Chapitre 2-3

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Daï observa chacun d'eux avec attention. Leurs attitudes trahissaient leurs sentiments : indifférence, agacement ou provocation. Le Tigre blanc fut le premier à prendre la parole.

- Petits Seigneurs, merci de vous être déplacés pour cette réunion. Comme vous le savez déjà, nous sommes tous assemblés ici pour débattre du sort des réfugiés sur nos Plateaux. L'hiver est là et nous ne pouvons pas laisser ces gens sous des tentes de fortune.

- Nous ? Souligna le seigneur Virbaz. Entendez bien ! Je suis venu uniquement pour voir celui qui a occis le seigneur Torz. Mes terres sont les plus éloignées de Mett, au-dessus de Kerkel, en dehors des étendues de Houriann, au nord. Votre problème de réfugiés ne m'atteint pas ! Aucun d'eux ne s'est présenté à mes portes.

- Pour le moment ! intervint Dozhwal. Cet exode ne s'arrêtera pas à Houriann. Et Mett ne peut pas accueillir toutes ces âmes, dit-il sur un ton faussement concerné.

- Vous vous posez en victime, Seigneur Dozhwal ! Protesta l'un des Petits Seigneurs. Le périple de ces gens les a amenés à vos portes car ils savent que vos réserves sont pleines, contrairement à nous autres, au nord !

- Les habitants de Mett ne meurent pas de faim ! Poursuivit un autre.

- Les dépôts de la ville contiennent juste assez pour passer les mois qui viennent avant les prochaines récoltes. Nous ne pouvons-nous permettre de les distribuer ! Parce que dans ce cas, la population de Mett crierait bientôt famine !

- Très bien ! alors qu'allons-nous faire d'eux ? Demanda Farzenn, Petit Seigneur à l'est de Houriann.

- Envoyez ces miséreux à Kadarn et faites-les embarquer sur des bateaux pour Kenolac et vous en serez débarrassé, proposa Virbaz.

- Les princes de sang pratiquent l'esclavage là-bas. Ils ne seront plus jamais libres s'ils posent un pied sur ces terres, protesta Dai.

- Mieux vaut l'esclavage que la mort ! appuya Farzenn, pragmatique.

- Vous connaissez pourtant tous la réputation des princes de sang. Ce ne sont pas leurs peuples qu'ils envoient sur les champs de bataille dans leurs guerres incessantes, mais leurs propres esclaves ! Leurs terres sont rougies par le sang de tous les esclaves tués au combat. En les envoyant là-bas, vous signez leur arrêt de mort.

- Voyez-vous ça ! Notre jeune tigre voudrait nous faire croire qu'il se soucie du bien-être des réfugiés ! lança de manière sarcastique Urzva, Petit Seigneur de Kerkel. Bien que vous fassiez partie de l'Alliance et que le Tigre Blanc vous ait adopté, cela ne change en rien le fait que vous soyez un Oublié ! Nous connaissons tous aussi très bien la réputation des Seigneurs de l'Oubli. Les Oubliés sont des marchands de mort ! Vous n'êtes donc pas en droit de critiquer nos manières d'agir !

Daï se contint difficilement de laisser éclater sa colère et l'envie d'abattre son poing sur la table le démangeait terriblement. Car Urzva avait volontairement appuyé sur ce point sensible. Même au sein de l'Alliance de Shenkeol son adoption par le Tigre ne faisait pas l'unanimité. Le jeune homme examina rapidement la garde postée derrière chaque Petit Seigneur. Son emportement, serait, sans nul doute, considéré comme une menace : ils n'hésiteraient pas à dégainer leurs armes pour le protéger et la situation pourrait tourner au désastre. Daï inspira profondément afin de recouvrer son calme. Dans bien des circonstances, le fait d'être un Oublié avait joué en sa faveur et il ne pensait pas qu'il en serait autrement ici. Pour l'heure, il se devait de préserver la réputation de la Guilde. Il se recentra alors sur l'objectif de leur mission : les réfugiés.

Dozhwal s'amusa de la réaction du jeune homme.

- Fils du Tigre, vous êtes jeune et plein de fougue. Je comprends votre sollicitude vis-à-vis de ces miséreux. Mais ces gens du sud ne sont pas venus sur les Plateaux Arides pour recevoir une quelconque aide de la part des pauvres Petits Seigneurs que nous sommes ! Ils sont venus pour vous, pour l'Alliance. Ici, nous n'avons rien à leur offrir si ce n'est froid, gel et famine. Beaucoup mourront certainement de froid ou de faim avant le printemps. A moins que...

L'héritage de DoanacOù les histoires vivent. Découvrez maintenant