Les accords sont froids, les échanges miteux. Victoria enchaîne les slides improvisées, pour se faire remarquer, et ça marche. Même mieux : ça énerve le chanteur au plus haut point. Il la déteste comme ça : vaniteuse, limite prétentieuse. C'est atroce. Entre deux morceaux sur lesquels il ne se donne même pas un peu, il saisit la bassiste par le poignet pour l'entraîner sur le balcon. Il la trouve, les bras croisés et le visage impassible, quand il referme la porte vitrée.

- on va parler de ta meuf, j'imagine ?

Il fulmine.

- t'es insupportable quand tu fais ça.

- ouais, je sais.

Elle sourit malgré tout, la lèvre remontée vers la gauche. Elle a l'air moqueuse, si ce n'est dédaigneuse.

- t'as aucun droit de faire la garce comme ça avec n'importe quelle fille que je fréquente sous prétexte que ça va contre ton avis.

- elle va te la faire à l'envers et tu reviendras chialer comme un gosse "Oh, Vic, je suis malheureux, oh, tu avais raison" et c'est comme ça à chaque fois. Quand est-ce que tu vas apprendre de tes erreurs ?

Elle joue tellement. Elle le sait en colère, mais ne cesse d'agrémenter sa rage, et tout à fait volontairement. Il a une soudaine envie de réduire tout en miettes dans ses poings.

- mais après, t'es grand, je me fous des jambes que t'ouvre. Mais je serai pas là cette fois quand ça tournera au vinaigre et t'es prévenu.

Hautaine, elle le contourne.

- tu sais pas qui c'est, t'as aucune idée de comment elle est avec moi, t'es vraiment dégueulasse de lui foutre une étiquette comme ça.

Victoria se retourne très, très lentement. Il compte dans sa tête, elle va crier.

- mais toi, tu la connais peut-être ? Qu'est-ce que tu fais avec elle, entre deux orgasmes ? Tu lui écris des poèmes ?

C’était trop prévisible. Elle gueule pour se donner raison. Mais pas cette fois, pas pour démolir Livia. Il ne la laissera absolument pas faire.

- je la connais, et puis drôlement bien. Quand on est rentrés vendredi, elle était inconsolable à cause de toi. Remets-toi en question un minimum, grandis et arrête de faire l’insensible !

La petite blonde reste interdite un moment, sans arrêter de le fusiller du regard. Victoria dans toute sa splendeur : même dans une position de coupable, elle ne délaisse jamais sa fierté.
Mais maintenant tout près d'elle, il ajoute entre ses dents.

- j'compte pas la laisser, ni pour toi ni pour une autre raison. Tu ferais mieux de t'habituer et arrêter de jouer aux connasses, parce que ça te ressemble même pas. C'est limite décevant.


*********


C'était pas un début de soirée glorieux. Mais la voir toujours assise sur son canapé, au même endroit que quand il l'avait quittée, fait retomber son cœur doucement. Il vient se jeter à ses côtés. Elle, respire la nervosité et n'attend qu'une chose.

- elle a été super chiante.

Livia soupire aux aveux du chanteur.

- je t'avais dit de ne rien lui dire.

Un peu machinalement, mais l'intention est là, il la saisit doucement pour la faire atterrir contre son torse.

- elle te déteste pas, elle est méfiante. Néanmoins, ça ne lui donne pas de raison d'être comme ça.

Elle s'est laissé faire, comme elle laisse sa main large caresser son dos dans son intégralité. Livia a du mal à le croire, dans l'immédiat.

- mais on s'en fout, ce soir. On pense pas à elle.

Il essaye de la rassurer, embrasse sa tête pour la douceur. Mais il la voit faire. 
Elle perd son regard dans le vide sans rien dire. Alors il se permet de resserrer son étreinte.

- je sais que c'est pas cool comme ressenti mais ça sera pas toujours comme ça. Elle est amicale, je t’assure, elle est sympa. Laisse-lui le temps. Et j'te promets de mon côté de pas la laisser t'atteindre.

Liv ne sourit plus. Elle demeure contre lui sans un mot. Il en veut plus que tout au monde à son amie qui intermédiairement, est capable de tout gâcher.
Sur la table basse, il y a un étalement de papiers, de bordel et de carnets. Il y repère l'espèce de planning dessiné par Ethan, décidé par Victoria. La case du seize novembre est entourée en rouge. Le chanteur sourit de sa révélation soudaine.

- ça te plairait de venir nous voir jouer ? Genre sur scène et tout.

Elle relève la tête, ses yeux lilas pétillent.

- évidemment.

Leur sourire est commun, se partage d'une lèvre à l'autre. Il appuie doucement un baiser sur sa joue, mais reste juste contre elle, pour ne pas la lâcher, pour profiter d'un peu tout.
Et tout est enfin oublié. Il a détaché la ceinture de nervosité autour de son ventre et la berce maintenant tranquillement dans ses bras, sans un mot.
Il y a parfois des moments où il n'est même pas nécessaire de parler. Là, c'est le cas. Damiano a le don pour deviner rapidement ce genre de choses. Il analyse Liv, toute apaisée dans ses bras, se dit que même si c'est trop attachant, ça en vaut la peine.
Quand il ferme ses yeux, les siens se réouvrent.

- en ce moment, vous jouez quoi en live ?

- la set list est longue, il y a une bonne dizaine de chansons, je te montrerai si tu veux.

C’est quand elle lui demande à l'oreille, la phrase de rêve, d'amoureuse dévouée et intéressée, qu'il se dit qu'il l'aime un peu plus qu'avant :

- est-ce que vous jouerez le parole lontane?

HAUT LES CŒURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant