—Etzel ?
La Murène leva le nez du tableau transparent sur lequel dansaient des photos et des frises chronologiques auxquelles venaient s'adapter l'écriture régulière, allongée et fine du Canadien. Black Stag était entré sans crier gare.
— Black, est-ce que tu te souviens que j'aime mieux lorsque l'on frappe à la porte de mon bureau ?
— Oui, je m'en souviens, mais j'étais très pressé.
La Murène – de son vrai nom Etzel Murray – fit l'effort de soupirer, mais il savait qu'avec Black il n'était pas dans l'obligation de sourire ou de manifester physiquement des émotions « logiques ou acceptables ».
— La nouvelle recrue, ajouta le Russe aux traits félins, où en est-elle ?
— Je compte sur ta discrétion ?
— Toujours.
— Darcy Graham est plus que prête. C'est le Fennec qui a demandé une prolongation de sa quarantaine.
— Comme c'est surprenant...
— Bon, et si tu allais droit au but, Black ?
— Je veux être son instructeur. Je veux être désigné comme son Mentor.
Le sang de la Murène se figea mais il prit le temps de griffonner un nom sur une carte topographique qui représentait une zone au Kurdistan. Une piste d'atterrissage traversait la zone. Etzel Murray poussa un long soupir et prit place à son bureau, invitant du geste son visiteur à s'asseoir sur le fauteuil face à lui.
Black Stag choisissait toujours des habits extrêmement distingués. Jamais de prêt –à-porter. Aujourd'hui, il estimait sans doute qu'il s'était vêtu avec beaucoup de négligence, mais pour tout autre il évoquait un homme jeune, approchant la quarantaine, qui s'apprêtait à sortir au grand air pour une promenade en compagnie des membres de la couronne. Le Canadien se massa les tempes avec fermeté, les yeux plissés.
— Black, peux-tu me dire pourquoi tu souhaites tant que cela bouleverser tes habitudes ? Je croyais que tu étais d'accord avec la décision de ne jamais t'attribuer de Rookie.
— Le temps a changé. Je veux être désigné comme l'instructeur de cette jeune fille.
— Tu n'as aucune raison de faire ça. Et puis : aucun intérêt, si je peux me permettre. Darcy est difficile et ne tolère l'autorité que lorsqu'elle lui accorde également sa confiance et son respect. Quand bien même tu serais considéré pour la position de Mentor, tu ne serais pas du tout adéquat pour Darcy Graham.
— Puis-je savoir depuis quand je suis devenu un agent de second plan ?
Cette fois, la Murène ne pouvait pas faire mine de considérer cette visite comme une simple formalité. Les choses allaient prendre un tournant très inconfortable s'il ne redressait pas la barre sur le champ.
— Makar : si tu es venu me parler de ça à moi et pas à Arnaud, à Balam ou à Savannah, c'est parce que tous les deux, nous avons une personnalité très particulière.
— ... et parce que malgré cela, tu es instructeur.
— Oui, je suis instructeur parce que j'aime ça. Et parce que mon degré de personnalité antisociale ne m'empêche pas de travailler en groupe.
— Je sais m'adapter.
— J'en viens à la deuxième raison qui va me pousser à te demander de reconsidérer ta demande : tu n'es pas seulement dans les extrêmes du spectre de la sociopathie, tu es aussi profondément narcissique.
— Je dirais plutôt modérément. J'ai beaucoup appris au contact de Savannah.
— N'essaie pas de m'amadouer, ça ne marchera pas avec moi. Que ça soit profondément ou modérément, tu es narcissique malgré tout. Ceci ajouté à une capacité empathique très marquée. Combien de temps te faudra-t-il avant de te lasser du caractère de cette gosse et de t'arranger pour qu'elle ne se trouve plus entre tes pattes ?
— Si j'étais aussi dangereux que tu le dis, Ophir Sakal ne ferait plus partie de l'unité.
— D'une, sache que tu es loin d'arranger ton cas en me disant ça. Et de deux, je pense que tu sais déjà que si tu n'as rien fait contre Ophir, c'est parce que tu apprécies beaucoup sa sœur Naamah et qu'elle est venue te supplier de ne pas toucher à son frère dès que ce dernier t'a... contrarié.
— Contrarié ? Il ne m'a pas contrarié : il m'a odieusement manqué de respect. Tu ne fais que démontrer ce que j'avance : je sais m'adapter et mettre l'intérêt d'autrui avant le mien.
— Non. Tu sais prendre des décisions qui serviront tes alliances et tes intérêts personnels. Quant à la petite, ne va pas l'accaparer : tu sais que tu effraies beaucoup d'agents de sa génération. Si tu t'occupes trop d'elle, personne n'osera l'approcher, tu l'aliéneras et son insertion deviendra impossible.
— J'entends ce que tu me dis, Etzel. Je comprends.
— Makar ! gronda le Canadien. Ne me ressors pas ce genre de phrases : c'est moi qui te les ai apprises.
Un sourire narquois se peignit sur les lèvres de Black Stag.
*
Je publie le chapitre suivant de suite : je pense qu'il sera un peu plus long ;-)
Merci pour votre lecture !!!! N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez
Bisous
Sea
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Mayhem's Men
AksiJeune dealeuse, à quelques mois de quitter définitivement le foyer où elle vit depuis sa plus tendre enfance, Darcy échappe de peu aux griffes de concurrents furieux pour tomber entre celles d'une organisation secrète qui semble faite de criminels r...