Prototype 6 bis - Genshin Impact - Scaramouche

Chapitre 2 - Obéissance enneigée

 Lorsque Scaramouche était assez éloigné de la pièce, dans les quartiers privés des Fatuis, il se retourna vers le prototype. Elle était vraiment similaire à lui. Il savait qu'elle était simplement un vaisseau de guerre sans ambition. Il voyait son reflet dans ses yeux morts et fut forcé de voir son passé de vagabond à travers elle. Son propre passé de poupée divine indésirable. Il poussa un soupir.

-Quels sont mes ordres?

Un vrai prototype de guerre...

Il la fixa encore, s'attendant à un mouvement de sa part ou une répétition de sa demande mais rien. Elle ne bougeait pas. Il ouvrit la porte de son quartier temporaire, y entra tout en gardant un regard fixe sur elle. Cette même absence de réaction. Elle n'était qu'un simple mannequin animé d'un souffle mécanique même si ce dernier était vivant.

Elle lui emboîta le pas après qu'il eut fait quelques pas dans la suite. Elle le fixait comme fascinée mais en l'absence de ce qui rendait la fascination si humaine. Son regard était bien plus comparable à celui d'un viseur par lequel on cherche une proie à cibler.

Cette comparaison lui fit émettre un petit rire. Ce n'était qu'un projet défaillant.

-Tes ordres?

-...

Aucune réponse. Une vraie incapacité à réfléchir par elle-même.

-Ferme la porte.

Les mouvements étrangement légers du prototype semblaient innocents jusqu'à ce que sa main se referme sur la poignée et la déforme de ce qui semblait être une légère pression.

-Erreur d'exécution de l'ordre par cause de l'imprécision de la commande.

Le Harbinger d'Inazuma se muta dans le silence. Une machine de guerre qui ne sait pas fermer une porte mais peut la détruire. "Un outil de destruction inachevé sans intelligence propre" avait expliqué Dottore.

Il a quand même omis le fait qu'elle avait toujours la force de l'outil de guerre...

-Pousse la porte légèrement pour qu'elle soit fermée.

La poignée, toujours déformée, fut poussée faisant avancer la porte dans sa position fermée. Elle ne bougea cependant pas, sa main, toujours refermée sur la poignée, qui à présent était si abîmée qu'elle lui transperçait la peau. Le sang commençait à pointer et se mit à goûter sur le sol en de légers "ploc ploc". La respiration du prototype était plus tendue, comme si elle serrait sa mâchoire pour étouffer la douleur des longues échardes.

Sensible à la douleur mais ne l'exprime pas. Un choix de construction intéressant...

-Ouvre ta main de la poignée et montre la moi.

Le bruit du bois et des échardes s'arrachant de la poignée pour rester sous la peau du prototype était particulièrement désagréable. Les échardes restantes étaient couvertes d'une fine couche de liquide pourpre.

Elle se retourna, n'exprimant toujours rien. Elle tendit sa main abîmée, écartant un peu plus ses doigts, faisant couler un peu plus de sang.

Aucun instinct d'auto-conservation.

-Maintenant, retire toutes les échardes.

La main viable retira chacun des morceaux de bois à présent imbibés de sang. Elle referma sa main blessée et laissa tomber ses bras le long de son corps, sa main viable tenant toutes les échardes.

L'homme la fixait. Ses yeux bleu océan semblaient presque agités d'un orage devant l'immobilité morbidement grise des siens.

-Donne moi ce que tu as dans la main

Il lui tendit sa main ouverte, voulant voir la réaction du prototype à un contact physique imprévu. La main du vaisseau de guerre était au-dessus de celle du Harbinger et y posa avec une délicatesse mécanique les éclats de bois, ayant comme compris la fragilité du matériau.

Cette délicatesse ne reçut pas une réponse similaire. La brûlure de la gifle que la main de l'homme apposa sur la joue du prototype laissa cette dernière immobile, comme paralysée. Sa main s'abaissa mais son visage ne reprit pas dans sa position initiale. Elle fixait à présent le sol, la tête tournée sur le côté par la violence de l'impact.

Le Harbinger s'attendait à une réaction de défense. La réponse de son interlocutrice, aussi silencieuse soit-elle, le laissa mitigé. D'une part, son absence de réaction pouvait être ses faiblesses de prototype mais du peu de chose qu'il avait entendu son collègue dire, cela ne semblait pas être le cas mais d'une autre cela aurait pu être juste une forme d'obéissance aveugle à l'autorité.

-Pourquoi n'as tu pas éviter le coup? Es tu tellement incapable que tu ne peux pas esquiver?

Elle continua à regarder le sol, la marque sur la joue se détachant de plus en plus visiblement. Ses mains étaient crispées, mais le sang de la blessure avait arrêté de couler, soulignant une très grande capacité de régénération.

-Ce n'était pas dans mes ordres. Je peux esquiver si cela m'est demandé.

-Très bien. Esquive.

Le Harbinger enchaîna son ordre d'un coup de poing dirigé vers l'épaule du vaisseau. Au moment de l'impact il s'attendait à rencontrer l'épaule du prototype mais fut plaisamment surpris de voir qu'en l'espace d'un instant, elle s'était placée sur le côté comme une ombre.

Le Harbinger esquissa un maigre sourire. Le prototype ne semblait toujours pas ressentir la moindre émotion. Son vide émotionnel en devenait désagréable. Son attitude était celle d'une personne qui n'obtiendrait jamais de cadeaux des dieux.

-Donc tu n'es pas inutile?

La question sous entendue du Harbinger lancée avec un léger venin vers son interlocutrice sembla se perdre dans la distance brumeuse entre eux.

Le Fatui trouva le silence désagréable. Elle devait partir. Le regard fixe de poupée qu'elle lançait devenait presque inquiétant. Il avait envie de la briser pour pouvoir percevoir une quelconque émotion, de la peur, de la colère, animer ses pupilles éteintes. Il savait que cela ne servirait à rien.

Il devait la laisser faire cela seule mais cela ne semblait pas avoir bien débuté. Elle avait une vie propre mais été cependant incapable de s'en servir.

Il lui ordonna de le suivre alors qu'il sortait de la pièce, particulièrement précautionneux de ne pas se blesser sur la poignée. Il poussa la porte après le passage du prototype, une tâche qu'il lui aurait laissée si elle avait été une simple recrue humaine sans valeur. Il marcha d'un pas rapide.

Le duo s'arrêta devant une porte cachée donnant accès à l'extérieur et dont le chemin menait au monde extérieur: Snezhnaya.

-Vas t'en dehors, fit le Harbinger durement avant de partir.

Son pas était rapide et régulier. Sa mine en revanche si quelqu'un l'avait surpris à ce moment était hors de son caractère dur et froid. Il entendit la porte s'ouvrir et continua d'avancer. Un pas. Puis un autre. La porte se referma coupant court au courant d'air qui s'était installé un instant auparavant.

Le Harbinger s'arrêta net à la fermeture de la porte comme un coucou parfaitement réglé. Il se retourna et fixa la porte qui le séparait maintenant du reflet de son passé refoulé. Il voulait redonner à ce passé une chance. Une chance de recommencer à 0, de ne plus être une poupée de chiffon jetée.

Il sentit le peu de connexion formée à présent rompu. Son visage se referma et son air dur repris le dessus, ne laissant plus transparaître l'instant de faiblesse qu'il avait eu auparavant.

De l'autre côté de la porte, le froid ne semblait pas affecter le prototype. Elle avait été laissée confuse par l'ordre mais elle était dehors. Elle avait obéit. Elle attendait son prochain ordre. La neige caressait sa silhouette, le froid apaisait lentement la gifle. Le sang de la blessure avait déjà coagulé et le froid avait absorbé toute la chaleur du liquide, le solidifiant lentement en une croûte froide.