🚫10 - Propriété privée

86 9 0
                                        

Vendredi 28 juillet 2023

Récupérer le numéro de téléphone de Marko était la chose la plus intelligente que j'avais faite de toute ma vie. Au moins. Par contre, il me fallut moins d'une semaine pour me rendre compte d'à quel point nos rythmes de vie étaient décalés, surtout avec les journées à rallonge de l'été. En général, nous pouvions discuter une ou deux heures le soir, avant que j'aille me coucher et qu'il parte travailler. C'était assez peu, mais j'avais parfaitement conscience du fait que nous serions tout le temps sur nos téléphones si nous avions des horaires en commun. J'avais oublié la magie d'une nouvelle amitié, et cela me rendait bêtement heureux au point que Loïc et Manon se payaient un peu ma tête — avec raison, j'imagine.

C'était d'ailleurs assez fascinant de voir comment naissaient les habitudes ; au bout d'une semaine à peine je me voyais déjà mal m'endormir sans avoir envoyé un dernier message à Marko, et je me réveillai le matin pour lire sa réponse, ce qui me donnait le sourire pour la journée. Suite à une conversation sur nos musiques préférées, nous avions désormais commencé à nous échanger une recommandation par jour pour partager nos goûts. J'aimais débuter ma journée avec le morceau qu'il m'avait envoyé, parce que si moi j'écoutais plutôt des classiques du rock et de la musique de film, lui semblait écouter de tous les genres, dans pas mal de langues différentes. Je n'avais pas été surpris une seule seconde d'apprendre que son groupe favori était Imagine Dragons. Et quand je lui avais dit que j'allais les voir en concert à Chambord au mois de septembre avec ma sœur et l'une de ses amies, il m'avait répondu qu'il était dégoûté que son intolérance au soleil l'empêche d'y aller aussi.

Bien sûr, avec tout ça nous décidâmes de nous retrouver au pavillon pour une autre nuit et je n'eus aucun scrupule à décaler l'exploration que j'avais prévue ce samedi là, préférant de loin passer du temps avec Marko. Je fis la route en écoutant la playlist composée de toutes ses recommandations, amusé d'avoir de moins en moins besoin de suivre mon GPS, et j'arrivai une fois de plus en début de soirée, bien avant le coucher du soleil. Je garai ma voiture au même endroit qu'à chaque fois, au bout du pont, et puisque je n'avais rien d'autre à faire que d'attendre la tombée de la nuit, je récupérai mon portable pour répondre aux messages du groupe WhatsApp. Manon proposait un week-end d'exploration vers Paris courant août, et elle nous envoyait des photos des lieux qu'elle comptait visiter. Il y avait un peu de tout, de la ruine industrielle à l'hôpital abandonné, en passant par le petit château et une maison plutôt connue, de quoi préparer un sacré programme.

Absorbé par les photos qu'elle avait envoyées, je fis un bond et manquai me cogner la tête dans le toit de la voiture lorsque l'on frappa à la vitre à côté de moi. Le coeur battant la chamade, je rattrapai mon téléphone comme je le pus pour le poser sur le siège passager et tourner la tête, me demandant qui pouvait bien se trouver là à une heure pareille. Je me retrouvai nez à nez avec une jeune femme, d'environ mon âge, dont l'expression n'avait rien d'avenant.

— Vous êtes sur une propriété privée, m'annonça-t-elle sèchement. Vous n'avez rien à faire ici.

Merde. Elle avait tout à fait raison, et je n'avais pas la moindre idée de comment lui expliquer les raisons de ma présence. En général, les urbexeurs n'étaient pas trop les bienvenus, même sur des lieux abandonnés, et j'ignorais ce qu'elle savait de Marko et du pavillon. Embarrassé, le coeur battant trop vite et les joues brûlantes, je tâchai de m'expliquer.

— Je... euh, je sais, bafouilla-je. Enfin... je sais que c'est une propriété privée, mais euh... je viens rendre visite à quelqu'un ? Enfin je veux dire... on m'a donné rendez-vous ici à la tombée de la nuit et... eh bien je ne voulais pas laisser la voiture en bord de route et...

Urbex LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant