Un Cycle

Le monde des Idées

As-tu déjà entendu parler des fées ? Moi oui. Je les ai vues de mes propres yeux. C'est tout un monde. Un monde merveilleux et fascinant. Tu as certainement envie de les apercevoir toi aussi. Elles sont partout. Tout autour de nous ou en nous. C'est elles qui nous donnent cette faim de vie, cette envie de bonheur. C'est elles qui donnent un sens à notre existence. C'est elles qui font fleurir nos projets et qui sèment des Idées dans notre esprit.

Cependant, tu dois faire attention. La plupart du temps, elles sont bienveillantes, mais il peut arriver qu'une méchante fée veuille te faire du mal. Elle peut alors tenter de s'introduire dans ton esprit pour y planter une mauvaise Idée. Quelque chose qui peut être néfaste pour ton corps et ton bien-être. Tu ne dois jamais la laisser faire cela, tu m'entends ? Ton cerveau doit devenir aussi infertile que la terre en pleine sécheresse, afin que l'Idée ne germe pas. Tu comprends ? Il te faut être forte et je te garantis, la méchante fée finira par s'en aller. Elle n'aime pas perdre son temps.

Si j'ai été victime d'une méchante fée ? Oui. Il y a bien longtemps. Et crois-moi, ce n'est pas drôle. Moi, je n'avais pas été prévenue et je n'ai pas fait assez attention. Il faut dire que c'est parfois difficile de distinguer les bonnes fées des méchantes.

Toute ma jeunesse, je rêvais de devenir cuisinière. J'aimais bien manger et voulais toujours inventer de nouvelles recettes. Pâtes et sauce aux épices, Risotto aux oranges et au safran, œufs pochés au curry, chaussons aux oignons caramélisés... C'est la fée de la passion qui me motivait. Celle-ci était bienveillante. Et puis, j'aimais décorer les assiettes pour en faire de vrais tableaux. À ce moment-là, je devais sans doute être animée par la fée de la beauté. J'étais insouciante, je pensais à l'avenir heureux qui se profilait à l'horizon. Je n'avais pas peur. Je vivais dans un monde peuplé de jolies fleurs appelées Rêves.

Mais, alors que je grandissais, une Idée a germé dans mon esprit. Ses racines se sont développées et ont envahi mon cerveau. J'avais une nouvelle envie. Celle d'être aimée. Aimée différemment que par ma famille ou mes amis. Je voulais être aimée par un garçon. Je les ai beaucoup observés, les garçons. Un en particulier. Il s'appelait Stan. Je le trouvais beau. Il était doté de cheveux de feu, en pagaille, et cela lui donnait un air fou. Ses yeux étaient encore plus extraordinaires. Ils étaient bleus parsemés d'or et brillaient, éclairés par sa vivacité et sa bonne humeur. Je souhaitais tant qu'ils se tournent vers les miens, un bref instant !

Je me suis mise à faire attention à mon image. J'ai acheté de nouveaux habits. Je trouvais que les anciens ne m'allaient plus. Et puis, j'ai coupé légèrement mes cheveux blonds et les ai coiffés chaque jour minutieusement. Mes cils n'étant plus assez longs, j'ai mis un peu de mascara. J'étais mue par une énergie nouvelle. Ce n'était plus la cuisine qui me donnait la faim de vie, mais Stan. C'était bien aussi, et je pense qu'à cette époque, j'étais encore envahie par les bonnes fées. J'ai peu à peu délaissé le risotto aux oranges, les œufs pochés, les chaussons et les pâtes aux épices, pour me tourner vers l'Amour avec un grand A. Mon existence multicolore a soudainement pris une couleur vermeille. Tout était rouge et les diverses fleurs qui poussaient dans mon esprit se sont toutes transformées en roses. J'étais follement amoureuse, même si ce n'était sans doute pas réciproque.

C'est quelques années plus tard, que la méchante fée m'a repérée. Aussi discrète que les mauvais rêves, elle s'est glissée dans ma chambre une nuit. Je ne l'ai pas sentie m'envelopper de son terrible regard, puis s'avancer vers moi lentement. Mes songes étaient tournés vers Stan, qui ne semblait pas faire attention à moi. L'enchanteresse est parvenue, je ne sais comment, à se glisser dans mon esprit, une graine à la main. En tournoyant dans mon cerveau fertile, elle a emmêlé mes pensées. Puis, délicatement, sans que je ne m'en rende compte, elle a planté l'Idée. Une Idée noire, dangereuse. Je la vois encore ricaner devant ma crédulité, mon innocence.