Depuis quelque temps déjà, j'en viens toujours au même constat : tout se passe comme si nous nous considérions – inconsciemment ou non – comme au crépuscule de l'humanité. Notre horizon commun le plus lointain, c'est quelque chose comme l'an 2100, celui qui fait figure de seuil au-delà duquel tout est obscur, incertain et trop éloigné de nous pour que nous nous donnions la peine d'y songer.
Les politiques effectives (celles menées à bien par l'exécutif et la majorité parlementaire) visent à répondre à des problèmes présents. En effet, aucun des gouvernements qui se sont succédé, en France du moins, n'a entrepris de politiques véritablement « long-termistes » : toutes leurs mesures ne visaient et ne visent encore qu'à pallier les problèmes du moment, de l'instant présent, quels qu'ils soient ; il n'y en a aucune qui vient mécontenter les humains d'aujourd'hui parce que ce serait le prix (dérisoire) à payer pour épargner de graves voire irrémédiables problèmes que connaîtront des humains qui n'existent pas encore, mais qui existeront malgré tout dans un certain avenir.
Tout se passe comme si l'avenir envisagé de l'humanité avait pour confins le jour où le dernier homme déjà né mourra. Seul l'avenir des humains véritablement existants compte ; celui des générations futures ne semble quant à lui ne pas compter. Pour ne pas froisser les rares et précieux esprits soucieux non seulement de leur propre avenir mais aussi de celui des hommes et des femmes qui peupleront un jour la Terre à notre place – car il y en a, heureusement –, je préciserai que c'est seulement d'un point de vue global que j'affirme que le présent nous importe infiniment plus que l'avenir.
La question que je pose est donc la suivante : est-ce bien légitime de donner ainsi davantage d'importance aux problématiques des vivants qu'à celles que connaîtront les humains qui n'existeront que lorsque nous ne serons déjà plus là ? Est-ce conforme à l'esprit des Lumières, des humanistes dont nous nous revendiquons les authentiques héritiers que d'ainsi nier l'existence d'une réalité en devenir, encore à l'état embryonnaire, mais qui, de manière certaine, adviendra tôt ou tard ? Pourquoi ne pas arrêter dès aujourd'hui d'agir en fossoyeurs du miracle de la vie ? Pourquoi continuer à hypothéquer toutes nos chances d'un jour achever de pacifier durablement le monde et de vivre en harmonie avec une nature à laquelle nous devons éthiquement et vitalement toutes les marques de respect ? Pourquoi choisir ce déni de grossesse qui nous fera fatalement accoucher d'une humanité dont les conditions d'existence seront mortifères et contre lesquelles elle ne sera pas préparée, ce alors même que nous avons le pouvoir de garantir aux générations futures un avenir qui n'aura rien à envier au nôtre ?
Je ne prendrais pas la peine d'écrire ces quelques mots s'il n'était pas flagrant que l'avenir de l'humanité s'annonce à tout point de vue moins reluisant que notre présent.
Si nous ne changeons rien à nos modes de vie, à nos modes de consommation et à nos modèles politiques, alors les humains d'un avenir pas si lointain pourront légitimement considérer que, rétrospectivement, l'agonie de l'humanité a commencé avec cette insidieuse mondialisation capitaliste néo-libérale post-1945 contre les effets néfastes de laquelle nous ne luttons pas. Surtout, ils seront en droit de nous mépriser pour notre inexcusable indifférence à l'égard d'un avenir que nous aurons su déterminé à devenir un jour réalité présente. Je dirai même que nous sommes dores et déjà méprisables pour notre déni écologico-environnemental et pour notre indéniable indifférence face aux incommensurables inégalités socio-économiques.
C'est pour cela que je me constitue simplement citoyen révolté et engagé : je prends la plume et j'élève la voix dans le candide espoir que cela contribue à une rapide et décisive prise de conscience générale de l'urgence climatique.
Les vivants n'ont pas le monopole de la vie. Nous pouvons et devons tout à la fois jouir des merveilles que nous offre notre monde, la Terre, et faire en sorte que les générations futures puissent elles aussi jouir d'une belle existence – et si possible leur garantir un avenir plus radieux encore que ne l'est notre présent –, tel est notre devoir d'êtres humains.
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Ce qui pourrait être mieux
SpiritüelPetit recueil de réflexions (plus ou moins) philosophiques sur des problèmes de société majeurs, notamment la question de l'avenir de l'humanité et de la consommation de chair animale. Je suis candidement parti à la recherche des points aveugles de...