Aurore boréale en islandais ; de norður (« nord ») et de ljós (« lumière »).
Ce jour, nous le savions, allait être ardu. La montée sur le plateau sera sûrement la partie la plus difficile de l'itinéraire. En tout cas du point de vue du dénivelé. L'Islande, sur le plan topographique, n'est ni plus ni moins qu'une assiette retournée. Sur ses bords évasés jusqu'à l'océan qui l'entoure, le climat se fait plus clément, "accueillant"... En tout cas, assez pour un viking de passage sur son frêle drakkar balloté dans un maelstrom décalaminant. Pour le commun des mortels c'est un rocher rêche et fumant où le souffle quasi constant tient plus de la gifle de daron que de la brise de Brest. Enfin, dès que l'on se trouve dans le haut-pays, sur le plat de ladite assiette, on comprend mieux pourquoi il n'y aucune bicoque de posée. Là-bas, une fenêtre polaire s'ouvre sur des steppes magistrales qui s'étalent jusqu'à aussi loin que puisse porter le regard, quand le temps dans sa mansuétude toute capricieuse le permet. Pourtant, le froid n'est jamais aussi vif que redouté, le vent, souvent fort, n'est pas si constant. Mais la végétation est presque inexistante autrement qu'au stade des herbacées. Le règne animal, dont nous ne verrons rien, ne se décrit qu'en une multitude d'oiseaux aptes à décamper tout aussi rapidement qu'ils reviennent au printemps. Juste le temps pour eux d'échapper à cette rigueur passagère. En sus, quelques moutons seront bien là l'été, plus ou moins égarés, paissant ça et là. Mais l'humain veille ; toujours prêt à rapatrier tout ce petit monde dans la bergerie quand la saison l'impose. Bref six mois sur douze ce désert y est d'apparence toute arctique, la vie se veut rude.
Le tout ne semblant pour autant pas si hostile que ça pour des touristes fraîchement débarqués tels que nous, stupides bipèdes... Juste ce qu'il faut pour nous mettre en confiance, nous laisser croire que l'aventure sera facile à croquer et juste ce qu'il faut pour nous dire que le bras armé de dame Nature et son coup de semonce n'est jamais bien loin. De quoi donner libre cours à mon excitation en somme.
Mais ne nous emballons pas ! On doit d'abord monter cette fichue montagne. Atteindre le plateau.
Ce jour se voit donc attaqué par les deux aventuriers fringants et déterminés que nous sommes. Théo à la pulka pour commencer, c'est son premier tractage (le mien ayant été réalisé en Laponie deux ans plus tôt). Il semble à l'aise comme un chien de traineau, la fougue incontrôlable en moins. C'est parfait, il pourra calmer la pulka qui frétille derrière.
La progression est d'abord un peu hasardeuse. La piste s'insinue dans un marécage déversoir d'un coude de la rivière, trop lascive pour avoir daigné creuser un vrai sillon. À cette époque de l'année, il s'agit pour nous d'une immense patinoire et non du large gué supposé être.
Et bientôt la voilà ! Cette montée filant vers le col que nous reluquions déjà la veille au soir. Sans trop tarder, nous l'attaquons, juste le temps pour mon acolyte de déchausser ses skis au profit de crampons forestiers plus à même de tenir dans la déclivité. Je le laisse ouvrir la voie et lui prends le pas.
Les virages qui s'ensuivent, dans la première partie de la côte, allez savoir pourquoi, se montrent particulièrement rebelles à vouloir rester hors neige. Ils nous obligent dès lors en de multiples déchaussage/charriage manuels, coûteux en énergie. Arrive même un certain point où ayant déjà alterné plusieurs fois nos rôles de mules, le dévers se fait si abrupt et biaisé que nous en venons à devoir sortir une cordelette d'appoint qui nous permet de haler à deux.
Mille mètres d'ascension, de multiples arrêts et pauses casse-croûte plus loin, nous voilà finalement sur le col indiqué par le cairn bienvenu de Tungnafjall. La piste s'est évanouie sous la poudreuse il y a longtemps déjà. Nous laissons donc là cette vallée profonde, dernier cordon ombilical de la civilisation, pour nous élancer dans les entrailles de l'île. La pénéplaine s'ouvre face à nous. Nous devons légèrement bifurquer Sud-Ouest vers deux grands lacs qui nous guideront jusqu'à une première cabane.
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ICELAND une semaine à la neige
AdventureAvec une luge et un ami, il décide de traverser l'Islande à skis, du Nord au Sud, au cœur de l'hiver. Mais l'île a ses caprices et tout ne se déroulera pas comme prévu... Voici le récit véritable de son périple.