Chapitre 6

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Le premier tour est demain. Et je sautille dans l'appart depuis ce matin comme une folle. Comme on a pas de cours aujourd'hui (enfin sauf Pierre qui s'est inscrit en début d'année dans je ne sais plus quelle option idiote), j'ai invité toute la bande chez moi pour passer l'après-midi ensemble, puis sortir voir le débat ce soir, où sont réunis tous les candidats aux élections présidentielles de 2047 : Abadie, Maréchal, Libbiu, et Alexandre.

Lorsque Emma et son mec arrivent, je suis étonnée de voir le coréen me faire la bise de lui même. Finalement, je pense qu'il ne va avoir aucun mal à s'intégrer, vu comment on pourrait le croire déjà à moitié français. Le seul problème ça va être la langue. Il n'est pas du tout bilingue, et je sais que c'est un des principaux critères pour accorder la nationalité aux étrangers.

Lorsque tout le monde est arrivé, même Pierre qui est parti en avance de son cours, j'allume la télé et la met sur muet, pour ne pas rater le débat dont on ne nous a pas donné l'horaire, juste la chaîne "encore un truc pour qu'on regarde plus de pub et qu'ils se fassent de l'argent sur notre dos". Je suis d'accord avec Justin, mais je préfère ça à manquer le début du débat.

Alors que pour une énième fois dans ma vie, la discussion dérape sur la possible légalisation de la prostitution en France (qui est un des seuls pays au monde à encore l'interdire), et que le ton commence à monter, je pointe du doigt l'écran plat de la télé.

-Les gars ! Ça commence !

Je monte le son et les autres se taisent pour écouter la journaliste qui présente et anime le débat :

-... à nos candidats ici présents de participer à ce débat la veille du premier tour. Cela fait plusieurs semaines que les sondages se sont stabilisés, plaçant Madame Abadie, du parti Pro-Eco loin devant les autres candidats. Cependant, depuis quelques jours, le parti Bienvenue en Monarchie est remonté et a même dépassé le parti Pro-Eco. J'aimerais d'abord savoir, pourquoi d'après vous, Alexandre, votre parti a ainsi fait un bon dans les sondages ?

Dans mon salon, tout le monde se tait et se concentre sur l'écran pour écouter sa réponse.

-Je pense que les jeunes ont pris conscience que l'avenir peut changer, et que je représente le meilleur avenir qu'ils puissent souhaiter. Il a suffit d'une étincelle pour que tout le monde se pose la question, et je veux particulièrement remercier et saluer l'Université de Paris-Est et ses milliers d'étudiants qui ont fait connaître mon programme à travers la France. C'est grâce à leur action, que pleins de jeunes ont pris conscience de ce que pouvait vraiment leur apporter, et particulièrement ma candidature.

Avec les copains on se regarde en souriant. C'est grâce à nous ! C'est nous qu'il remercie ! C'est notre action (pas très légale et réglementaire) qui va permettre de changer l'avenir de la France, et de repartir sur des valeurs sûres et une organisation de la nation bien plus adéquate que la Ve République dans laquelle nous sommes actuellement.

Sur le plateau télévisé, la journaliste hoche la tête tout en essayant de cacher son dégoût. Avant qu'elle ne puisse répondre pour orienter le débat, Libbiu, un néo-nazis qui apparemment d'après la présentation qui nous est affichée sur l'écran, se présente depuis vingt ans aux élections, se met debout et commence à gueuler :

-Nan mais vous n'avez pas honte ? Nous sommes dans une démocratie durement méritée ! Nous avons fait face à des vagues d'immigration et un danger monumental pour notre sécurité, et vous, vous vous présentez pour devenir chef de la France pour un temps illimité, et vous n'avez même pas de programme ! Je bosse dur depuis trente ans pour devenir président, et vous, petit gamin, vous arrivez comme ça, après avoir corrompu les jeunes français, et vous voulez prétendre au post ? Je trouve ça scandaleux !

Les deux autres candidats sur le plateau approuve de vive voix ce que vient de dire Libbiu, et se lèvent de leur siège.

-Vous n'avez rien à faire ici !

-Vous êtes une honte pour la France !

-Vous devriez avoir honte de renier ainsi notre passé et notre combat !

-Vous n'êtes qu'un connard qui se sert de la méconnaissance de la politique des jeunes pour parvenir au pouvoir !

Je bous à l'intérieur de moi-même, et mes amis soufflent fort pour montrer leur mécontentement. Mais Alexandre ne se laisse pas faire et se lève tranquillement pour parler aux trois autres.

-Je ne pense pas que vous ayez bien compris ce que je propose pour sauver la France...

-Oh si ! Vous voulez nous ramener à l'esclavage, aux classes dominantes et à une élite d'exception qui va mettre à l'écart la plupart de la population !

Voyant que les autres candidats s'apprêtent à repartir en guerre contre lui, Alexandre frappe la table en verre devant lui et se met à parler fort, avec de la colère dans sa voix :

-N'importe quoi ! Je ne veux que le bien de la population ! La monarchie est le juste moyen pour permettre à notre pays de se relever ! La République est en danger, et elle est trop vieille pour faire face à notre monde aujourd'hui ! Ce que je souhaite, c'est permettre à mon peuple, de se concentrer sur ce qui est réellement important, ce dont la politique ne fait pas partie. On le voit bien, d'ailleurs ! De nos jours, les jeunes s'en foutent, de la politique ! Ils ne s'y intéressent pas ! Pourquoi veulent-ils voter pour moi, quand je propose de m'occuper de la politique pour toujours, et de leur laisser le champ libre de faire ce qu'ils veulent dans le respect de la liberté et des droits des autres ? Parce qu'ils ne veulent plus se préoccuper de politique ! Je suis l'avenir de la France, contrairement à vous, parce que j'ai compris ce que souhaitent les jeunes ! Je vis avec mon temps, et je m'adapte, comme je souhaite adapter le régime français à la monarchie, parce que je comprends le peuple, ce qu'ils veulent et ce qui est le mieux pour notre pays ! La République est à bout de souffle ! Cela ne sert à rien de vouloir la sauver à tout prix ! Parce que ce n'est pas cet avenir qui nous permettra de rester actif dans la mondialisation ! La monarchie est notre meilleur espoir, et c'est cette idéologie que je porte !

J'applaudis de toutes mes forces, imitant le reste du groupe assis dans mon salon, et je souris. Pour un discours qui n'était pas vraiment prévu, il s'en est hyper bien sorti, et je suis sûre qu'il a même rallié pleins de gens avec cette prise de parole !


La Seconde Monarchie FrançaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant