lus plus tôt le hantaient. Il bouillonnait de colère. Plus aucune de ses déclarations ne lui semblaient véridiques. Il ne souhaitait plus croire en elles. Si Dellwina et son oncle lui avaient menti sur un sujet aussi important, que lui cachaient-ils d'autres ? La confiance qu'il avait en eux s'était émoussée. Et une seule évidence s'imposa à lui : s'il voulait des réponses, il ne pourrait les obtenir que d'une seule façon : il lui faudrait s'adresser à une source fiable. C'est dans ce but qu'il s'enfonçait de plus en plus dans la forêt pour gravir la crête et atteindre son point culminant.

Le cœur lourd, Elouan commença, tout doucement, à fredonner. Ce furent d'abord quelques notes de musique formant à peine une mélodie. L'œil toujours sur le chien, il se concentra sur l'écho de sa voix puis ralentit l'allure, plus attentif à chaque son. Le sifflement du vent dans les arbres, le bruissement des feuilles, la respiration de Canaille et... derrière lui, proche, le bruit léger de pas. Il se retourna aussitôt et fit sursauter et trébucher la personne qui le suivait. La fillette, tombée en avant, s'était reçue sur les mains, les genoux dans la boue. À terre, elle eût toutes les peines du monde à retenir des larmes de frustration à la suite de sa chute.

- Theona ! Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda-t-il en revenant vers elle.

- Je t'ai suivi... prononça-t-elle doucement, les yeux humides.

- Ça, je le vois bien, oui ! Tu peux me dire pourquoi ?

Elle fit la moue, tournant la tête pour ne pas affronter le regard de son cousin. Il la considéra un instant, puis soupira et l'aida à décoller les feuilles mortes restées sur sa robe, à présent brune et bleue. Depuis la présence de la fillette, le chien décrivait tranquillement des cercles autour d'eux.

- Rentre Theona. Si ta mère s'aperçoit que tu as disparu, elle va encore s'affoler et sera très mécontente !

- Ce n'est pas grave. C'est ici que je veux être.

- J'imagine son expression... Souffla-t-il avec un léger sourire.

Comme pour se moquer de sa mère, la petite afficha un large sourire et échangea avec son cousin un regard complice.

- C'est d'accord, tu peux me suivre, abdiquât-il avec le sourire.

À ces mots, le visage de la fillette se mit à rayonner d'une satisfaction non dissimulée. Elouan reprit son chemin et elle le suivit. Plus ils progressaient dans la forêt et plus les arbres se clairsemaient.

L'héritage de DoanacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant