𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟎𝟏

760 26 10
                                    

I. ORAGE SÉDUISANT.

Cette douce pluie balayait ses tourments vers un lit infini. Un lit soyeux où reposait le passé des méandres endormis.

Assis sur le sol poisseux, cet être n'était pas soucieux. Pour une fois, il n'était pas inquiet pour autrui, car il était seul et seulement détruit. Les pensées en attentes, les mots en abondance, il renonçait. Le cœur réduit en échantillons meurtris, le noiraud aux yeux grisâtres se tracassait sur de vieilles mélancolies. La vie avait été belle, autrefois. Toujours troublée et triste, mais sans cette lueur d'effroi sinistre, noyée dans un drap noir, le suivant à chaque tournant.

Pourquoi la faucheuse le suivait-il comme un chien suppliant un maître? L'allégorie de la mort le hanterait à jamais, cela, il le savait. Néanmoins, il ne comprenait toujours pas pourquoi elle s'acharnait tant sur ses amis et pourtant jamais sur lui.

S'écrasant sur l'homme, accompagnant l'être de son imagination, la pluie mimait son besoin de solitude et de chaleur.

Le ciel l'observait de haut, le laissant songer à quel point ce temps était beau pour dénoncer sa peine, un bon temps pour la cacher, ainsi que sa haine.

Il était réduit à néant, chamboulé par cet ouragan que la faucheuse gardait avec lui. Il n'avait pas chaviré une seule fois en voyant tous ces corps sans vie, mais ce jour-là n'avait pas été le même que les précédents. Ce visage dénudé d'euphorie restait gravé en son esprit détruit. Il avait toujours été fort, toujours tenu bon, mais cette fois-ci, le craquement avait retentit dans son être tout entier. La fissure qui parcourait son cœur avait atteint un point insupportable, s'étant agrandie, face aux visions de dysphorie. À chaque fois, quelque chose en lui cassait, mais à ce moment, son cœur s'était fissuré plus longuement qu'autrefois.

Ce visage ferme qu'il avait tant aimé, tant apprécié et avait juré de protéger, était maintenant un visage morne, un visage blanchâtre qui avait été arraché de toutes ses fonctions.

Ses pleurs se faisaient silencieux, suivant la danse enragée de la pluie. Ses larmes suivaient la cadence des gouttes autour de lui, jouaient dans une mélodie funèbre dont regorgeait son esprit. Il avait craqué. Voir ce paysage macabre avait été de trop, ce paysage rouge où reposait un corps particulier au milieu de tous.

La pléthore de cris hantant ses nuits venait de doubler, arrachant des yeux effarés à jamais, avec pour vision ce fameux regard bleuté.

Erwin Smith venait de mourir sur le champ de bataille, la bouche entrouverte par laquelle il avait exprimé ses derniers mots, mots qui avaient scellé son destin. Un regard vide, égaré dans une contemplation dirigée vers le passé, il ne montrait plus rien. Vide, avide de vérité, tout était perdu dans le passé.

Livaï laissait ses émotions perler en forme liquide le long de ses joues rosies, sous le ciel que seul lui pouvait juger. Ce ciel lui envoyait tout le chagrin qu'il portait comme fardeau et le lui donnait en consolation pour masquer toute goutte salée tombante.

Le silence de la nuit régnait, aucun bruit ne le dérangeait. Il était seul, de retour sur le toit où tout avait pris place. Pourquoi est-ce que tout cela devait se dérouler ainsi? Lui arracher une partie de lui était une chose que l'univers aimait lui faire, et il pensait vraiment s'y être habitué. Pourtant, la peine ne le quittait jamais. Il n'avait jamais oublié le sentiment de douleur, jamais estompé ses malheurs. Mais cette fois, il n'était plus comme auparavant.

Seul. Maintenant, il était complètement seul. Seul au monde, plus rien ne pouvait le reconstituer à l'aide de tous ses morceaux brisés. Pas même Hanji qui était non loin de lui, pleurant de tout son être la perte qu'elle avait subie.

𝗦𝗲𝘀 𝗽𝗹𝗲𝘂𝗿𝘀 𝘀𝗼𝘂𝘀 𝗹𝗮 𝗽𝗹𝘂𝗶𝗲Où les histoires vivent. Découvrez maintenant