𝟐 - 𝑙𝑎 𝑡𝑒𝑛𝑡𝑎𝑡𝑖𝑣𝑒

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"Seigneur, c'est pas vrai, c'est pas vrai !"

En entendant ce vacarme aux abois, Richiko crut un instant que la mort d'un de ses proches — si ce n'était pas la sienne — était proche. Cette agitation l'avait réveillée d'un coup, de la même manière que l'auraient fait des décharges électriques. Comme le hurlement provenait de la rue devant le jardin, la jeune brune rampa sur son lit pour atteindre la fenêtre, qui l'avait tant effrayé la veille. Collant son visage encore tout chaud de la nuit qu'elle venait de passer, contre la vitre fraîche, elle aperçut sa mère trottiner devant la façade avec cette démarche affolée qu'elle était surprise de retrouver chez elle.

Le caddie restait assis bien sagement, à côté de la scène. Richiko en déduisit donc que les courses, la mission la plus importante de sa maternel depuis sa venue dans cette maison, avait été retardé par ce phénomène étrange sur la façade. Elle descendit donc pour la rejoindre.

Et ce qu'elle y vit la fit déglutir avec une amertume, provenant du fin fond de ses entrailles.

BÂTARDE TRAÎNÉE

En deux mots sur la façade, séparés par le portail :

BÂTARDE

TRAÎNÉE

Voilà que deux mots se mettaient à chahuter chaotiquement dans sa tête, à moitié endormie. La couleur orange des lettres semblait s'opacifier avec le temps ; Richiko avait l'impression — peut-être même la bonne — que plus ils laissaient reposer ces mots sur ce mur, plus elles auraient du mal à partir. Elles étaient comme les écritures saintes, que tout le monde croyait. Pas besoin de les écrire pour les savoir par coeur.

Richiko voyait les voisins commençaient à s'agglutiner avec discrétion, pour ne pas paraitre comme des mégères, ce qui induisait l'effet contraire. Voilà des carpes qui viennent gratter et déguster les peaux mortes sur des pieds à peine posés à la surface. C'était d'un comique répugnant.

— Il faut que j'aille chercher M. Shirai pour faire disparaitre tout ça, s'égosilla-t-elle pour elle-même. C'est pas vrai, c'est pas vrai !

Mais l'affront ne pourrait être lavé, Maman. Elle n'entendit naturellement pas la pensée de Richiko et se mit à courir, en laissant sa fille et son caddie sur place.

Richiko ne l'avait pas connue aussi affolée depuis que le gamin d'en face avait explosé la fenêtre du salon avec son ballon de football, il y a deux ans de cela. En vérité, elle ne l'avait jamais vu hurler de cette façon. Avec cette panique sèche et tonitruante, qui modifiait même sa façon de marcher. Elle n'avait pas eu un quart de cette réaction quand Richiko s'était faite traîner sur dix mètres par un cycliste inattentif et qu'elle avait boité comme une mendiante jusqu'à la maison.

Aujourd'hui, c'était elle-même qui traînait cette famille et cette maison dans la boue avec ce "traînée" qui salissait bien au delà de la façade.

Richiko se mit à inspecter de nouveau les dégâts, imprimés sur le béton beige, jusqu'ici si propre. Le B de « BÂTARDE » formait presque un coeur, elle le remarqua avec un demi-rire. Mais, ce n'était pas un moment pour rire, alors elle se reprit en toussotant. Elle avait passé sur le sens des mots, par peur de se faire souffrir mais ils étaient si évidents que la gêne dans sa gorge était déjà là.

Se précipitant dans le maison, elle en sortit ensuite avec des outils de nettoyage aléatoires, qu'elle avait pu trouver au petit bonheur la chance. Un chiffon de salle de bain, de l'essuie-tout trois épaisseurs et même un plaid que personne n'utilisait jamais dans cette foutue maison.

science infuse | tokyo revengersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant