Parlons à présent des raisons écologiques surabondantes qui se surajoutent aux raisons éthiques et qui ne peuvent qu'achever de convaincre de l'urgente nécessité de renoncer collectivement et durablement à la chair animale.
La production de viande est un désastre écologique, a fortiori la production de viande bovine. Pour produire de la viande, il faut : des terres de pâturages ; des terres où cultiver les céréales qui servent à nourrir les bêtes ; des engins agricoles pour vaporiser les produits phytosanitaires qui favorisent le rendement desdites céréales, pour déplacer bottes de paille, bottes de foin de foin et citernes d'eau, pour faire les récoltes, pour transporter les bêtes jusqu'à l'abattoir ; il faut d'immenses quantités d'eau pour faire pousser ces fameuses céréales, en plus de l'eau qui sert à abreuver les bêtes ; il faut aussi des camions et parfois même des bateaux pour transporter la viande depuis le site de production (l'élevage) vers l'abattoir, puis des abattoirs jusqu'aux lieux de commercialisation tels que les grandes surfaces (une importante part de la viande bovine consommée provient en effet du Brésil...). Il faut également prendre en compte toute l'électricité et toutes les ressources qui ont été consommées d'un bout à l'autre de cette chaîne : l'électricité consommée ; les matériaux utilisés pour l'édification des fermes, des abattoirs, des boucheries, des laboratoires de conception de produits phytosanitaires, des usines de production de ces derniers ; les métaux et autres matériaux utilisés pour fabriquer les engins agricoles et les engins de transport. Ajoutons enfin les trajets en voiture que font régulièrement les vétérinaires pour venir accomplir des gestes qu'eux seuls peuvent accomplir et que requiert la bonne santé des bêtes, c'est-à-dire, par répercussion, celle du consommateur.
Tout cela pollue énormément et a une grave incidence non seulement sur l'environnement et le climat mais également sur la soutenabilité de la gestion des ressources : la consommation d'eau potable est abyssale et cela pose évidemment de réels problèmes lorsque l'eau est puisée sinon dans des nappes phréatiques sinon dans des cours d'eau. Les nappes phréatiques étant effectivement épuisables, les quantités d'eau qui en sont extraites sont autant de ressources en eau potable de perdues : ces réserves facilement accessibles diminuent. Quant aux cours d'eau, qu'il s'agisse de ruisseaux, de rivières ou de fleuves, ils font partie intégrantes d'écosystèmes, voire abritent en leur lit des écosystèmes particuliers, uniques. En puisant l'eau dans ces cours d'eau, nous perturbons des écosystèmes, en détruisons certains. Pensons ici au sort réservé au fleuve Colorado, aux États-Unis : au niveau de la frontière mexicaine, le fleuve est aminci à l'extrême, en grande partie parce que des éleveurs et agriculteurs pompent d'immenses quantités d'eau en amont. Ce sont aussi d'énormes quantités d'hydrocarbures transformés qui sont consommées : notamment pour alimenter les engins agricoles et les véhicules transportant les bêtes et la viande. Cela produit de significatives quantités de gaz à effet de serre et joue donc un rôle non-négligeable dans le processus de réchauffement climatique. Enfin, les bêtes produisent elles aussi un puissant gaz à effet de serre, le méthane.
Quant à la pêche, il en va de même : édification d'ateliers de production de bateaux de pêche et de chalutiers ; fabrication de machines servant à produire les ateliers ; production de machines servant à produire les bateaux et chalutiers ; production des bateaux et chalutiers ; production des véhicules de transports terrestres de la marchandise iodée ; transport par camion des poissons de la criée jusque dans les différents sites de vente de poisson ; consommation de ressources énergétiques (hydrocarbures transformés) et d'énergie (électricité) à chaque étape du processus ; raréfaction de certaines espèces pour cause de surpêche et atteintes graves aux écosystèmes marins (les filets des chalutiers détruisent les habitats des espèces animales vivant sur le plancher océanique, par exemple).
Pensons aussi au fait que la production et la transformation des hydrocarbures impliquent elles-mêmes une consommation d'énergie importante. Or, les hydrocarbures polluent (émission de gaz à effet de serre), et ce, incommensurablement plus que l'électricité verte, laquelle ne représente pourtant qu'une infime fraction de l'énergie consommée dans ce vaste système...
En somme, à l'image du paradoxe de la veste de laine d'Adam Smith*, la quantité de ressources exploitées afin de produire de la chair animale est incommensurable, démesurément plus grande qu'elle n'en a l'air, tant la chair animale semble effectivement à portée de main.
*Adam Smith, De la richesse des nations, fin du chapitre I, 1776
VOUS LISEZ
Ce qui pourrait être mieux
SpiritualitéPetit recueil de réflexions (plus ou moins) philosophiques sur des problèmes de société majeurs, notamment la question de l'avenir de l'humanité et de la consommation de chair animale. Je suis candidement parti à la recherche des points aveugles de...