Am, stram, gram, ...

185 21 12
                                    

(Inspiré simplement de l'origine de la comptine éponyme)


Assis sur l'un des bands du parc, j'observe distraitement, des enfants qui jouent, sous le regard de leurs parents.

Le groupe s'est réuni près des balançoires, avec l'évidente envie de tous y monter...

Le problème étant qu'ils ne peuvent, bien sûr, pas y aller tous en même temps !

L'un d'entre eux les fait donc se placer en cercle, avant d'entonner à voix haute :

« Am, stram, gram,

Pic et pic et colégram,

Bour et bour et ratatam,

Am, stram, gram ! »

Ainsi est décidé qui seront ceux qui auront le bonheur de pouvoir jouer en premiers !

Je réprime un rire jaune.

S'ils savaient...

S'ils savaient le nom de qui ils invoquent par ces mots...

Je secoue la tête. Que m'importe après tout ?

Moi je suis en paix aujourd'hui.

Je me lève tranquillement.

J'ai terminé de me recueillir sur mes souvenirs ici.

Alors que je me dirige vers la sortie du parc, mon esprit vagabonde sur les évènements de la soirée dernière...

Haut dans le ciel, l'œil lunaire éclaire notre assemblée.

Il n'y a que nous ici. Nous avons privatisé les lieux.

Une femme cachée sous de translucides voiles noirs s'avance, des rayons de lune venant jouer sur les bijoux qui ornent ses poignets.

L'officiante.

La "mag-saca".

Elle s'approche du petit tonneau que nous lui avons préparé.

Là, elle y verse le liquide blanchâtre et mystérieux d'une fiole que lui tend son jeune assistant, puis le contenu d'un autre qui, en revanche, ne laisse aucun doute sur sa nature, de par sa couleur rouge.

Le tout est mélangé, avant que l'assistant n'y plonge une coupe rustique, qu'il présente ensuite à la mag-saca.

Celle-ci repousse gracieusement son voile, découvrant son visage pâle comme l'ivoire, barré d'un loup de peinture sombre.

L'officiante recueille entre ses mains la coupe, qu'elle porte à ses lèvres, buvant longuement.

Elle prend le brin qui pend à sa ceinture, brandissant cette baguette alors qu'elle entame sa danse.

Elle se meut d'abord lentement, puis de plus en plus vite, sa danse devenant rapidement endiablée !

Sa voix s'élève alors, puissante :

« Emstrang Gram

Bigà bigà ic calle Gram

Bure bure ic raede tan

Emstrang Gram ! »

La terre vole en nuage de poussière sous ses pas rapides, la lune accroche ses rayons blafards aux bijoux de la mag-saca, et l'air paraît plus consistant, comme sous l'emprise de la bête invoquée par le chant.

Gram, le grain de la lune, esprit lunaire et païen, est parmi nous, bien que nous ne puissions le voir, dompté par le brin de l'officiante.

Celle-ci danse encore un peu, la présence de la bête valsant avec elle, puis elle commence à ralentir progressivement, jusqu'à s'immobiliser, le souffle court et la peau brillante de sueur, la transe l'ayant quittée.

Son assistant vient lui draper les épaules d'une cape légère, alors qu'elle se dirige à pas tranquille vers moi.

« Ton fils est en paix. Vis de même. Il veillera sur toi. »

Une larme solitaire coule sur ma joue, sans que je ne fasse rien pour la retenir.

Recueil d'OS à travers les mythesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant