Introduction

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Il y a des choses parfois qui demeurent inexplicables. Des rencontres que l'on fait au détour d'un chemin. Des larmes versées sans aucune raison, des fous rire qui partent sans que l'on n'y puisse rien faire. Et parfois des catastrophes tombent sur nous, et alors que nous pensons nous écrouler sous leur poids, nous découvrons en nous une force que nous n'avions pas soupçonné jusque là.

Au moment où commence cette histoire, je n'étais qu'une gamine banale comme on en croise tant dans les lycées de France. Une lycéenne de 16 ans, son sac sur le dos, la mine maussade et un casque énorme se perdant dans ma grosse chevelure bouclée.

Je marchais en regardant mes pieds, comme d'habitude, tirant la tronche et tirant sur ma cigarette en ignorant tout ce qui se passait autour de moi. Cela faisait bien longtemps, à ce moment là, que j'avais laissé tombé tout espoir de voir la joie s'installer durablement en moi. Pour moi, tout était violent et éphémère, comme une perle de rosée s'échouant sur un coin de fenêtre, toute belle, luisante, et qui s'écrase au sol après quelques secondes. Tout n'était qu'instinct, sang bouillonnant, cris, rires, rage et larmes en moi et j'étais soumise à des nerfs dévorants qui me faisaient plier petit à petit.

Cela faisait 5 ans à présent que j'étais arrivée à Lille, 5 ans que j'avais profondément changé, et que je m'en réjouissais fort d'ailleurs. Je me plaisais à voir la mélancolie et la lassitude se peindre sur mon visage d'adolescente, et je ne faisais, en réalité, pas grand chose pour me sortir de cette fatalité dans laquelle je m'étais plongée. J'étais, comme qui dirait résignée à la grande aventure qu'est l'adolescence tout en tentant de me persuader que je ne faisais pas partie de la masse, que j'étais un être à part, crachant sur tout code ou règle sociale. J'ignorais que la plupart des morveux de 16 ans désirait se placer au dessus du troupeau également, et que cela me rendait tout aussi oisive qu'eux.

Quoi qu'il en soit, cette journée était une journée comme les autres, mis à part le fait qu'il pleuvait des cordes, et que mes cheveux, toujours aussi indomptables s'écrasaient sur ma face pâle et renfrognée. J'étais de mauvaise humeur, et à pas rapide, je cherchais à rejoindre le métro le plus rapidement possible alors que je revenais du lycée. On me reconnaissait de loin : même si mon âme était un copié-collé de ceux des gens de mon âge, mon aspect extérieur aurait pu ressortir d'un lot de 100 personnes. J'étais une petite nana d'1m65, aux cheveux bruns et se caractérisant par le fait qu'ils refusaient de m'obéir, à tel point que j'avais renoncé à tenter de les coiffer au grand damn de ma mère. J'avais des grands yeux marrons cernés, accentués par un épais trait de noir, ce que je croyais me rendre plus sombre que jamais alors que cela me donnait seulement une étrange ressemblance avec le chanteur de Queen. En général, j'étais vêtue tout de noir, avec des chaussures énormes qui même après 10 ans étaient toujours comme neuves mais ce jour là, c'était en tailleur et en talons que je trottinais sous la pluie. C'était la journée de promotion des seconde, et toute ma promotion avait attendu patiemment dans la chapelle de mon lycée que le directeur fasse son habituel discours, nous faisant mille recommandations sur les examens qui approchaient, sur l'avenir de l'établissement et sur nos valeurs qu'il fallait tenir à tout prix. Mr. de la Rosière m'avait toujours fait rire, avec ses airs de phoque essoufflé et ses grands yeux qui semblaient toujours ébahis. Il l'aurait sûrement été, d'ailleurs, s'il était au courant que la plupart des élèves qui suivaient ses discours avaient des paquets de cigarettes dans leurs sacs ou des écouteurs dans les oreilles pendant qu'il prononçait ses sermons. Quoi qu'il en soit, la voix monotone de Mr. de la Rosière m'avait exaspérée, et ma tenue qui ne me saillait absolument pas me rendait encore moins agréable à regarder qu'à l'accoutumée. Sortant nerveusement une cigarette de mon sac, j'allais l'allumer lorsqu'une énorme goutte de pluie s'écrasa sur elle et la ruina en une seconde, répandant au passage du tabac sur mes doigts

Ecrits d'une Ex-LooseuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant