Tout a commencé il y a deux ans environ.
Ma mère est entrée dans ma chambre et s'est assise.
Elle n'a pas ouvert la bouche pendant longtemps.
Puis, elle m'a annoncé que je devais fuir,
Partir. Mais où ? Je n'en avais aucune idée.
Selon ma mère, il me fallait aller très loin,
Jusqu'où je parviendrais, plus loin que l'horizon.
J'étais si petit, je n'ai pas compris de suite.
Ma mère ne viendrait pas, je devais fuir seul.
Mon pays était en feu, c'était dangereux.
Ça allait être périlleux, mais j'étais fort.
Maman croyait en moi comme en la religion.
J'ai obéi, ai pris le chemin de l'oubli.
Pour commencer, j'ai dû marcher longtemps, longtemps...
Un passeur m'a guidé à travers les montagnes.
Nous devions éviter les chemins principaux,
Aussi, avons-nous traversé, grimpé, longé...
Nous étions une dizaine de fugitifs.
Certains s'effondraient de fatigue à nos côtés.
Il nous fallait supporter la mauvaise hygiène,
Et souffrir la chaleur ardente qu'il faisait.
Lorsque nous sommes arrivés au bord de la mer,
J'ai ri de soulagement et les autres aussi.
Mais las ! le voyage n'était pas terminé.
Nous avons compris qu'il nous fallait embarquer,
Et traverser l'océan sans savoir nager,
Sur de petits bateaux gonflables et surpeuplés.
Lorsque nous avons commencé à naviguer,
J'ai senti croître la nostalgie et la peur.
Je n'avais plus de chez moi, je me sentais seul.
Et qu'allait-il m'arriver de l'autre côté ?
Est-ce facile de se reconstruire une vie ?
Je n'avais jamais senti l'odeur de la mer,
Un mélange de nos larmes et de liberté.
Les vagues nous secouaient dangereusement.
Pas une fois nous nous trouvions immobiles,
Pas une fois je n'ai songé à ma Maman.
Qu'allait-il lui arriver, était-elle heureuse ?
C'était la guerre, n'ai-je cessé de me dire,
Cette étrange façon de régler les conflits,
Qui m'avait contraint de la quitter pour toujours.
Je souhaitais tant que la belle paix revînt,
Pour pouvoir retourner auprès d'elle, mais non,
Cette guerre sévissait et j'étais en mer,
Sans parents, sans amis, m'accrochant à la vie.
Je n'ai pas remarqué que les autres criaient,
Tant je me sentais loin de tous mes êtres chers.
Le bateau coulait, nous sombrions dans la mer.
J'aurais tant voulu que Maman fût avec moi.
Ma famille m'aurait consolé et bercé,
M'aurait dit qu'on ne meurt pas à cet âge-là,
M'aurait assuré qu'on ne meurt pas à dix ans.
Je n'avais jamais vu le fond de l'océan.
C'était joli, j'en ai eu l'occasion très vite.
Personne ne connaîtrait mon nom en Europe.
La guerre allait me tuer comme beaucoup d'autres.
J'ai songé à la vie que j'aurais pu avoir,
À l'aube que j'avais aperçu émerger,
À l'aube d'une existence loin de ma mère,
Mais le crépuscule était arrivé trop vite.
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Un Cycle
Short StoryLa vie, les émotions, les événements... Tout est un cycle en perpétuel changement. Ce recueil de nouvelles, poèmes et textes en tous genres traite des thèmes que l'on retrouve souvent au cours de notre existence jusqu'à notre mort. Image de couvertu...
