Nous sommes déjà dimanche, le week-end est passé à une vitesse grand V. Ce matin, aucune présence des policiers dans les couloirs de la maison. C'est un soulagement, cependant la mansarde est condamnée jusqu'à ce qu'il termine leur travail pour que les travaux puissent commencer. Autant dire que je suis dans une merde noire. Une grande partie de mes projets scolaires se trouvent là-haut. Il va falloir que je trouve une solution assez rapidement si je veux réussir mon année et je préfèrerai éviter de devoir travailler ici, sous l'œil aiguisé de mon père.
En parlant de lui, je manque faire demi-tour en le voyant attablé au comptoir de la cuisine, un café et un journal en main.
— Tu te lèves tôt ce matin. Tu n'aurais pas du dormir toute la journée d'hier, me fait remarquer mon père en jetant un œil par-dessus son journal.
— J'ai natation.
Il hausse un sourcil.
— N'as-tu rien d'autre à faire ?
— Oh bien sûr je pourrais peindre, je lui rétorque, confiante, en vérifiant ma manucure. Mais je n'ai pas le droit, alors je préfère dormir et faire la seule activité que tu m'autorises à pratiquer.
— Je ne t'ai jamais interdit de peindre, me contredit-il en posant sa tasse de café sur le comptoir un peu trop fort.
— Désolé, mais quand tu passes ton temps derrière mon dos à dire "la peinture ça sert à rien", "encore un passe-temps inutile" ou encore "Je n'aurai jamais dû enfanter une artiste", je n'ai pas l'impression d'avoir ton parfait accord. Sur ce bonne journée.
Il ouvre la bouche puis la referme avant de prendre une gorgée de café en me lorgnant d'un mauvais œil. Je n'y fais plus attention car j'y suis habituée, alors je rajuste mon sac sur mon dos et quitte la maison. Je salue Jeanne qui passe le balais dans l'entrée, souhaite une bonne journée à Mehdi et son collègue Léon, puis fonce droit jusqu'à la voiture, où Drew m'attend patiemment.
*
Aquasia est une très grande infrastructure. C'est avant tout un Parc aquatique mais depuis qu'il a été racheté par un milliardaire saoudien, la clientèle s'est rarifié pour ne laisser place qu'à l'élite. Des cours de natation (parfois d'ordre olympique) y sont donné toute la semaine. Il ne m'est donc pas rare de croiser des associés de mon père. Heureusement pour moi, ils ne savent pas que je suis censée avoir des cours de natations une à deux fois par semaine. Mon père leur fait croire que je m'adonne exclusivement à l'étiquette d'une femme d'affaire affirmée. Pas que je patauge dans une piscine pour passer le temps.
Je suis accueillis chaleureusement par l'hôtesse qui fait semblant de savoir qui je suis. Le personnel d'ici tourne tellement qu'aucun n'a réellement le temps de me connaître vraiment. Ils font tous semblant et dans un sens tant mieux. Ainsi, je peux mieux préserver mon petit secret.
Après être passée au vestiaire pour enfiler mon bikini, je descend jusqu'au bassin où les cours sont généralement donnés. Mr Lois, le quinquagénaire au sourire colgate et en train de donner son premier cours de la journée. Celui auquel je suis normalement inscrite. Lorsqu'il me voit de l'autre côté du bassin, munie simplement de mon maillot et d'une serviette, il comprend qu'il est temps de s'éclipser momentanément.
*
Je le défi avec mon sourire machiavélique et attend sa réponse.
— Votre père me paye grassement pour vous donner cours, Mlle Delaunay.
Nous sommes tous les deux enfermés dans l'ancien vestiaire des hommes. Ça pue l'humidité et il y fait sombre, mais ici, personne ne viendra nous interrompre.
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MA PRÉCIEUSE
RomansaAzhlei n'est autre que la fille de Robert Delaunay, directeur de la célèbre fondation d'art du même nom. Alors que d'autres rêvent de sa vie, Azhlei fait tout pour échapper à la prison doré dans laquelle son père essaye de l'enfermer. Ce monde de p...