Mars
Tout a commencé lorsque j'ai ouvert les yeux le matin du premier mars, il y a tout juste un an. Comme a mon habitude, je me suis levé avec lenteur, appréhendant la journée de travail qui m'attendait. Je me suis rasé, puis regardé longuement dans la glace, toujours avec les mêmes questions qui trottaient dans mon esprit. Qui suis-je? Quel est mon destin? Que vais-je devenir? Je ne suis jamais parvenu à y répondre.
Et puis, j'ai été stoppé net dans mes réflexions par une douleur fulgurante, dont j'ignorais l'origine, à la naissance de mon épaule gauche. Je n'y ai pas prêté plus d'attention que cela. Mais lorsque les élancements ont commencé à se faire encore plus perçants et de moins en moins espacés, j'ai décidé d'aller consulter.
L'annonce du médecin m'a glacé le sang. Mon petit cœur, ma tour de contrôle était malade. Il ne me restait plus tant de temps que cela à vivre. Une année tout au plus. J'allais être contraint de quitter ce monde prématurément. Moi, Demos Invicta, je me fanais peu à peu pendant que la maladie s'épanouissait en moi à grande vitesse. Apparemment, c'était génétique. Je me suis alors félicité grandement de ne pas avoir d'enfants. Personne n'allait hériter de tout cela.
Encore sous le choc, j'ai choisi de ne pas me faire hospitaliser ni soigner tant qu'il m'était encore possible de vivre pleinement et, en sortant du cabinet médical, une idée a germé dans mon esprit. J'allais faire comme si. Comme si cette ultime année avait été la première de mon existence, comme si j'étais un nourrisson avide de nouvelles connaissances et d'en apprendre plus sur ce qui m'entourait, comme si je découvrais le monde pour la première fois. Ces douze mois allaient être à la fois le commencement et la fin, et je les vivrais à quatre cents pourcents.
La pleine conscience n'avait jamais été mon point fort. J'étais le roi des gestes machinaux, mais je ne pouvais laisser la routine et la peur de mourir prendre le dessus.
Cette maladie engendrerait certainement un nombre considérable de changements dans ma vie, autrefois si calme et si organisée, mais la nouveauté est une bonne chose.
Avril
J'ai démissionné de mon travail. Il me restait de l'argent pour plus de cinq ans. C'était bien assez. Et puis, je voulais passer plus de temps à découvrir en détail la source de la vie sur terre. Je n'avais jamais accordé beaucoup d'importance à Mère Nature, et ignorait ce qui m'avait tant éloigné d'elle. Je souhaitais changer cela. Les forêts, les montagnes et les prairies m'apparaissaient à présent comme des endroits purs, qui ne connaissaient pas la mort et où tout se renouvelait sans cesse.
Lorsque je me suis rendu en campagne, marcher dans les bois pour ce qui devait être sans doute la première fois de ma vie, je me suis rendu compte que je n'avais jamais contemplé la nature de la sorte, que mon regard avait changé et que je n'avais jamais pris autant conscience de ce que je faisais. Je me concentrais sur mon souffle et ce qui m'entourait. Je pouvais entendre le frémissement des arbres, bercés par la brise, les insectes voler de fleur en fleur, les battements de mon cœur trop fragile à présent...
Le son à peine perceptible des bourgeons qui naissaient les uns après les autres parvenait même jusqu'à moi. Je me sentais en surhomme omnipotent. J'entendais, voyais, sentais et ressentais tout. Je goûtais au plaisir simple de la vie, je goûtais au plaisir simple d'être en harmonie avec mon environnement.
Le printemps était présent partout. Tout était jeune, neuf et débordant de vie.
Lorsque j'ai pris conscience du bonheur que l'on pouvait éprouver en marchant ainsi, en pleine nature, j'ai décidé d'y retourner chaque jour qu'allait dorénavant m'offrir la vie, jusqu'à sa fin.

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Un Cycle
NouvellesLa vie, les émotions, les événements... Tout est un cycle en perpétuel changement. Ce recueil de nouvelles, poèmes et textes en tous genres traite des thèmes que l'on retrouve souvent au cours de notre existence jusqu'à notre mort. Image de couvertu...