Chapitre 5

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-Nous ne sommes qu'à trois jours du premier tour, mais une nouvelle tendance semble émerger des sondages !

Je coupe la radio en me réveillant complètement. Je ne veux pas entendre une nouvelle analyse totalement bidon sur ce qui pourrait expliquer "le nouvel intérêt des jeunes pour un régime contraire aux valeurs républicaines patati patata..." alors que ce n'est juste pas ça du tout. Comment les adultes peuvent-ils comprendre qu'on en a marre ? Qu'on veut que ça change, qu'on ne veut plus de cette cinquième république qui nous bloque avec toutes ses lois qui nous empêchent d'avancer ? Ils ne comprennent pas car ils sont nostalgiques. Et c'est exactement là qu'est le problème, la nostalgie ce n'est pas bon. Pas pour la politique en tout cas. Car elle la restreint, la forçant à rester "comme avant, au bon temps". Alors non, les adultes ne peuvent pas expliquer ce nouvel intérêt. Car ils ne peuvent pas comprendre ce qui motive cet intérêt. Ils ne peuvent pas. Alors ça commence à me gonfler toutes ces analyses qui ne racontent que des conneries !

Je me souris dans le miroir en sortant de la douche. Pour aujourd'hui, je me suis habillée en blanc et bleu, les couleurs de la monarchie. Enfin, les couleurs qu'a choisies Alexandre pour symboliser la nouvelle royauté. Et je trouve qu'elles sont parfaites. Elles rappellent le drapeau national (qui va rester tel quel, Alexandre l'a promis) mais s'écartent du rouge qui désigne surtout la violence.

A l'université, je me rends compte que depuis que l'annonce est passée - d'ailleurs on a pas été pris, merci Gabriella - les jeunes sont beaucoup plus joyeux et prennent beaucoup plus d'initiatives. Et les rares étudiants qui ne sont pas "pros monarchie" se gardent de donner leur point de vue sur la situation politique, car ils se feraient jeter hors du campus si jamais ils le faisaient. Je ne cautionne pas la violence, mais il faut montrer une image forte au reste du pays pour espérer qu'Alexandre gagne plus de cœur. D'ailleurs depuis trois jours qu'est passée l'annonce dans l'université, elle a tourné sur les réseaux un nombre incalculable de fois et le compte Insta d'Alexandre a gagné plus de dix millions d'abonnés ! Un truc incroyable, je vous jure.

Je sors de mon avant dernier cours, et je remarque dans les couloirs que les jeunes sont pour la plupart habillés comme moi : en bleu et blanc. Je souris. Jamais je n'aurais pensé il y a une semaine que j'aurais, à moi toute seule (parce que faut pas se le cacher, c'est quand même moi qui suis au début de toute la démarche) engendré un tel engouement pour un parti politique dont on ne parlait même pas dans les sondages ! Je rentre dans la salle de classe où je vais passer mon dernier cours, et je soupire en voyant que le professeur nous a prévu un exercice noté. Mais, en lisant le sujet, je manque de m'étouffer. Sur son putain de tableau, il y a écrit : "Pourquoi les jeunes sont-ils incompétents pour décider du futur politique de la France ?". Je vais me le bouffer. Ce n'est pas possible. En plus, il s'en est allé chercher son café, ce con ! Rouge de colère, je me dépêche d'aller au tableau, suivie du regard par les quelques élèves déjà présents, et lorsqu'ils me voient effacer le sujet de dissertation, ils rigolent et me suggèrent des modifications. Je finis par m'écarter du tableau blanc, et je retourne m'asseoir tandis que les étudiants lisent le nouveau sujet : "Pourquoi le monarchie est-elle préférée par les jeunes par rapport à la république ? Expliquer en montrant ce que la monarchie a de mieux que la République".

Quand le prof revient dans la classe, il est étonné de voir que plusieurs élèves ont déjà commencé à écrire et à réfléchir sur le sujet, laissant la salle de classe dans un silence agréable. Mais quand il se retourne vers le tableau, je vois presque ses yeux lui sortir de la tête.

-QUI A FAIT CA ?

Personne ne lève la main bien sûr, et je souris en regardant ma copie.

-Bien, je vais remettre le premier sujet, et vous aurez tous en dessous de la moyenne...

Et voilà, le seul moyen qu'ont les prof pour se venger des élèves : leur mettre des mauvaises notes. Sauf qu'ils n'ont pas compris qu'on s'en bat les couilles et que ce n'est pas une foutue note qui va nous empêcher d'avoir notre diplôme.

Il remet le premier sujet qui fait réagir les étudiants qui sont arrivés après que je l'ai effacé et réécrit, et je remarque du coin de l'œil, et en surprenant quelques chuchotements, que, comme j'avais intérieurement prévu de le faire, personne ne va changer de sujet. Bref, le prof va l'avoir dans le cul, parce qu'il va avoir une vingtaine de copies à corriger, avec une tonne d'arguments avec lesquels il n'est pas d'accord.

Quand je raconte à mes potes sur la terrasse le contrôle que j'ai fait en dernière heure, il éclate de rire, et je souris à Emma qui explique tout dans un anglais presque parfait à son mec (mari, mais j'arrive pas à m'y faire) qui a rejoint notre bande de potes. C'est vrai que Jonah est arrivé comme ça, hier soir à la terrasse, et j'ai été étonnée quand il a réussi à me sortir une phrase sur deux en français, parlant le reste dû temps dans un anglais plus que compréhensible. Et en plus il est méga sympa, comme nous l'avait dit Emma. Bref, on n'a eu aucun mal à l'intégrer au groupe, et ça fait dû bien d'avoir une nouvelle tête (et quelqu'un avec un avis neutre pour prendre parti lors de nos disputes quotidiennes sans risquer de se faire dévisser la tête), même si lui est plus sceptique que nous quant à notre toute nouvelle position politique, car il n'a pas la même façon de réfléchir que nous, ça il le sait, mais pour lui la monarchie reste quelque chose d'autoritaire, et quelque chose qui ne nous ferras que plonger dans un gouffre cauchemardesque sans fond.


La Seconde Monarchie FrançaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant