nom masculin
MYTHOLOGIE :
Partie la plus élevée du ciel, où séjournent les dieux.
LITTÉRAIRE :
Ciel ; monde supraterrestre, séjour des bienheureux.
Je ne sais combien de temps j'ai passé là, inerte, sans sommeil, ni conscience pour autant, mon esprit vaguement situé entre deux mondes plus très distincts. Ces dernières heures, j'ai contemplé avec effroi, mon corps perdant ses derniers remparts calorifiques. Seule subsiste une dernière poche de résistance dans mon torse. Mon cœur, ultime donjon, s'acharne à maintenir cette flamme. Mon rayonnement se disperse. Je ne lutte plus vraiment, mon enveloppe le fait pour moi... si mal.
La nuit doit sûrement être avancée quand j'entends un grondement progressif et rapide.
Des moteurs !
Une lueur orange m'inonde soudainement, me fait ouvrir les yeux, m'éblouit. Ma toile de tente luit ! Des voix, des Hommes ! Ils hurlent et posent des questions que je ne comprends pas, les moteurs rugissent dans une cacophonie de fin du monde. Je ne sais pas bien si j'hallucine, si c'est bien le Grand Rien qui décide de m'avaler enfin, si je rêve ? Non, je ne peux pas laisser cette occasion ! Je dois bouger, sacrifier cette dernière bulle de chaleur, m'exposer à nouveau, une dernière fois ! Je dois vivre !
Je le veux.
Empêtré, je tente de me dégager maladroitement de l'enchevêtrement de toile, de ficelles et de neige qui nous recouvre. Ma tête émerge enfin. Des lumières puissantes m'aveuglent de toutes parts. Je finis, après plusieurs secondes, par deviner dans la nuit noire des véhicules dont un 4x4, des motoneiges et beaucoup de monde. Tout ces engins qui m'encerclent et les projecteurs qui m'éblouissent me font me sentir comme dans un film, sortant d'une banque les poches pleines de billets et instantanément braqué par des dizaines de policiers.
Des mains fortes m'attrapent. Des gens se précipitent autour de nous. Je crie : « Théo est là-dessous ! Il est là ! ».
Derrière moi, sa forme ne se devine même pas sous la toile. Il est fondu dans la croûte de glace, indolent. D'autres humains s'occupent aussitôt de lui. D'autres encore me prennent en charge pendant que l'on m'extrait et me porte à demi. J'essaye bien de marcher mais mes jambes sont roides, absentes. Le temps de quelques secondes et je me retrouve à l'arrière du monstrueux 4x4.
Dehors la tourmente rugit toujours, il neige à l'horizontale. Les hommes aux lampes ne semblent pas s'en préoccuper. Ils s'affairent autour de nous, ils nous posent des questions qui commencent à prendre sens dans ma tête. Je balbutie mais parvient à échanger.
Mes sous-couches sont trempées, celles du dessus, gelées. On me déshabille alors que le froid, qui m'inonde à nouveau, me provoque des spasmes plus que des tremblements.
Je me retrouve avec une barre chocolatée fourrée dans la bouche, du café, on m'enfile un bonnet de laine et une couverture. Irréel.
Mes pieds me démangent, je sens les fourmis. Un grand islandais habillé tout de laine et qui semble être le conducteur de l'engin me les frictionne de sa place à l'avant avec force. Théo à côté de moi maintenant, subit à son tour la séance de dépouillement et le gavage qui s'ensuit.
Il est vingt-deux heures trente. Un homme et une femme en combinaison s'occupent de nous avec empressement. Ils nous enfilent dans des couvertures chauffantes et des housses oranges, étanches et tubulaires comme des sacs de couchages. Ils se parlent dans leur langue roulante et mielleuse.
La nuit est noire. Dehors, les équipes s'agitent, le vent mugit toujours.
On nous rassure beaucoup, on nous frictionne, il faut nous réchauffer. Le bruit, les moteurs, les hommes qui beuglent des directives, toute cette agitation nous frappe. Elle nous sort de notre torpeur.
Nous nous excusons, d'en être arrivés là, d'avoir déclenché tout ça. On nous répond que c'est le principe des secours, qu'il n'y a aucun mal à ça. On nous rassure encore.
Sans trop m'en soucier d'abord, je finis finalement par m'enquérir de ce qu'il allait advenir de notre matériel. On me répond de ne pas m'en inquiéter, tout va être ramasser. Et effectivement, j'aperçois par le pare-brise les motards plus loin, dans la tempête, qui creusent dans ce maudit trou qui n'avait jamais voulu exister, ils en extraient nos sacs et du matériel.
La chaleur est là ! Je la sens bien maintenant. La vie reprend ses droits. Putain la vie ! J'en pleure chaudement, toujours en silence. Théo également, pour des raisons semblables sûrement.
J'apprends que l'hélicoptère est en route. Celui-là même que j'ai vu repartir des heures plus tôt. C'était une autre époque...
Quand je demande comment ils ont finis par nous trouver ? Vu que la balise GPS n'avait pas l'air d'avoir transmis des informations précises. On me dit que c'était grâce à nos traces depuis le Nord, les pisteurs les ont suivis. Quelles traces ?! Avec ce balayement constant aucune trace ne persiste plus de quelques minutes. On me répond que les traces à proprement parler non mais les cassures dans la neige et autres déformations si. Ce sont elles qui leur ont permis de venir jusqu'à nous, tels des indiens sur la piste d'un gibier. C'est ainsi qu'ils le décrivirent en tout cas. Je crois d'abord à une blague légère mais enfin, le principal est bien qu'on soit sauvés. C'est leur pays, ils savent de quoi il est capable et savent agir en conséquence. Il semblerait également que notre localisation n'ait pas été aussi mystérieuse que nous le pensions de prime abord mais c'est le temps de nous rejoindre et de faire le dernier ratissage qui fut long, trop long à mon goût.
Soudain, je l'entends. Je l'entends pour la deuxième fois de la journée mais je ne suis déjà plus le même. L'hélicoptère...
Il est là.
J'aperçois un des motards de l'extérieur venir récupérer un fumigène rouge dans l'habitacle afin de signaler une position d'atterrissage. Je me rends compte alors de l'équipement de nos bienfaiteurs. Ils sont outillés comme des portes avions... Casques avec phares vissés dessus, lunettes de vision nocturne pour certains, combinaisons étanches, gilets tactiques et j'en passe. Il savent y faire, il n'y a pas de doutes.
Tout à coup, la portière gauche s'ouvre, ils emmènent mon camarade. Puis, après un court instant, vient mon tour.
Alors que je suis saucissonné dans ma housse, on m'enfile un casque antibruit et on m'extrait. Le froid me frappe soudain mais il n'est plus le même déjà, il n'a plus le même mordant... Parce que je suis sec déjà et puis parce que je sais que ce soir il ne me fera plus aucun mal.
On me glisse dans l'hélicoptère à même la carlingue comme une pizza dans un four à bois. Je me raidi pour faciliter la manœuvre. L'équipe aéroportée prend le relais. Enfin nous décollons.
Sur cette surface en taule je ressens chaque vibrations, je sens l'aéronef quitter le sol. Je m'envole. Tant physiquement que psychologiquement. Putain je vis! Je laisse là la mort, sur le carreau, sans même un regard en arrière. Mes pensées se remplissent à nouveau. Putain je vis !

VOUS LISEZ
ICELAND une semaine à la neige
AdventureAvec une luge et un ami, il décide de traverser l'Islande à skis, du Nord au Sud, au cœur de l'hiver. Mais l'île a ses caprices et tout ne se déroulera pas comme prévu... Voici le récit véritable de son périple.