La pluie qui frappe contre les carreaux de la salle de classe, les voitures embouteillées qui klaxonnent en contrebas, le tonnerre qui gronde à chaque fois que le professeur s'interrompt...Il n'y a plus de doute possible: nous sommes en Automne.
L'Automne, cette horrible saison des galas en tout genre, auxquels je serais forcée d'assister. Cette saison où mes cheveux bouclés frisent bien plus que d'habitude et qu'un lisseur ne peut discipliner — j'entends déjà mon père hurler.
Cette saison qui ouvre sur une nouvelle année scolaire, durant laquelle je devrais supporter les regards insistants et maladroits des élèves et des professeurs. Tout ça parce que je m'appelle Delaunay. Pardon, excusez-moi: Azhlei Delaunay. Vous ne connaissez pas plus bourge comme nom, n'est-ce pas ? Moi aussi je déteste mon nom. Je déteste l'automne. Et je déteste mon père.En cette horrible période, je peux au moins compter sur la présence de ma voisine de table et seule amie, Eugie.
Je jette un œil sur son cahier. Elle est encore en train de dessiner en plein cours d'histoire de l'art. C'est vraiment une manie.
Moi aussi j'aime dessiner, mais je sais à quel point les professeurs des Beaux-Arts peuvent se montrer strictes.
Le professeur fait le tour de la classe en vantant les mérites de Botticelli, ça m'étonnerait qu'il ne la remarque pas.
Insouciante, elle poursuit son dessin en y ajoutant un peu de couleur au bic rouge. Mon binôme est un vrai petit génie mais j'aimerais vraiment qu'elle évite d'attirer l'attention sur nous.
Au moment où cette pensée me traverse l'esprit, Mr.Martins s'arrête de parler. Je remarque bien qu'il louche péniblement sur la feuille d'Eugie, qui est bien trop concentrée sur son chef-d'œuvre pour s'en soucier.
— Mlle.Pinto.
Toute la classe se tourne dans notre direction.
Et merde.
J'attrape le manuel qui se trouve devant moi et fait mine d'être plus intéressée par le contenu que par ma voisine sur le point d'être sermonnée. Cette dernière lève à peine les yeux vers Martins, avant de replonger dans son gribouillage.
— Combien d'heures de colle, Mr Martins ? lui demande-t-elle sans bouger les yeux de sa feuille.
Il se racle la gorge avant de remonter ses lunettes sur son nez. L'effronterie d'Eugénie n'a pas l'air de bien passer.
— Vous n'êtes plus au lycée, Mlle Pinto. Vous resterez à la fin du cours pour qu'on discute de votre...étourderie.
Ma voisine de table ne bronche pas et finit même son dessin avec un sourire satisfait. Dès que le cours reprend et que les têtes se tournent enfin vers le tableau, je rabats le manuel sur la table avec agacement.
— Si tu veux te donner en spectacle, peux-tu au moins le faire quand je ne suis pas à côté de toi ? je lui murmure en feignant de chercher quelque chose dans mon sac.
— Lâche-moi un peu la grappe Azhlei. Je n'y peux rien si ce gars ne comprend rien à l'art. S'il était un artiste accompli, il ne travaillerait même pas comme prof.
—Il enseigne aux Beaux-arts. Pas dans un lycée, abrutie-
Ma voix s'emporte un peu sur la dernière note. Lorsque les yeux de Mr.Martins se posent à nouveau sur nous, je feins l'innocence. Eugie lui envoie un baiser désinvolte. Sa mâchoire se contracte, mais il détourne le regard. L'ignorance est parfois le meilleur des mépris.
Le professeur annonce la fin du cours et tout le monde se rue dehors. C'était le dernier module de la semaine et nous sommes enfin en week-end: grosse soirée étudiante en perspective. Soirée à laquelle je ne participerais pas, évidemment. Mon paternel à d'autres plans pour moi.
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MA PRÉCIEUSE
RomanceAzhlei n'est autre que la fille de Robert Delaunay, directeur de la célèbre fondation d'art du même nom. Alors que d'autres rêvent de sa vie, Azhlei fait tout pour échapper à la prison doré dans laquelle son père essaye de l'enfermer. Ce monde de p...